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Cas cliniques

Publié le 13 juin 2017Lecture 4 min

L’angine bulleuse hémorragique : la grande méconnue

Philippe BERBIS, Service de dermatologie, Hôpital Nord, CHU de Marseille

L’angine bulleuse hémorragique (ABH) est une dermatose bulleuse oropharyngée rare, mais très probablement largement sous-diagnostiquée car très mal connue, notamment du monde dermatologique. En effet, moins d’une quinzaine de publications sont présentes dans la littérature, principalement dans des revues de stomatologie.
Son caractère spectaculaire contraste avec sa grande bénignité. L’observation récente de 2 cas typiques ayant conduit à des difficultés diagnostiques (une publiée récemment chez une jeune femme(1) et l’observation rapportée ici) nous conduit à faire le point sur cette entité aussi typique que rare.

Observation Un homme de 60 ans, sans antécédent médico-chirurgical notable, consultait pour une pathologie linguale récidivante, bulleuse, hémorragique. Les lésions, pouvant atteindre 2 à 3 cm, se développaient brusquement, en quelques heures, affectant exclusivement les bords latéraux de la langue (figure 1). Elles étaient totalement asymptomatiques et se rompaient en quelques jours, laissant place à des érosions non douloureuses qui cicatrisaient rapidement et spontanément (figure 2). Le patient avait noté que les lésions se développaient volontiers au décours de l’absorption de plats très chauds ou de boissons très chaudes. Le reste du tégument était indemne de toute lésion. L’état général était excellent, aucune prise médicamenteuse n’était signalée. Le bilan biologique était normal ou négatif pour les éléments suivants : NFS plaquettes, vitamine C, vitamine B12, anticorps antisubstance intercellulaire épidermique et anticorps antimembrane basale épidermique (technique ELISA et immunoblot), anticorps antinucléaires, immunoélectrophorèse et dosage pondéral des immunoglobulines, bilan hépatique, HLA B5. Le patient n’ayant pu être vu à l’occasion d’une poussée bulleuse, aucune biopsie n’a été pratiquée. L’aspect clinique, le profil évolutif et l’absence de toute cause connue de bullose muqueuse conduisaient au diagnostic d’angine bulleuse hémorragique (ABH). Figure 1. Bulle hémorragique. Figure 2. Régression spontanée. Discussion L’ABH n’est associée à aucun terrain particulier. Elle touche cependant des adultes, souvent âgés. Un terrain diabétique a pu être associé, le sexe ratio est de 1. L’aspect clinique est caractéristique et parfaitement stéréotypé. Les lésions bulleuses qui peuvent aller jusqu’à 3 cm se développent rapidement. Elles sont en règle générale peu nombreuses, voire uniques. Totalement asymptomatiques dans la plupart des cas, elles peuvent parfois s’accompagner d’une discrète sensation de brûlure superficielle. Elles se rompent assez rapidement, spontanément, sans entraîner de phénomène hémorragique abondant. La cicatrisation est rapide (7 à 10 jours) sans cicatrices. Le caractère hémorragique est constant, l’aspect violacé étant caractéristique. La topographie des bulles hémorragiques est variable au sein de la cavité oropharyngée : palais mou, bords latéraux de la langue, lèvres. Le palais dur et les gencives ne sont pas touchés. Dans tous les cas, les lésions restent localisées exclusivement au sein de la cavité buccale. Dans des cas exceptionnels, la dimension des bulles au niveau pharyngé peut conduire à des phénomènes d’asphyxie nécessitant une intervention rapide. L’ABH ne s’accompagne d’aucun signe systémique et ne s’associe à aucun contexte pathologique particulier. Certains auteurs ont établi une corrélation avec la consommation régulière de corticoïdes inhalés de manière régulière pour des polyposes nasales ou des asthmes(2). L’hypothèse d’une fragilité muqueuse induite est dans ces cas tout à fait probable, à l’instar du purpura de Bateman. Au plan microscopique, l’aspect est celui d’un décollement sousépidermique, sans infiltrat inflammatoire. L’ulcération de surface est non spécifique. L’épithélium adjacent n’est pas atrophique. L’immunofluorescence directe est négative. La recherche d’anticorps circulants anti-peau est négative. L’ABH est sporadique, aucun cas familial n’a été rapporté. L’ABH évolue par poussées entrecoupées de rémission. La fréquence des poussées est variable selon les cas, mensuelles en moyenne. L’évolution est chronique. Les bulles peuvent affecter successivement plusieurs zones de la cavité oropharyngée. Les facteurs déclenchants sont également variables : traumatismes minimes, boissons très chaudes, soins dentaires. Le diagnostic différentiel se pose avec la pemphigoïde cicatricielle, le pemphigus (se présentant plus volontiers sous forme d’érosions douloureuses d’emblée), l’épidermolyse bulleuse acquise, la dermatite à IgA linéaire, le lichen bulleux, l’amylose systémique, l’érythème pigmenté fixe. La recherche d’une hémopathie sous-jacente doit, bien sûr, être systématique. Un cas d’ABH-like révélant une thrombopénie médicamenteuse a récemment été rapporté(3). La pathogénie de l’ABH est méconnue. L’hypothèse, sur un terrain génétiquement déterminé, d’une faible cohésion entre l’épithélium muqueux et le chorion et/ou d’une hypotrophie des parois des vaisseaux muqueux chorioniques a été évoquée(4). Une hypothèse médicamenteuse ne peut être retenue au regard des données épidémiologiques. Grinspan et coll.(5), au sein d’une série de 54 cas, notent l’association à un diabète ou à un terrain diabétique familial dans 44 % des cas. L’ABH ne nécessite en règle générale aucun traitement. Reconnaître le diagnostic permet de rassurer le patient sur la bénignité de la pathologie. Si le patient utilise des corticoïdes inhalés, il est recommandé d’effectuer un bain de bouche aqueux après chaque inhalation.

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