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Dermatologie générale

Publié le 29 jan 2021Lecture 6 min

Hirsutisme sévère – Quelle prise en charge ?

Michèle DEKER, Paris
Hirsutisme sévère – Quelle prise en charge ?

Le premier objectif de la prise en charge d’une patiente souffrant d’hirsutisme sévère consiste à rechercher une étiologie spécifique, d’apprécier son vécu qui ne dépend pas forcément de l’importance de l’hirsutisme. Il faudra ensuite déterminer avec la patiente les objectifs du traitement et ses attentes, étape importante afin d’éviter les déceptions ultérieures.

L’hirsutisme est défini par la présence d’une pilosité de type masculin en termes de qualité et de taille. Il est au mieux défini à partir de 9 sites par le score de Ferriman et Gallwey : léger pour un score de 8 à 15, modéré de 16 à 25 et sévère de > 25. Ce score est subjectif, peut être surestimé et éventuellement modifié par les techniques cosmétiques précédemment utilisées par la patiente. L’hirsutisme est considéré comme sévère s’il entraîne un retentissement grave sur la vie psycho-affective et sociale, selon une autre définition reconnue. La recherche d’une étiologie consiste à éliminer une pathologie justifiant une prise en charge spécifique. Les recommandations de la Société française d’endocrinologie (2010) stipulent de doser la testostérone, puis en fonction des résultats de faire éventuellement un test à l’ACTH (Synacthène®) et de doser la DHEA. Il n’y a pas de corrélation entre l’importance de l’hirsutisme et le niveau d’hyperandrogénie biologique. ESTROPROGESTATIFS EN 1RE LIGNE La prise en charge associe généralement des traitements médicamenteux et des traitements locaux. Les traitements médicamenteux visent à réduire la production des androgènes ovariens et/ou à bloquer l’activité périphérique des androgènes. On a recours soit à la contraception estroprogestative, soit aux anti-androgènes (acétate de cyprotérone, spironolactone, finastéride, flutamide). Il existe peu d’études prospectives randomisées, en double aveugle versus placebo ayant évalué l’efficacité des traitements médicamenteux de l’hirsutisme. Une revue Cochrane (2017) a inclus 157 études portant sur 10 550 femmes. Ces études, portant sur de petits effectifs, ont souvent une durée de traitement limitée ; la qualité de vie est rarement appréciée et les effets secondaires rapportés de manière inégale. La contraception estroprogestative a pour effet, via la suppression de la LH, de freiner la production des androgènes par la thèque ; elle augmente la synthèse hépatique de SHBG et diminue les androgènes libres. Il en résulte une réduction d’environ 60 % des androgènes libres. Il a été montré dans l’acné que l’effet des estroprogestatifs sur la testostérone libre ne diffère pas selon la dose d’éthinylestradiol ; sans doute en est-il de même dans l’hirsutisme. La voie d’administration ne semble pas influer sur la testostérone, mais ni l’anneau ni le patch n’ont été évalués dans l’hirsutisme. Il n’a pas été mis en évidence de différence sur le niveau de testostérone selon le progestatif. Des comparaisons entre des pilules contenant de la drospirénone ou du désogestrel et acétate de cyprotérone ou désogestrel n’ont pas montré de différence significative. On peut donc conclure à une bonne efficacité de la contraception, en moyenne : 60 à 100 % des femmes notent une amélioration et le score de Ferriman et Galwey diminue de 7,2 points en moyenne. Le choix de l’estroprogestatif doit tenir compte du risque thromboembolique, augmenté avec les pilules de 3e génération. ALTERNATIVES MÉDICAMENTEUSES L’acétate de cyprotérone agit en entrant en compétition sur le récepteur des androgènes avec la dihydrotestostérone ; il inhibe la LH, d’où une diminution de la concentration de testostérone et delta 4 androstènedione et possède un effet inhibiteur de la 5-alpha réductase. Il est habituellement utilisé à la dose de 50 mg/jour pendant 20 ou 21 jours/mois en association avec des estrogènes pour contrebalancer l’effet anti-estrogénique. Il existe très peu d’études randomisées prospectives évaluant son efficacité aux doses de 50 mg (ou 12,5 ou 25 mg, 10 jours par mois). Malgré ce niveau de preuve assez faible, l’efficacité clinique de l’acétate de cyprotérone est largement reconnue. Des effets secondaires sont possibles (baisse de la libido, dyspareunies, aménorrhée, métrorragies, hématométrie), mais globalement ce traitement est bien toléré. Un deuxième anti-androgène, la spironolactone, agit en inhibant la liaison de la testostérone et de la dihydrotestostérone sur le récepteur des androgènes, en augmentant la SHBG et la clairance de la testostérone, outre