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Allergologie

Publié le 09 déc 2021Lecture 7 min

Conduite à tenir face à une suspicion d’allergie médicamenteuse chez l’enfant

Denise Caro, Boulogne-Billancourt

Les suspicions d’allergie à la pénicilline sont fréquentes chez l’enfant. Le bilan diagnostique est important pour confirmer ou infirmer la responsabilité de l’antibiotique. Dans bien des cas, il s’agit d’une simple éruption cutanée induite par un virus ou d’une allergie à un autre médicament tel qu’un AINS.

En 2016, un groupe de travail sur l’allergie aux médicaments de l’EAACI (Académie européenne de l’allergie et l’immunologie clinique) a proposé un algorithme décisionnel face à une suspicion d’hypersensibilité (HS) à un médica-ment chez l’enfant(1). Il importe de distinguer les réactions immédiates, des réactions retardées. En cas de réaction immédiate, on fait des tests cutanés (TC) – associés ou non à des tests in vitro et au dosage des IgE spécifiques. La positivité de ce premier bilan confirme le diagnostic et impose l’éviction du médicament. En cas de négativité, un test de provocation orale (TPO) est pratiqué. Ces résultats confirment ou infirment le diagnostic. Face à une réaction non immédiate, la conduite à tenir est moins claire. En effet, si on procède de la même façon que pour une réaction immédiate en cas de réaction retardée sévère face à une réaction cutanée non immédiate bénigne, la question de la nécessité de pratiquer des TC avant le TPO se pose. En effet, selon les études, le pourcentage de TPO positifs en cas de réaction cutanée légère non immédiate est estimé entre 2 et 14 %. Le pourcentage de faux négatifs et de faux positifs du TC est estimé à 57,8 % et 100 %, preuve de la faible valeur diagnostique de ce test chez l’enfant(2). Dans cette situation, le TPO joue donc un rôle majeur ; toutefois, son protocole n’est pas clairement établi. Certains administrent la première dose à dose complète (100 à 150 % d’une dose standard), d’autres choisissent des doses croissantes. La durée du test est elle aussi variable. Certains font le test en un jour, d’autres le prolongent parfois jusqu’à 10 jours, et d’autres encore choisissent d’adapter la durée du test en fonction de la réaction initiale(2). Le taux de positifs à la première dose varie de 0,6 à 7 % ; le taux de positifs à la maison après cette première dose varie de 0 à 6 %. Un travail a analysé la valeur prédictive négative après une réexposition à l’antibiotique incriminé 1 à 3 ans après le TPO initial. Les auteurs ont estimé que cette valeur prédictive négative était excellente, autour de 90 % de négatifs : la durée du TPO initial n’apporte pas une grande différence (89,1 % de négatifs pour TPO 1 jour et 96 % pour TPO 5 jours)(3). En augmentant la durée du TPO, on identifie un peu plus d’allergies, mais il n’est pas certain que ce soit au bénéfice du patient. En effet, est-il opportun d’exposer des enfants à plusieurs jours d’antibiotiques, avec un impact possible sur la flore intestinale, pour identifier quelques cas supplémentaires d’allergies responsables de réactions bénignes ? La tendance actuelle est de se contenter de l’administration d’une dose, d’autant que l’évolution naturelle des allergies aux médicaments chez l’enfant est plutôt favorable. Un travail a suivi pendant 3,5 ans (1,4 à 7,5 ans) 18 enfants qui avaient une allergie confirmée par un TPO positif. Au terme de l’étude, 16 avaient des TPO négatifs ; 12 d’entre eux avaient repris de l’amoxicilline durant l’intervalle sans faire de réaction, 4 n’avaient pas été réexposés à l’antibiotique(4). « Maintenant, nous convoquons systématiquement les enfants avec un TPO positif 3 ans après, afin de suivre l’évolution de leur allergie », a indiqué Jean Christophe Caubet (Genève). Le TC garde sa place en cas de réaction immédiate S’il est désormais possible de pratiquer d’emblée un TPO en cas de réaction non immédiate bénigne, peut-on procéder de même en cas de réaction immédiate légère? Il est d’autant plus difficile de répondre à cette question que l’histoire clinique ne permet pas toujours de déterminer clairement s’il s’agit d’une réaction immédiate ou non immédiate. La grande majorité des réactions immédiates sont bénignes. Une étude a évalué la sensibilité et la spécificité des TC à la pénicilline et des TPO à l’amoxicilline chez 158 enfants. Un TPO était pratiqué indépendamment des TC. Un seul enfant parmi les 16 avecun TC+ avait un TPO+ (15 TPO-); et 4 parmi les 142 qui avaient un TC- avaient un TPO+ (138 TPO-)(5). Un autre travail a retrouvé des résultats similaires. 