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Cas cliniques

Publié le 23 mai 2018Lecture 5 min

Pityriasis versicolor : ne pas méconnaître l’atteinte du visage chez l’enfant

Omar BOUDGHÈNE-STAMBOULI, CHU de Tlemcen, Algérie

Le Pityriasis versicolor (PV) de l’enfant est une affection fréquente qui pose un problème d’ordre esthétique à un âge ou l’image de soi est très importante. Deux formes cliniques sont les plus fréquentes : achromiques et hypochromiques(1) ; il ne faut pas méconnaître l’atteinte du visage chez l’enfant et aussi surtout inclure le PV dans le diagnostic différentiel des parakératoses infectieuses de la face, pathologies encore fréquentes dans notre pays(2).

Le Pityriasis versicolor (PV) du mot grec pityrion qui veut dire son ; la finesse des squames a été comparée au son de la mouture de blé ; versicolor signifie qui peut prendre plusieurs couleurs : brun, rose, hypochrome. Le PV épidermomycose correspond à différentes espèces de Malassezia : (M). Respectivement ; M. globosa agent pathogène prédominant du PV bien avant d’autres dont M. fufur, M. sympodialis, rarement M. obtusa, M. slooffiae, M. restricta. Aspect clinique Il se caractérise cliniquement par des macules finement squameuses, de couleur allant du jaune au brun chamois, parfois pouvant être achromique. Il atteint habituellement l’adolescent et l’adulte jeune ; sa survenue chez l’enfant est rare et diversement appréciée dans la littérature. Quelques données épidémiologiques Notre étude rétrospective concerne une période de 19 ans allant de l’année 1997 à 2016. Elle a porté sur tous les dossiers des malades atteints du PV. Les critères d’inclusion ont été l’âge ≤ 14 ans, un aspect clinique en faveur du PV, un examen direct par scotch test cutané positif. Pour chaque dossier ont été précisés : l’âge, le sexe, le siège, l’aspect clinique des lésions, les facteurs favorisants. Tous les enfants étudiés ont été orientés par le médecin responsable de l’hygiène scolaire. Parallèlement, un scotch test a été réalisé chez un groupe témoin d’enfants de même âge atteints de vitiligo ou de dartre. Résultats • PV selon l’âge (tableau 1) Parmi les 1 450 PV diagnostiqués durant cette période, 279 cas concernaient les enfants, soit 20 %. L’âge varie de 1 à 14 ans, avec une moyenne de 12 ans. L’atteinte des enfants entre 10 et 14 ans était la plus fréquente : 133 cas soit 48 %. De 5 à 10 ans : 83 cas soit 30 %. De 1 à 5 ans : 50 cas soit 18 %. De 0 à 1 an : 13 cas. • PV selon les saisons 153 cas de PV ont été observés pendant la saison chaude entre avril et septembre. • PV selon l’aspect clinique (tableau 2) Les lésions étaient achromiques ou homochromiques chez 240 patients, soit 86 % des cas (figure 1). L’aspect hyperpigmenté était observé chez 27 malades soit 9,6 % (figure 2). L’aspect érythémateux était observé chez 12 malades soit 4,4 %. • PV selon le sexe Une légère prédominance féminine était notée, 147 cas soit 53 %, pour 132 cas de sexe masculin soit 47 %. • PV selon la localisation (tableau 3) La localisation la plus fréquente était le visage et le cou : 175 cas soit 72 %. L’atteinte du visage l’emporte avec 147 cas, soit 53 % et plus particulièrement le front (131 cas), soit 47 %. L’atteinte du tronc concerne 89 cas soit 32 %, celle des membres supérieurs 19 cas, soit 7 %. L’atteinte des épaules concerna 6 cas, soit 2 %. • Résultat du scotch test Le scotch test effectué chez tous les patients atteints de PV était positif et négatif chez le groupe témoin. Figure 1. Localisation particulière du front, aspect achromique. Figure 2. PV de la joue, aspect hyperchromique. Discussion Le PV de l’enfant n’est pas rare dans la région de Tlemcen (ouest de l’Algérie)(1). Le PV est dû à la transformation de levures dimorphiques d’un état saprophyte en une phase filamenteuse pathogène sous l’influence