une inhibition de la 5-alpha réductase. Son efficacité a été mise en évidence versus placebo seule ou en association à un estroprogestatif, et serait dose-dépendante. La posologie moyenne est de 100 à 200 mg/j. Ce traitement n’a pas l’AMM en France dans cette indication ; il est formellement contre-indiqué chez la femme enceinte. Le CRAT n’a retrouvé aucun cas de malformation génitale chez des enfants exposés in utero, bien qu’une cinquantaine de cas chez des enfants mâles soient rapportés dans la littérature. Les effets secondaires de la spironolactone ont été évalués dans le cadre de l’acné. On retrouve des irrégularités menstruelles, facilement compensées par la prescription simultanée d’estroprogestatifs. Le risque d’hyperkaliémie est rarissime chez les femmes âgées de moins de 45 ans. Le finastéride agit en inhibant la 5-alpha réductase, mais il ne se lie pas au récepteur des androgènes. Il est utilisé à la posologie moyenne de 2,5 à 7,5 mg/j. Il n’a pas d’AMM en France dans l’indication hirsutisme, pas plus que la spironolactone. Son efficacité a été comparée à celle de la contraception, sans montrer de différence majeure. Le flutamide possède un mécanisme d’action très différent ; c’est un antagoniste non stéroïdien du récepteur des androgènes, initialement utilisé à la dose de 250 à 500 mg/j, voire moins, qui possède une efficacité équivalente à celle de la spironolactone. Ce traitement n’a pas l’AMM dans l’hirsutisme et surtout, il est responsable d’hépatotoxicité, avec des cas graves. Enfin, la metformine n’a aucune efficacité sur l’hirsutisme. Ces différents traitements ont été comparés, notamment dans une étude évaluant contre placebo, la spironolactone 100 mg/j, le flutamide 250 mg/j et le finastéride 5 mg/j. Il n’a pas été mis en évidence de différence entre les médicaments actifs sur le score de Ferriman et Galwey et le diamètre des poils. ACÉTATE DE CYPROTÉRONE ET RISQUE DE MÉNINGIOME Le risque de méningiome associé à la prise de fortes doses d’acétate de cyprotérone est connu de longue date ; certains méningiomes régressent à l’arrêt du traitement. Ce traitement était contre-indiqué chez les femmes souffrant de méningiome. Récemment a été publié le résultat d’une étude pharmacoépidémiologique réalisée à partir des données du Système national des données de santé entre 2007 et 2014. L’objectif de cette étude était d’apprécier l’incidence du méningiome traité par chirurgie ou radiothérapie dans une cohorte de femmes traitées par acétate de cyprotérone. Deux groupes de femmes ont été constitués : exposées à fortes doses (> 3 boîtes de 20 cp à 50 mg lors des 6 premiers mois de traitement) ; faiblement exposées (1 à 2 boîtes), soit respectivement 139 222 et 114 555 femmes. L’incidence du méningiome est de 23,8 et 4,5 pour 100 000 personnes-année dans ces deux groupes. Il existe un effet-dose cumulé, le risque étant multiplié par 20 si le traitement excède 5 ans. Cette étude a conduit les agences de santé à se positionner différemment. L’EMA a émis des restrictions à la prescription d’acétate de cyprotérone en la réservant aux patientes en échec des traitements antérieurs, et ce dès une dose supérieure à 10 mg/j. Pour l’ANSM, la dose de 50 mg/j doit être réservée aux hirsutismes majeurs d’origine non tumorale lorsqu’il existe un retentissement grave sur la vie psychoaffective et sociale. Une IRM cérébrale doit être réalisée au début du traitement et renouvelée à 5 ans, puis tous les 2 ans. RECOMMANDATIONS DE LA SFE La Société française d’endocrinologie a émis des recommandations pour le traitement de l’hirsutisme : en cas d’hirsutisme modéré et/ou d’acné chez la femme non ménopausée : la contraception estroprogestative est le traitement de 1re intention. Lorsque l’efficacité est insuffisante, elle peut être associée à la spironolactone (hors AMM). Chez les femmes ayant une contre-indication aux estroprogestatifs, la spironolactone peut être prescrite sous couvert d’une autre contraception efficace (hors AMM) ; en cas d’hirsutisme sévère invalidant de la femme non ménopausée, le traitement de 1re intention est l’acétate de cyprotérone associé à un estrogène, la spironolactone est le traitement de 2e intention sous couvert d’une contraception associée en cas d’effets secondaires ou absence d’efficacité (hors AMM). Les traitements locaux ont aussi leur intérêt (épilation électrique, laser, crème eflornithine en application topique 2/j). L’accompagnement psychologique est tout aussi essentiel dans la mesure où il a été dé montré que l’hirsutisme est associé à une souffrance psychologique et à un risque de dépression.

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