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Maladie de système, Médecine interne

Publié le 13 oct 2021Lecture 6 min

Le syndrome de Brooke-Spiegler

Mouna KOURDA, Hôpital Razi-La Manouba, Tunis (Tunisie)
Le syndrome de Brooke-Spiegler

Le syndrome de Brooke-Spiegler (SBS) est une affection rare due à une mutation du gène CYLD. Il comporte des tumeurs annexielles cutanées : trichoépithéliomes, cylindromes et spiradénomes.
Il est important de porter le diagnostic pour un traitement adéquat et pour instituer une surveillance, car le risque de dégénérescence est grand.

Aspects cliniques L’apparition se fait de manière relativement précoce à la fin de l’enfance et au début de l’adolescence. Une prédominance féminine est rapportée. Le syndrome est rare, mais son incidence est méconnue. Il est héréditaire, de transmission autosomique dominante (AD) et plusieurs membres de la famille peuvent être atteints. Son expressivité phénotypique est variable. Cliniquement, le SBS comporte des papulo-nodules ou des tumeurs surtout du visage, de 0,5 à 3 cm de taille voire plus, dont le nombre est variable et peut atteindre une centaine. Le type de tumeurs annexielles est précisé grâce à l’examen anatomopathologique confirmant ainsi le diagnostic de SBS. Plusieurs prélèvements biopsiques s’imposent en différentes localisations. La dermoscopie peut aider et orienter le choix des prélèvements. Ainsi différents types de tumeurs annexielles peuvent être individualisés au cours du SBS : les trichoépithéliomes, les cylindromes et les spiradénomes. Ces tumeurs annexielles s’associent entre elles, et classiquement les trichoépithéliomes avec les cylindromes :  les trichoépithéliomes multiples (TEM) et familiaux isolés sans la présence d’autres tumeurs constituent à eux seuls une variante phénotypique du SBS;  les cylindromes multiples ou cylindromatose, à caractère familial, constituent plus rarement la 2e variante phénotypique du SBS; les spiradénomes sont le plus souvent associés aux TE et/ou aux cylindromes. Pour ces raisons, la terminologie actuelle pour désigner le SBS et ses variantes phénotypiques est le syndrome cutané CYLD. Cliniquement, les TEM réalisent des papulo-nodules translucides, bilatéraux et symétriques, de consistance ferme, de petite taille, pouvant être recouverts de télangiectasies et pouvant ressembler à des carcinomes basocellulaires (CBC). De localisation typique aux sillons nasogéniens et à la face interne des sourcils, ils réalisent une disposition en X caractéristique (figures 1, 2, 3 et 4). Plus rarement, les TEM peuvent siéger au tronc, aux fesses, au dos ou aux membres (figure 5). La 2e variante phénotypique est les cylindromes multiples et familiaux encore appelés tumeurs de Poncet-Spiegler, qui réalisent des tumeurs à large base d’implantation, de grande taille et en nombre important pouvant aussi atteindre la centaine. Ils se localisent typiquement au cuir chevelu qui devient mamelonné et bosselé de masses hémisphériques. Le cuir chevelu peut être totalement recouvert par les cylindromes entraînant une alopécie et réalisant typiquement, les tumeurs en turban (figure 6). Néanmoins, les cylindromes peuvent siéger à la face, au front et à la lisière du cuir chevelu (figures 7 et 8). Les spiradénomes n’ont pas d’aspect clinique typique, ils réalisent des nodules ou des tumeurs de grande taille, localisés à la face ou au cuir chevelu. Les spiradénomes solitaires ou multiples s’associent aux TEM et/ou aux cylindromes. Examen anatomopathologique L’examen anatomopathologique est primordial pour préciser le type de tumeurs annexielles. Les TEM comportent un amas de cellules basaloïdes dermiques dont la disposition périphérique est palissadique. Les TEM montrent une différentiation pilaire ; en effet, on note la présence de kystes remplis de kératine au centre de la prolifération cellulaire et un stroma mésenchymateux ressemblant à celui des papilles folliculaires (figure 9). De fins prolongements cellulaires peuvent se terminer en réalisant un prolongement en queue de têtard très caractéristique (figure 10). Les cylindromes présentent une prolifération cellulaire dermique en puzzle, faite de nodules basaloïdes monomorphes contenant et entourés d’un matériel de membrane basale éosinophile PAS+ (figures 11 et 12) et colorée en vert par la coloration au trichrome (figure 13). Les cellules périphériques sont disposées