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Dermatologie générale

Publié le 02 mai 2012Lecture 8 min

Diagnostic et traitement des érythrodermies

C. RAM-WOLFF - Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris -- L. VALEYRIE-ALLANORE - Service de dermatologie, hôpital Henri Mondor, Créteil
Le diagnostic d’érythrodermie est par définition retenu devant une éruption érythémateuse plus ou moins squameuse touchant au moins 90 % de la surface corporelle. Il s’agit d’une affection potentiellement menaçante pour le pronostic vital, pouvant se compliquer de troubles hydroélectrolytiques, de troubles de la thermorégulation, d’infections, voire de sepsis, ou même de défaillance cardiovasculaire. Une prise en charge hospitalière est donc nécessaire.
Illustration/figure 1. Psoriasis érythrodermique Généralités L’érythrodermie est une pathologie rare. Son incidence est d’environ 1 à 2/100 000 patients dans les pays occidentaux. Elle survient à tout âge, avec une moyenne de 55 ans. On peut classer les érythrodermies en 5 catégories étiologiques : – les érythrodermies résultant de dermatoses préexistantes (dermatite atopique, psoriasis, pityriasis rubra pilaire, pemphigus foliacé, pseudo-lymphome actinique, etc.). Il s’agit de la catégorie étiologique la plus fréquente ; – les hémopathies à localisation cutanée (principalement le syndrome de Sézary et le mycosis fongoïde) ; – les érythrodermies d’origine médicamenteuse ; – les érythrodermies de causes diverses (paranéoplasique, gale, dermatomyosite, sarcoïdose, lichen plan, lupus érythémateux, maladie du greffon contre l’hôte, etc.) ; – les érythrodermies idiopathiques : aucune cause n’est retrouvée. Cette catégorie représente 9 à 32 % des causes d’érythrodermies. Diagnostic clinique Quelle que soit la cause sousjacente de l’érythrodermie, certains éléments sémiologiques sont communs : le prurit, la frilosité. Parmi les signes généraux, on observe une hyperthermie oscillante, pouvant alterner avec des phases d’hypothermie (témoignant de la dysrégulation thermique cutanée), une altération de l’état général, des sensations de malaise. Du point de vue dermatologique, l’érythrodermie se caractérise par un érythème classiquement généralisé, associé à des squames de présentations cliniques variées. La peau est épaissie, lichénifiée (pachydermie) en particulier en regard des plis et du dos. Il peut s’y associer une kératodermie palmo-plantaire, parfois fissuraire, un ectropion et plus rarement des atteintes muqueuses. Une polyadénopathie et une hépatosplénomégalie, classiques, sont à rechercher. Enfin, l’atteinte des phanères apparaît après quelques semaines d’évolution et se caractérise par une perte des cheveux, une dépilation des sourcils et des cils ainsi que des modifications des ongles qui s’épaississent, jaunissent, deviennent friables et peuvent tomber. Quelle que soit la cause de l’érythrodermie, il existe un prurit et une frilosité.   Diagnostic étiologique Au stade d’érythrodermie, l’éruption perd souvent ses caractéristiques cliniques initiales et spécifiques. Les données de l’interrogatoire (antécédents familiaux et personnels, rupture de traitement, prise médicamenteuse, etc.) sont précieuses pour orienter le diagnostic. • La présence de lésions vésiculeuses peut orienter vers un eczéma. Une atteinte unguéale, un casque squameux du cuir chevelu sont en faveur d’un psoriasis (figure 1). • Un interrogatoire poussé permettra d’évaluer l’imputabilité de médicaments dans le développement de l’érythrodermie. Dans ce contexte, elle résulte de la confluence de lésions maculopapuleuses dans le cadre d’un exanthème maculo-papuleux classique, voire d’autres types de toxidermie (figure 2).  Figure 2. Érythrodermie sur toxidermie. Le DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms), dans sa présentation classique, est associé à une éruption de plus de 50 % de la surface corporelle, mais l’érythrodermie est fréquemment observée. Il se développe 2 à 6 semaines après l’introduction d’un nouveau médicament et s’accompagne d’une ou plusieurs atteintes viscérales pouvant menacer le pronostic vital. • Plus rarement, la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) peut prendre une forme érythrodermique ; elle apparaît 24 à 48 heures après l’introduction d’un nouveau médicament et touche, classiquement, initialement les grands plis. Les placards érythémateux confluent et sont secondairement surmontés de pustulettes aseptiques non folliculaires pouvant orienter le diagnostic.   