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Allergologie

Publié le 05 jan 2022Lecture 10 min

Vascularite cutanée - Classification, diagnostic, bilan d’extension

François CHASSET, Service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon, Paris

Les vascularites ont une définition histologique. Elles sont caractérisées par une atteinte inflammatoire et destructrice de la paroi des vaisseaux. Les manifestations cutanées peuvent être isolées ou s’intégrer dans une maladie systémique. Elles sont très polymorphes, dépendent du type et de l’étendue des vaisseaux pathologiques ainsi que du stade évolutif lésionnel.

Le dermatologue a un rôle majeur dans la prise en charge des vascularites ; tout d’abord, il est essentiel de connaître les lésions dermatologiques pouvant orienter vers une vascularite, et les éléments sémiologiques orientant vers une vascularite plutôt que vers un diagnostic différentiel, en particulier pour le purpura et le livédo. Le diagnostic de vascularite repose donc sur l’analyse anatomopathologique qui a un rôle central pour essayer de poser un diagnostic précis. Une fois le diagnostic de vascularite établi, le bilan permet de préciser l’étiologie de la vascularite, ainsi que son extension (organes atteints), afin de proposer un traitement adapté. Aspects cliniques Le purpura est une des lésions les plus classiques des vascularites. Bien évidemment, le purpura n’est pas synonyme de vascularite, et il est important d’éliminer un purpura d’origine thrombotique ou thrombopénique (tableau 1), les purpuras par fragilité capillaire (purpura de Bateman, amylose, avitaminose C) ainsi que les angiodermites purpuriques et pigmentées. Une étude récente s’est intéressée à l’aspect clinique et à la distribution du purpura pour le diagnostic étiologique. Le caractère réticulé était fortement associé aux micro-occlusions vasculaires et à une mortalité importante, en particulier en cas d’atteinte acrale(1). Les principaux résultats de cette étude sont rapportés dans le tableau 2. Dans les vascularites, les lésions purpuriques sont infiltrées, localisées sur les zones déclives (figure 1). Elles sont souvent associées à des lésions érythémateuses ou à des éléments érythémato-papuleux ou nécrotiques (figure 2). En cas de vascularites chroniques, telles que celles observées au cours des cryoglobulinémies associées à une hépatite C, le purpura est parfois masqué par une dermite ocre généralement bilatérale non expliquée par l’insuffisance veineuse (figure 3). Les lésions papuleuses peuvent prendre des aspects différents. Il s’agit parfois de lésions urticariennes (figure 4) particulières du fait de leur caractère peu prurigineux et de leur fixité avec persistance dans la même zone plus de 24 heures. Des lésions papuleuses sont également observées au cours de l’erythema elevatum diutinum. Les nodules dermiques ou hypodermiques des vascularites sont de petite taille, à rechercher sur les trajets vasculaires des membres, parfois à peine visibles, toujours palpables. Ils peuvent évoluer vers la nécrose et l’ulcération. Le livédo est également un élément central des vascularites. Comme le purpura, le livédo n’est en aucun cas synonyme de vascularite. La démarche diagnostique devant un livédo est résumée dans la figure 5. Il est essentiel de distinguer un livédo réticulé d’allure physiologique, pour lequel aucun bilan n’est nécessaire, des livédos ramifiés, toujours pathologiques, qui peuvent être associés aux vascularites, aux vasculopathies oblitérantes ou aux causes emboliques. Le livédo des vascularites est classiquement infiltré, ramifié et prédomine aux membres inférieurs ou à la moitié inférieure du tronc (figure 6). Le livédo s’associe souvent aux nodules ou aux nécroses cutanées. Des pustules peuvent être observées au cours des vascularites, elles sont souvent non folliculaires avec un halo érythémateux ou purpurique. Les pustules s’observent volontiers au cours de la maladie de Behçet, des vascularites satellites des MICI et parfois dans les vascularites à IgA. Aspects anatomopathologiques Le diagnostic de vascularite repose sur les données de l’anatomopathologie. L’analyse histologique doit être faite sur la biopsie d’un élément récent, si possible de moins de 48 heures, intégrant tout l’hypoderme en cas d’infiltration ou de nécrose. Plusieurs éléments sont à prendre en compte tout en gardant en tête que le diagnostic final reposera sur la confrontation anatomoclinique et qu’aucun élément n’est absolument spécifique. L’analyse histologique examinera la nature (artériole, veinule) et la taille des vaisseaux. Les vascularites leucocytoclasiques du derme superficiel sont observées dans toutes les vascularites cutanées isolées ou systémiques n’orientant pas le diagnostic étiologique. Les vascularites nécrosantes (nécrose ou dégénérescence fibrinoïde de la paroi vasculaire) des artérioles de moyen calibre sont évocatrices de périartérite noueuse tout en n’étant pas spécifiques. En effet, des atteintes des artérioles cutanées peuvent être observées dans les vascularites médicamenteuses, infectieuses et dans diverses vascularites systémiques telles que la granulomatose avec polyangéite (GPA), la granulomatose avec polyangéite et hyperéosinophilie (EGPA), la maladie de Takayasu ou la polyarthrite rhumatoïde. Dans l’étude de Gehlhausen JR et coll.