de façon palissadique et sont plus foncées que les cellules de la partie centrale. Les spiradénomes comportent des nodules cellulaires, de taille et de nombre variable, bien délimités. Ces nodules sont composés de petites cellules basaloïdes et de cellules plus pâles associées à des lymphocytes. Les cellules sont disposées de manière trabéculaire, réticulaire ou solide. Quelques structures tubulaires sont souvent présentes au sein de la prolifération cellulaire. La caractéristique de l’examen anatomopathologique au cours du SBS est de montrer des tumeurs pures ou particulièrement des tumeurs de collision avec 2 (TE et cylindrome) voire 3 types histologiques différents (TE, cylindrome et spiradénome), présents sur le même prélèvement biopsique. Ainsi, les tumeurs de collision sont de type spiradénocylindrome, spiradénome-trichoépithéliome, cylindrome-trichoépithéliome ou les 3 types de tumeurs.  L’intérêt de l’étude anatomopathologique est de permettre de porter précocement, lors de la surveillance des patients atteints de SBS, d’une éventuelle dégénérescence d’une tumeur bénigne préexistante ou de cancer survenu de novo. En effet, le risque de cancer est plus augmenté au cours du SBS dû à la mutation de type inhibition du gène suppresseur de tumeur CYLD. Étude génétique Le SBS est de transmission AD et il est d’expressivité phénotypique variable. Il est dû à une mutation du gène suppresseur de tumeur CYLD porté sur le chromosome 16 et qui est impliqué dans le SBS classique (80 à 85 %) ainsi que dans les 2 variantes phénotypiques (TEM ou cylindromatose isolés) dans 40 à 50 %. La présence de cette mutation confirme le diagnostic de SBS. Par ailleurs, cette mutation explique la fréquence de survenue de tumeurs malignes au cours du SBS. Diagnostic Le diagnostic positif du SBS est le plus souvent facile devant des lésions papulo-nodulaires du visage, dont le type histologique est précisé par l’examen anatomopathologique. L’enquête génétique confirme le diagnostic. Ainsi le diagnostic de SBS est porté sur les critères diagnostiques suivants (tableau 1). Devant des lésions papulo-nodulaires du visage, d’apparition précoce, évoluant dans un contexte familial, plusieurs syndromes doivent être évoqués. Ainsi sont résumés les diagnostics différentiels (tableau 2). Évolution Une transformation maligne survient dans 5 à 10 % des cas. L’augmentation du risque de malignité est expliquée par la mutation du gène suppresseur de tumeurs CYLD. Les CBC sont les plus fréquents et des cancers de la parotide et des glandes salivaires accessoires peuvent survenir. Des cancers du sein ont été plus rarement rapportés. Les cancers peuvent apparaître de novo ou sur des tumeurs annexielles bénignes. Ce sont surtout les cylindromes, les spiradénomes ou les tumeurs de collision de type spiradéno-cylindrome qui se transforment en tumeurs malignes. Les signes qui doivent faire rechercher une éventuelle transformation maligne d’une tumeur annexielle sont la croissance rapide, l’apparition d’ulcérations, de saignements ou de douleurs. Il ne semble pas avoir de corrélation génotype-phénotype en ce qui concerne la gravité de la maladie, la possibilité de transformation maligne ou le développement de lésions extra-cutanées. Devant tout patient atteint de SBS, un suivi avec surveillance s’impose. Traitements Vu la rareté du SBS, il n’existe pas de consensus concernant le traitement des tumeurs annexielles. Néanmoins, de nombreux traitements sont préconisés : dermabrasion, électro-coagulation, cryochirurgie et photothérapie dynamique. Depuis récemment est préconisée l’ablation par laser Er-Yag ou par laser CO2 avec de bons résultats esthétiques. L’imiquimod topique ou l’adalimumab ont été préconisés. La chirurgie est indiquée pour les tumeurs peu nombreuses et de petites tailles. Grâce aux nouvelles méthodes chirurgicales, même les tumeurs nombreuses comme celles du cuir chevelu sont excisées en bloc. Plus récemment, quelques publications ont montré l’efficacité du vismodégib préconisé pour le traitement des CBC au cours du SBS et qui a entraîné la diminution de la taille des TEM. En effet, au cours du SBS, il y a perte de la fonction du gène suppresseur de tumeurs CYLD avec pour conséquence la formation de tumeurs annexielles, et le vismodégib permettrait l’activation de ce gène en inhibant la voie hedgehog.

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