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Maladie de système, Médecine interne

Publié le 23 oct 2020Lecture 6 min

Quand prescrire une électrophorèse des protéines sériques (EPS) en dermatologie ?

A. MARÉCHAL, F. AUBIN, Service de dermatologie, CHU de Besançon

L’électrophorèse des protéines sériques (EPS) est un examen de biologie médicale qui a pour but la séparation et l’analyse des protéines sériques. Elle est fondée sur le principe du déplacement des protéines dans un champ électrique dans des conditions définies de force ionique, de pH et de courant électrique appliqué.

L’EPS permet la séparation de six fractions de protéines : albumine, α1, α2, β1, β2, γ-globulines. Ces 6 fractions incluent des protéines inflammatoires et anti-inflammatoires et les immunoglobulines (figure 1). La quantification est possible à partir du dosage des protéines totales et de la détermination des pourcentages des fractions protéiques. Les conditions de prescription d’une EPS ont été précisées par la Haute Autorité de Santé (HAS) en janvier 2017(1). La principale raison pour laquelle une EPS est réalisée est la recherche d’une immunoglobuline monoclonale. Celle-ci va migrer la plupart du temps dans la zone des γ-globulines et parfois dans la zone des β-globulines voire des α2-globulines.

Figure 1. EPS normale. Rappels de physiologie  Une immunoglobuline est composée de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères associées chacune à l’une des deux chaînes lourdes. Les immunoglobulines sériques sont synthétisées et excrétées par les plasmocytes. Une cellule sécrète un seul type de chaîne légère (κ, λ) et un type de chaîne lourde (γ, α, µ, δ, ε) qui définit l’isotype de l’immunoglobuline. Une immunoglobuline monoclonale est le produit de sécrétion d’un seul clone plasmocytaire. La présence d’une immunoglobuline monoclonale n’est pas synonyme de malignité. Toute réponse immune spécifique B est physiologiquement polyclonale (après une infection, par exemple). Ce qui est pathologique, c’est l’absence de régulation résultant en la multiplication du clone B au lieu de revenir à l’état de base. Quelles informations ? Une EPS permet de détecter une immunoglobuline monoclonale, une hyper-gammaglobulinémie polyclonale ou plus rarement une hypo-gammaglobulinémie. La présence d’une immunoglobuline monoclonale peut relever des situations suivantes : une immunoglobuline monoclonale dite « réactionnelle » associée à des infections aiguës ou chroniques (VIH, VHB, VHC, etc.), maladies auto-immunes, maladies hépatiques chroniques, un déficit immunitaire, etc. ; une immunoglobuline monoclonale associée à une hémopathie maligne généralement lymphoïde B : myélome multiple, maladie de Waldenström, lymphome malin, leucémie lymphoïde chronique ; une immunoglobuline monoclonale dont la quantification reste stable sans critère de malignité lympho-plasmocytaire (immunoglobuline monoclonale de signification indéterminée). Immunoglobine monoclonale (figure 2) Une immunoglobuline monoclonale entière donne habituellement sur l’EPS en gel d’agarose une bande étroite, migrant dans la région des γ-globulines ou moins souvent dans la région des β-globulines, exceptionnellement dans la région des α2-globulines. En effet, les anticorps présents dans le sérum migrent à des vitesses différentes selon leur nature. Les IgA migrent avec les fractions alpha 2 ou bêta 1, les IgM avec la fraction gamma rapide et les IgG avec la fraction gamma lente (figure 2). La quantification du pic repose sur l’analyse densitométrique (mesure de l’aire sous la courbe ou intégration) du diagramme électrophorétique. Le dosage des immunoglobulines, anciennement appelé « dosage pondéral des immunogloblulines », ne doit pas être utilisé pour quantifier une immunoglobuline monoclonale. Il permet le dosage des immunoglobulines polyclonales résiduelles. Le critère clinique de clonalité est la présence au niveau d’un pic identifié à l’électrophorèse d’un seul type de chaîne lourde et d’un seul type de chaîne légère (mono-isotypie). En France, le typage d’une immunoglobuline monoclonale est inscrit à la Nomenclature de actes de biologie médicale. Il peut être réalisé à l’initiative du directeur de laboratoire en présence d’un pic étroit à l’électrophorèse sauf quand l’immunoglobuline monoclonale est déjà connue. Figure 2. EPS objectivant une gammapathie monoclonale. Le biologiste doit noter sans autre commentaire : la présence d’un pic étroit ; sa quantification quand elle a été réalisée ; son éventuelle caractérisation comme une immunoglobuline monoclonale. La présence d’une IgG ou A monoclonale doit faire rechercher en priorité un myélome. La présence d’une IgM monoclonale doit faire rechercher en priorité une maladie de Waldenström. Immunoglobuline monoclonale de signification indéterminée (IMSI) La prévalence des immunoglobulines monoclonales