(1), la présence d’une atteinte de la vascularite des vaisseaux du derme profond était associée à une vascularite systémique avec une faible sensibilité (31 %) mais une bonne spécificité (88 %). La nature de l’infiltrat a également une valeur diagnostique intéressante. Les polynucléaires neutrophiles sont les principaux éléments observés dans les vascularites leucocytoclasiques. Le noyau de ces polynucléaires est alors éclaté, avec des débris nucléaires dispersés dans la paroi des vaisseaux et le tissu conjonctif voisin. La prédominance de macrophages, avec ou sans cellules géantes, caractérise les vascularites granulomateuses. Le granulome peut se situer dans la paroi des vaisseaux ou à distance. La présence de lésions granulomateuses fait évoquer le diagnostic de GPA ou d’EGPA sans être spécifique de ces maladies. En revanche, l’existence d’un infiltrat lymphocytaire ou leucocytoclasique a peu de valeur diagnostique. Certains auteurs dans des articles anciens ont souligné cependant la fréquence de l’infiltrat lymphocytaire éosinophile dans les vascularites médicamenteuses. L’étude en immunofluorescence directe (IFD) d’une biopsie cutanée en peau lésée est d’un apport diagnostique limité. En effet, la mise en évidence des dépôts vasculaires d’immuno-globulines et de compléments dépend de la cause et de l’âge de la lésion. Leur absence ne peut en aucun cas éliminer le diagnostic de vascularite. À l’inverse, leur présence isolée sans lésion histologique de vascularite n’a pas de valeur diagnostique ; ces dépôts peuvent être également présents au cours des thromboses sans vascularite. La négativité de l’IFD est en faveur d’une vascularite associée aux ANCA avec une positivité dans environ 50 % des cas. Au contraire, en cas de positivité aux cours des vascularites à ANCA, l’IFD montrera plus fréquemment des dépôts d’IgG que d’IgM. Des dépôts d’immunoglobulines de type IgG, IgM, IgA et/ou C3 sont observés dans les vascularites immunes notamment dans les cryoglobulinémies. Les dépôts isolés d’IgA sur les vaisseaux de petit calibre orientent vers le diagnostic de vascularite à IgA, tout en sachant que ces dépôts ne sont ni constants, ni complètement spécifiques. Un dépôt continu de C3 et d’IgG le long de la membrane basale définit une lupus band et oriente vers une vascularite lupique qui est une entité très rare. Une étude a récemment comparé les vascularites à IgA versus IgG/IgM sur le plan cutané. Cliniquement, on retrouvait plus fréquemment des bulles hémorragiques dans les vascularites à IgA : 42 % vs 5 % pour IgM/IgG ; p = 0.,002 et davantage de lésions en cibles : 21 % vs 0 % ; p = 0,01 (2). Classifications des vascularites  La classification la plus utilisée est celle de la conférence de consensus de Chapel-Hill 2012(3) ; les groupes de vascularites ont été individualisés en fonction du calibre prédominant de l’atteinte vasculaire. Des définitions ont été données pour chaque entité. Plusieurs critiques pouvaient être faites envers cette classification élaborée uniquement par des médecins de diverses spécialités sans dermatologistes, malgré la fréquence et l’importance diagnostique des vascularites cutanées. Tout d’abord, les manifestations cutanées de la périartérite noueuse systémique touchent fréquemment les petits vaisseaux ; la périartérite noueuse cutanée, maladie chronique, fréquemment cutanéo-neurologique n’était pas évoquée. De plus, toutes les vascularites à IgA ne correspondent pas à un purpura rhumatoïde. De même, toutes les vascularites urticariennes ne sont pas hypocomplémentémiques avec des anticorps anti-C1q. Enfin, le terme de vascularite d’hypersensibilité est un terme désuet utilisé par les rhumatologues pour désigner les vascularites médicamenteuses ou infectieuses. Les critères de classification de cette entité, définis en 1990 par l’ACR, ne peuvent être utilisés dans notre spécialité car insuffisamment discriminants. En raison de ces critiques, un addendum à la classification de Chapel-Hill réalisé par un groupe de dermatologues internationaux a été publié en 2018(4) (tableau 3). Parmi les principales modifications apportées à la classification initiale, notons l’apparition d’un cadre en présence d’une atteinte cutanée isolée ou dominante comme pour la périartérite noueuse cutanée. Par ailleurs, plusieurs vascularites