Figure 3. Syndrome de Sézary. • Les lymphomes T cutanés épidermotropes sont les pathologies malignes les plus souvent responsables d’érythrodermies ; on distingue le syndrome de Sézary (figure 3) et le mycosis fongoïde érythrodermique. L’érythrodermie correspond au stade T4 de la classification TNMB révisée par EORTC/ISCL 2007, et les manifestations hématologiques permettent de distinguer trois sortes de lymphomes T cutanés érythrodermiques. La forme B0 correspond à la présence de moins de 5 % de cellules de Sézary circulantes, qu’il y ait ou non un clone T dominant circulant en PCR. La forme B1 correspond à la présence de plus de 5 % de cellules de Sézary circulantes mais moins de 1 000/mm3, qu’il y ait ou non un clone T circulant. La forme B2 associe un clone T majoritaire circulant et, soit plus de 1 000 cellules de Sézary circulantes par mm3, soit un rapport CD4/CD8 circulant supérieur à 10, soit la perte des marqueurs lymphocytaires CD7 ou CD26. La forme B2 correspond au syndrome de Sézary. • Parmi les causes plus rares d’érythrodermies, on trouve le pityriasis rubra pilaire, la gale croûteuse et la primo-infection VIH. • Enfin, les érythrodermies idiopathiques sont un diagnostic d’élimination et justifie d’une surveillance clinique et paraclinique rapprochée. • Chez l’enfant et le nouveau-né, l’érythrodermie est rare et de diagnostic difficile. Si elle est congénitale, elle peut orienter vers une ichtyose ou un déficit immunitaire. Toutes les causes d’érythrodermie de l’adulte peuvent être observées chez l’enfant, la dermatite atopique étant l’étiologie la plus fréquente.   Examens complémentaires • La biopsie cutanée pour examen histopathologique est souvent aspécifique dans les érythrodermies, un diagnostic n’est réalisé en pratique que dans deux tiers des cas. Une confrontation anatomo-clinique est indispensable et la réalisation de biopsies multiples est préconisée. • La recherche d’un clone T sanguin ou cutané par PCR est indiquée en cas de suspicion de lymphome. Au stade érythrodermique, elle est positive dans 70 à 80 % des cas, mais le résultat doit être interprété avec l’ensemble des données anatomocliniques et biologiques. • Une numération-formule sanguine avec recherche de cellules de Sézary oriente vers un lymphome T cutané si les cellules de Sézary sont supérieures à 1 000/mm3. Une hyperéosinophilie et un syndrome mononucléosique orientent vers un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, une lymphopénie vers un lymphome, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles vers un psoriasis pustuleux, une pustulose exanthématique aiguë généralisée ou une cause infectieuse. • L’immunophénotypage lymphocytaire permet d’orienter vers le diagnostic de syndrome de Sézary si le rapport CD4/CD8 est supérieur à 10 ou en cas de perte d’expression de marqueurs pan-T comme CD7 ou CD26. De nouveaux marqueurs phénotypiques des cellules de Sézary circulantes sont en cours d’évaluation, notamment le CD158k/ KIR3DL2 qui pourraient orienter le diagnostic étiologique des érythrodermies. • L’ionogramme sanguin et l’évaluation de la fonction rénale permettent d’apprécier le retentissement de l’érythrodermie. • Selon le contexte, on pourra également effectuer une sérologie VIH ou un prélèvement à la recherche de sarcoptes.   Prise en charge thérapeutique La prise en charge du patient érythrodermique comporte trois étapes principales : – reconnaître cliniquement l’érythrodermie ; – apprécier la gravité pour adapter l’attitude thérapeutique immédiate ; – rechercher l’étiologie afin de proposer un traitement spécifique. • Une érythrodermie est souvent mal tolérée et nécessite en général une hospitalisation en urgence. • Les complications immédiates des érythrodermies doivent être recherchées et prises en charge rapidement ; les troubles hémodynamiques et hydroélectrolytiques doivent être corrigés, les complications de décubitus doivent être prévenues, et les complications infectieuses, fréquentes, nécessitent une prise en charge adéquate. Une érythrodermie est souvent mal tolérée et nécessite en général une hospitalisation en urgence. • Un traitement symptomatique de l’érythrodermie est donc proposé : hydratation en privilégiant la voie entérale, réchauffement, prévention des infections, prévention des complications de décubitus, antihistaminiques pour le prurit. Localement, les topiques à visée symptomatique et anti-inflammatoire sont préconisés. Les émollients et dermocorticoïdes permettent une hydratation cutanée et l’amélioration de la barrière épidermique ; ils contribuent à réduire la vasodilatation périphérique et permettent une sédation du prurit. Ils constituent le traitement de choix et de première intention en phase aiguë des eczémas, du psoriasis, des lymphomes T cutanés et des toxidermies avant un traitement spécifique. Les émollients et dermocorticoïdes constituent le plus souvent le traitement de choix et de première intention en phase aiguë. • Le traitement curatif de l’érythrodermie est orienté selon le diagnostic étiologique. Un médicament imputable doit être stoppé en cas de suspicion de toxidermie. • Les érythrodermies idiopathiques nécessitent un suivi régulier, une étude ayant révélé, lors d’un suivi régulier de ces patients sur plusieurs années, que 20 % des patients finissent par présenter un lymphome T cutané.   En pratique, on retiendra  Il existe quatre catégories étiologiques d’érythrodermies : les dermatoses préexistantes, les hémopathies à localisation cutanée, les érythrodermies d’origine médicamenteuse et les érythrodermies idiopathiques.  Les principales complications immédiates des érythrodermies à redouter sont : les troubles hémodynamiques, les troubles hydroélectrolytiques et les complications infectieuses.  La prise en charge des érythrodermies comporte trois étapes : poser le diagnostic, prévenir, rechercher et traiter des complications immédiates et rechercher l’étiologie pour proposer un traitement spécifique.

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