de facteurs exogènes et endogènes. • Les facteurs climatiques – Climat chaud et humide ; – facteurs physiologiques (grossesse) ; – facteurs liés à l’hôte (l’immunodéficience primitive ou acquise) ; – facteurs médicamenteux (corticothérapie générale) ; – facteurs cutanéo-muqueux (excès du sébum et de l’hypersudation) ; – facteurs hormonaux (l’hypercorticisme) ; – utilisation abusive de produits cosmétiques. Si ces facteurs sont souvent retrouvés dans le PV de l’adulte, ils sont, en revanche, rarement présents chez l’enfant. Nos résultats sont sensiblement superposables aux travaux des Tunisiens de Bouassida et al.(3). Le PV semble survenir chez des enfants en bonne le port de vêtements longs, l’utilisation de produits cosmétiques souvent huileux, la fille se souciant plus de son esthétique que le garçon. Aussi, ces éléments constituent des facteurs favorisants pour le développement du PV. Ce dernier se localise dans les zones cutanées riches en glandes sébacées et son apparition à un âge où celles-ci sont fonctionnelles grâce à l’influence des hormones androgéniques mâles. L’étude de Silva et al.(9) montre que le portage saprophyte élevé du Malassezia futur (MF) sur le front par rapport au tronc chez l’enfant pourrait expliquer l’atteinte plus fréquente à ce niveau ; certaines coutumes traditionnelles de notre région, comme l’application d’huile d’olive et d’amandes ou de produits cosmétiques souvent huileux sur le visage pourraient favoriser le croissance du MF et l’apparition du PV. Ces substances citées ci-dessus contiennent des lipides complexes, jouent un rôle occlusif en provoquant une augmentation du CO2, une altération de la flore microbiologique et une modification du pH de la peau. Le soleil joue certainement un rôle dans la pathogénicité du PV par le biais de la lipoperoxidase, ce qui explique le développement du PV sur les zones photos-exposées chez l’enfant et surtout pendant la saison chaude. La prédominance des formes hypochromiques et achromiques dans le PV de l’enfant est retrouvée dans la majorité des séries(3,4) ainsi que dans notre travail. L’étude de Acosta et al.(4) montre que l’aspect clinique prédominant du PV est la forme hypochromique. Ceci peut être expliqué par le blocage de la synthèse et le transfert de la mélanine des mélanocytes vers les kératinocytes, ainsi que la synthèse d’acide azélaïque qui exerce une action cytotoxique sur les mélanocytes avec inhibition de la synthèse de mélanine. Les formes hyperchromiantes sont en partie secondaires à un épaississement de la couche cornée ; pour certains, il existe probablement une action des levures sur les mélanocytes dont la nature n’est pas connue à ce jour. D’autre part, certaines souches de MF peuvent, à partir du L-tryptophane et de lipides, fabriquer un pigment brun. • Le diagnostic du PV Il nécessite l’examen en lumière UV avec lampe de Wood qui révèle une fluorescence jaune verdâtre pâle dorée dans le PV actif non traité. Le scotch test est déterminant pour le diagnostic. Le ruban adhésif qui visualise au microscope le champignon, doit être évidemment transparent. Le site de prélèvement convient pour l’examen au microscope. En revanche, pour une culture, le site optimal se situe en périphérie des lésions. Le champignon se caractérise par un filament court à paroi épaisse et levures en forme de bouteilles groupées en grappes. Ces différents examens permettent aussi d’écarter des affections relativement similaires comme dans une forme achromique du PV, le vitiligo et l’hypomélanose en goutte, le nævus achromique, les eczé- matides, la lèpre, ou comme dans la forme pigmentée du PV, le pityriasis rosé de Gibert(10). Le traitement vise à diminuer la densité de MF pour rétablir l’équilibre saprophyte et éviter les facteurs favorisants.

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