cutanées isolées ont été individualisées comme les vascularites à IgG/IgM non associées à une autre cause de vascularite systémique ; l’erythema elevatum diutinum, la vascularite nodulaire, la vascularite maculeuse hyper-gammaglobulinémique et la vascularite urticarienne normo-complémentémique. Cependant, même cette classification révisée ne permet pas d’avoir une représentation exhaustive des étiologies des vascularites. Une classification «pragmatique» peut être utilisée en complément (figure 7). Celle-ci a l’avantage d’être utile dans la démarche diagnostique (voir ci-après). Bilan diagnostique et d'extension Devant un aspect clinique évocateur de vascularite, la nécessité d’une confirmation histologique du diagnostic est nécessaire, en dehors de la vascularite d’effort (facilement diagnostiquée à l’interrogatoire), étant donné les confusions cliniques possibles avec des manifestations thrombotiques ou emboliques et la définition histologique des vascularites. Une étude en immunofluorescence directe d’une lésion récente est intéressante pour orienter le diagnostic étiologique. Devant une vascularite confirmée par l’histologie, le clinicien doit apprécier l’extension de la vascularite et rechercher une cause. L’interrogatoire et l’examen clinique sont d’une importance primordiale. Il est fondamental de rechercher une fièvre et le caractère extensif d’un purpura. En effet, bien que rare, l’urgence absolue est d’éliminer un purpura fulminans. De plus, ils permettent de suspecter ou de mettre en évidence une altération de l’état général, une atteinte articulaire (plus souvent à type d’arthralgies que d’arthrites), une hypertension artérielle, une atteinte digestive (douleurs abdominales, troubles du transit, hémorragies), une atteinte musculaire (myalgies, œdèmes segmentaires, plus rarement déficit), une atteinte du système nerveux central ou périphérique, une atteinte ORL (sinusite, chute de l’audition), une atteinte oculaire ou urogénitale. Le bilan étiologique doit s’acharner à rechercher une cause. Il semble difficile de définir un bilan systématique de première intention. Les examens potentiellement utiles sont résumés dans le tableau 4. Classiquement, en l’absence de toute symptomatologie clinique orientant vers une cause, un certain nombre d’examens complémentaires seront demandés incluant : numération formule sanguine, vitesse de sédimentation, dosage de la protéine C réactive (CRP), transaminases, cryoglobulinémie, anticorps antinoyaux, facteur rhumatoïde, anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, dosage du complément total et de ses fractions, immunoélectrophorèse des protéines sériques, sérologies virales (VIH, hépatite B et C), anticorps antistreptococciques. Selon le contexte clinique, ce bilan sera complété par une sérologie des hémocultures, une échographie cardiaque ou une ponction lombaire, d’autres sérologies virales ou PCR (parvovirus B19, EBV, CMV...). En l’absence de cause évidente, un scanner des sinus peut aider à la recherche d’une infection focale. Une recherche d’hémopathie ou de cancer solide par un scanner thoraco-abdomino-pelvien ou des endoscopies est à discuter au cas par cas. Malgré ce bilan, plus de la moitié des vascularites vues en dermatologie restent de cause inconnue. La recherche d’une atteinte rénale, cardiaque ou pulmonaire oblige à pratiquer systématiquement un certain nombre d’examens complémentaires : sédiment urinaire, recherche de protéinurie, créatinine, radiographie pulmonaire (face et profil), électrocardiogramme complété éventuellement par une échographie cardiaque. Dans les vascularites à IgA en particulier, il est important de répéter les examens urinaires (bandelette urinaire, protéinurie/créatininurie) au rythme d’une fois par semaine à une fois par mois, pendant un minimum de trois mois. En effet, dans une étude américaine, parmi 32 vascularites cutanées à IgA et 31 vascularites cutanées sans IgA, il existait une insuffisance rénale au diagnostic dans 45 % groupe IgA vs 11 % groupe non-IgA ; p = 0,008. De plus, un an après le diagnostic, il existait une insuffisance rénale dans 41 % groupe IgA vs 0 % groupe non-IgA ; p = 0,008. En revanche, il n’y avait pas de différence en termes de durée d’hospitalisation ou de décès dans les 30 jours (22 % dans chaque groupe)(5). Les autres examens utiles au bilan d’extension sont fonction des symptômes du patient. En effet, la sensibilité du bilan d’imagerie pour rechercher des signes systémiques de vascularites en l’absence de point d’appel clinique a une très mauvaise sensibilité(6). En pratique, on retiendra que le diagnostic de vascularite est histologique. Le dermatologue doit s’attacher à réaliser un bilan étiologique et d’extension complet afin de permettre une prise en charge adaptée.

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