augmente avec l’âge. Immunoglobuline monoclonale ne signifie pas hémopathie maligne. Il s’agit le plus souvent d’une immunoglobuline monoclonale de signification indéterminée. Dans une étude de dépistage en population générale(2), la prévalence d’une IMSI augmentait avec l’âge : elle était de 1,7 % de 50 à 59 ans, 3 % de 60 à 69 ans, 4,6 % de 70 à 79 ans et 6,6 % au-delà de 80 ans (6,0 % chez les femmes et 8,3 % chez les hommes). Le type d’immunoglobuline identifiée chez les patients ayant une IMSI était une IgG (68,9 %), une IgM (17,2 %), une IgA (10,8 %), deux immunoglobulines monoclonales (3 %). Sur une série de 1 684 patients vus ou suivis à la Mayo Clinic(3) avec une immunoglobuline monoclonale, la répartition des affections était la suivante : IMSI : 55 % ; myélome multiple : 16,5 % ; amylose AL : 11,5 % ; prolifération lymphoïde (6 %) dont maladie de Waldenström (2 %) ; myélome indolent : 3 % ; plasmocytome ; 2 % ; autres : 6 %. L’absence de pic étroit à l’électrophorèse ne permet pas d’écarter le diagnostic de myélome (à chaînes légères [10 % des myélomes] ou non sécrétant). Les patients ayant une IMSI ont un risque plus grand de développer un myélome multiple ou une maladie par prolifération lymphoplasmocytaire. À l’échelle d’une population, le risque de transformation maligne d’une d’IMSI serait d’environ 1 % par an(4). Deux types de facteurs de risque d’évolution d’une IMSI vers une maladie maligne ont été étudiés dans la littérature. La concentration d’immunoglobuline à l’entrée dans l’étude était le facteur le plus important : le risque de progression maligne 10 ans après le diagnostic de IMSI était de 6 % pour une concentration initiale d’immunoglobuline monoclonale ≤ 5 g/l, 7 % pour une valeur de 10 g/l, 11 % pour une valeur de 15 g/l, 20 % pour une valeur de 20 g/l et 34 % pour une valeur de 30 g/l(4) ; Le type d’immunoglobuline monoclonale : les patients ayant une immunoglobuline de type IgM ou IgA avaient un risque d’évolution maligne plus élevé que ceux ayant une immunoglobuline de type IgG(5). Le dépistage systématique d’une IMSI en population générale n’est pas recommandé(6). Il n’y a aucun argument dans la littérature pour la prescription systématique d’une électrophorèse des protéines sériques en l’absence de signes d’orientation. Dans quelles situations dermatologiques, la prescription d'une EPS est-elle justifiée ? L’ensemble des dermatoses inflammatoires (dermatoses neutrophiliques), immunoallergiques (dermatite atopique, urticaire chronique, etc.), auto-immunes (lupus, Sjögren), prolifératives prénéoplasiques (mastocytose, plasmocytome), de surcharge (mucinoses, amylose, xanthomes, etc.), infectieuses (VIH, etc.) et certaines situations préthérapeutiques (avant biomédicaments) doivent faire rechercher une hyper ou une hypo-gammaglobulinémie par la réalisation d’une EPS (encadré). Quelle est la conduite à tenir en cas d'anomalie de l'EPS, évoquant une gammapathie monoclonale ? La question centrale est de savoir si l’immunoglobuline monoclonale est ou non le témoin d’une hémopathie maligne (risque d’évolution vers un myélome en cas d’IgG ou d’IgA et risque principal d’évolution vers une maladie de Waldenström en cas d’IgM). La conduite à tenir par le prescripteur est fondée sur la situation clinique du patient, le type d’immunoglobuline monoclonale et sa concentration. Les examens biologiques de première intention comportent au minimum : hémogramme ; calcémie si IgA ou IgG ; LDH si IgM ; créatininémie.  En cas d’IgG et d’IgA monoclonales, les radiographies osseuses sont systématiques. En cas d’IgM monoclonale, il n’y a pas d’indication de radiographies osseuses mais à une échographie abdominopelvienne à la recherche d’adénopathies profondes ou d’un syndrome tumoral. La prescription du dosage de chaînes légères libres est du domaine du spécialiste de deuxième ligne (technique non remboursée en ville). La protéinurie de Bence-Jones n’est pas nécessaire ni recommandée. Quand demander un avis complémentaire hématologique ? La présentation clinique du patient évoque une hémopathie maligne (douleurs osseuses, AEG, adénopathies, syndrome tumoral : ganglions, hépatosplénomégalie). En cas d’anomalies au bilan biologique de première intention. IgG > 15 g/l et IgM/IgA > 10 g/l. Patient de moins de 60 ans. Chez le patient ne justifiant pas d’avis complémentaire, quelle surveillance exercer ? En cas d’immunoglobuline monoclonale asymptomatique sans signes biologiques, la surveillance de l’EPS, avec la même technique, dans le même laboratoire, de l’hémogramme, de la créatininémie, de la calcémie (si IgA ou IgG) ou des LDH (si IgM) doit être régulière. L’examen clinique doit être réalisé en parallèle du bilan biologique. La première surveillance est à 6 mois puis annuelle, éventuellement plus tôt en cas de signes cliniques d’appel.

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