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Allergologie

Publié le 15 mar 2018Lecture 5 min

Formes trompeuses - Quel diagnostic évoquer ?

Dominique TENNSTEDT, Dermatologie UCL, Bruxelles, Belgique

1/ Une dermatite allergique de contact (eczéma) par voie directe ?
2/ Une dermatite allergique de contact (eczéma) par voie aéroportée ?
3/ Une dermatite allergique de contact (eczéma) par voie ectopique ?
4/ Une dermatite allergique de contact aux protéines ?
5/ Une dermatite atopique récalcitrante ?
6/ Une dermatite irritative de contact ?
7/ Une dermatose auto-provoquée ?

Réponse : Une dermatite allergique de contact aux protéines de latex Une patiente de 28 ans (nettoyeuse de salles d’opérations en hôpital) se présente « en urgence » à la consultation car elle est perturbée par une dermatose chronique des paupières qui a débuté depuis un peu plus d’un an. Le prurit est considérable mais inconstant. De multiples médecins (généralistes et dermatologues) ont été consultés. Aucun diagnostic précis n’a été proposé car au moment des consultations, il n’existait pratiquement aucune lésion visible. Toutes et tous ont évoqué soit un « eczéma » a minima, soit une urticaire systémique, soit une dermatite atopique « bizarre », soit des réactions immunologiques sur piqûres d’insecte, soit encore un « problème psychologique » lié à un nervosisme larvé… De très multiples traitements (par voie locale et/ou générale) ont été essayés en vain. Seuls les corticoïdes locaux ont permis une relative amélioration temporaire vite relayée par une corticophobie de la patiente qui les a rapidement arrêtés. L’examen clinique des paupières (figures 1 et 2) permet de mettre en évidence de petites papules oedémateuses d’allure urticarienne également observées en d’autres endroits du visage (figures 3 et 4). Figure 1. Dermatite de contact aux protéines du latex chez une nettoyeuse de salle d’opérations. Figure 2. Dermatite de contact aux protéines du latex (fort grossissement).   Figure 3. Dermatite de contact aux protéines du latex (même patiente). Figure 4. Dermatite de contact aux protéines du latex (fort grossissement). La patiente explique que les lésions sont fugaces et s’observent essentiellement en milieu hospitalier, mais également après certains travaux ménagers en dehors de l’hôpital. Aux mains, il existe de nombreuses lésions excoriées qui témoignent d’un prurit important associé à un grattage que la patiente décrit comme « impossible à juguler » (figures 5 et 6). Elle ne se plaint pas de douleurs associées. La palpation des ganglions est négative. À l’anamnèse, il n’existe aucun antécédent d’atopie. Elle n’applique pas de cosmétiques sur le visage ni même sur les paupières. La patiente est en excellent état général. Il n’existe aucun problème concernant le tube digestif (en particulier pas d’intolérance alimentaire).   Figure 5. Excoriations liées au grattage (même patiente). Figure 6. Excoriations liées au grattage (fort grossissement). Il s'agit d'une dermatite de contact aux protéines de latex Le diagnostic de dermatite de contact aux protéines du latex (dans le cas présent sous forme d’urticaire de contact) a pu être posé de manière « certaine » suite à une série de prick tests : test positif pour les protéines du latex ainsi que pour le prick test réalisé à travers le gant de ménage qu’elle a l’habitude d’employer tant lors de son travail à l’hôpital qu’à son domicile... (figures 7 et 8). La recherche d’IgE spécifiques pour les protéines du latex est également positive. Le remplacement des gants en latex par des gants en vinyle a permis une guérison totale et définitive de la dermatose.   Figure 7. Gants responsables (latex naturel !). Figure 8. Prick test positif au latex (même patiente). La dermatite allergique de contact aux protéines est relativement mal connue des cliniciens et correspond à une réaction allergique IgE-médiée de type 1 associée à une réaction retardée eczématiforme de type 4, induite par des protéines de plantes ou d’origine animale. Sur le plan clinique, il existe une alternance de lésions urticariennes (immédiates) et eczématiformes (retardées), parfois associées et parfois dissociées (comme dans le cas présent) (figures 9 à 12).   Figure 9. Dermatite de contact aux protéines du latex chez une infirmière. Figure 10. Dermatite de contact aux protéines du latex chez une technicienne de surface.   Figure 11. Gants responsables.               Figure 12. Prick test positif au latex (même patiente). L’atteinte du visage et des zones découvertes est possible par voie aéroportée en cas d’allergène volatile (farines des boulangers ou des préparateurs de pizzas, protéines de latex adsorbées par la poudre d’amidon de maïs des gants chirurgicaux poudrés). La transmission aux paupières peut aussi se faire de manière manuportée. Une conjonctivite est souvent associée (figures 13 et 14). Les principales protéines en cause proviennent d’un contact avec la farine et ses additifs, les viandes, les poissons, la laitue, le liquide amniotique ou encore le latex (comme dans le cas présent). Aux mains, la dermatite de contact aux protéines associe classiquement une dermatite chronique à type d’eczéma de contact ou de dermatite d’irritation, à des exacerbations immédiates urticariennes et/ou vésiculeuses au contact de l’allergène protéique. Figure 13. Conjonctivite d’origine aéroportée chez une infirmière allergique aux protéines du latex. À remarquer : les excoriations au doigt. Figure 14. Prick test positif au latex (même patiente). Le gonflement du pourtour périunguéal représente l’anomalie la plus caractéristique de la dermatite de contact aux protéines. Une onycholyse distale n’est pas exceptionnelle. En cas de suspicion d’une dermatite de contact aux protéines, il convient de réaliser une mise au point par prick tests à l’aide des substances protéiques incriminées (méthode du prick to prick). Il s’agit souvent d’une dermatose professionnelle. Cette affection est donc très fréquente au sein des métiers de la restauration en raison du grand nombre d’aliments potentiellement incriminés : bouchers (figure 15), boulangers (figures 16 et 17), poissonniers (figures 18 et 19), cuisiniers (figures 20 et 21), préparateurs de pizzas, vétérinaires, personnel d’animalerie... Les vétérinaires (figures 22 et 23) et les fermiers représentent également des professions à risque.  Figure 15. Dermatite de contact aux protéines chez un boucher. À remarquer : l’aspect caractéristique du périonyx et des ongles.   Figure 16. Dermatite de contact aux protéines chez un boulanger (phase « eczémateuse »). Figure 17. Dermatite de contact aux protéines chez un boulanger (fort grossissement).   Figure 18. Dermatite de contact aux protéines chez un poissonnier. À remarquer : l’aspect caractéristique du périonyx et des ongles. Figure 19. Prick test (prick to prick) positif au poisson (lotte).   Figure 20. Dermatite de contact aux protéines (viande de bœuf) chez un cuisinier. Figure 21. Dermatite de contact aux protéines chez un cuisinier (fort grossissement).   Figure 22. Dermatite de contact aux protéines (liquide amniotique) chez un vétérinaire. Figure 23. Dermatite de contact aux protéines chez un vétérinaire (fort grossissement).

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