732 enfants âgés de 5,5 ans en moyenne, ayant présenté une réaction à la pénicilline (parfois sévère), ont subi une batterie de tests. L’allergie à la pénicilline a été confirmée chez 35 enfants (4,8 %) – 6 réactions immédiates et 29 non immédiates – par un TPO+. Le diagnostic d’allergie sur l’histoire clinique n’était pas corrélé au résultat du TPO. Chez 33 des 35 patients (91 %) avec un TPO+, les résultats des TC et des IgE étaient négatifs. Les auteurs concluent à une faible valeur prédictive des TC(6). Un autre travail a évalué la valeur prédictive négative des TPO chez 818 enfants susceptibles d’avoir une allergie à l’amoxicilline : 94,1 % n’avaient aucune réaction au TPO, 2,1 % avaient une réaction immédiate légère et 3,8 % une réaction non immédiate. La spécificité du test était de 100 %, sa valeur prédictive négative de 89,1 % et sa valeur prédictive positive de 100 %. Parmi les 250 enfants qui ont eu un suivi annuel, 55 avaient de nouveau reçu de l’amoxicilline ; 49 d’entre eux (89,1 %) l’avaient parfaitement tolérée, 6 (10,9 %) avaient développé une réaction non immédiate(7). En dépit des résultats en faveur des TPO de ces différents travaux, on ne peut pas encore à l’heure actuelle se passer des TC préalablement aux TPO chez les enfants présentant une réaction immédiate bénigne à la pénicilline, en raison de la grande rareté des anaphylaxies sévères. En effet, un nombre très important de patients est nécessaire avant de pouvoir confirmer la sécurité d’un TPO sans TC au préalable. On ne dispose pas encore de suffisamment de données pour cela. Penser à une HS aux AINS Étant donné la fréquence des coprescriptions antibiotique/ibuprofène chez l’enfant, une réaction à l’AINS peut être interprétée comme une allergie à la pénicilline. Un travail a regardé parmi une population d’enfants ayant fait une réaction à la prise d’AINS, combien avaient une allergie confirmée par TPO. Les taux de TPO positifs variaient d’un centre à l’autre (de 7,6 à 68,2 %) avec une moyenne de 19,3 %. Ces variations entre les centres pourraient être dues à la façon dont sont faits les TPO (recherche d’une allergie spécifique à un AINS ou à plusieurs)(8). En effet, une étape clé du diagnostic est d’identifier le type d’hypersensibilité en cause afin de déterminer si l’enfant pourra recevoir ou non un autre AINS que celui responsable de la réaction. En dépit encore une fois de variations dans les données, il semble que les enfants cross-intolérants (qui réagissent à plusieurs AINS) sont plus nombreux que ceux allergiques spécifiquement à une seule molécule. La divergence des résultats selon les études tient probablement à l’âge différent des enfants étudiés et surtout à l’inclusion ou non de l’acide acétyle salicylique (ASA) dans les TPO. Les TC ont une faible valeur diagnostique. Ils peuvent être utiles chez les patients qui réagissent sélectivement au paracétamol ou au métamizole. De même, on dispose de peu de tests in vitro et leur valeur diagnostique est peu claire chez l’enfant(9). Les TPO restent donc le gold standard. En revanche, la façon dont ils sont pratiqués ne fait pas consensus. Faut-il d’abord tester l’AINS incriminé ou utiliser l’acide méfénamique, l’ASA, ou un COX-2 inhibiteur ? Selon plusieurs publications pédiatriques, l’AINS incriminé est testé en premier. Cela permet d’exclure une allergie dans 75 % des cas et de la confirmer dans 25 %. Il est temps ensuite de tester plus largement ces derniers. D’autres auteurs adoptent une approche différente, en commençant par faire un TPO à l’ASA : 22 % sont positifs et 78 % négatifs. On recherche ensuite si les enfants non-cross-intolérants réagissent ou non à l’AINS incriminé (environ 5,5 %)(10). Le déroulé du TPO aux AINS est le même que pour les autres médicaments, avec une dose de départ généralement de 10 % de la dose habituelle, en augmentant toutes les 60 minutes. En cas de réactions sévères, on commence le test à des doses plus faibles : 0,01 %, 0,1 %, 1 %, etc. « Il faut tester les enfants dès qu’il y a une suspicion d’allergie à un médicament. Si on ne le fait pas, on les prive (peut-être inutilement) des médicaments dont ils pourraient avoir besoin par peur de déclencher une réaction allergique. En cas d’infection, ces enfants guérissent moins vite et ont davantage d’hospitalisations que les autres », a conclu Jean Christophe Caubet.

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