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Dermatologie générale

Publié le 09 nov 2016Lecture 5 min

Les mains des dermatomyosites

C. FRANCÈS, Hôpital Tenon, Paris

Les lésions cutanées des mains sont nombreuses au cours des connectivites, souvent révélatrices du diagnostic, et de traitement parfois difficile. Leur prise en charge diffère selon le type de connectivite, le diagnostic précis des lésions dermatologiques et le contexte systémique.

L’atteinte cutanée de la dermatomyosite (DM) sur le dos des mains est caractérisée par des macules érythémateuses, plus ou moins squameuses (figure 1), disposées en bandes le long des gaines des tendons extenseurs, se renforçant transversalement sur les faces dorsales et latérales des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes (figure 2). Cet érythème s’associe fréquemment aux mains à des papules plates, infiltrées et violines, appelées papules de Gottron (figure 3) considérées comme pathognomoniques, situées en regard du dos des articulations des doigts et sur le pourtour unguéal. Ces papules peuvent parfois évoluer en prenant un caractère déprimé, atrophique à centre blanc-porcelainé et télangiectasique (figure 4). Une atteinte maculeuse en regard des plis palmaires des doigts est un signe rare mais très caractéristique, pouvant être secondaire à une mucinose cutanée.   Figure 1. Érythème en bandes en regard des surfaces articulaires avec érythème périunguéal. Figure 2. Lésions érythémateuses, atrophiques, télangiectasiques ou papuleuses en regard des métacarpo-phalangiennes. Figure 3. Papules de Gottron en regard des articulations interphalangiennes, typiques de dermatomyosite. Figure 4. Lésions atrophiques et télangiectasiques diffuses des doigts, avec une atteinte plus nette en regard des articulations des mains.   Les lésions cutanées de DM des mains diffèrent de celles observées au cours du lupus érythémateux, car ces dernières prédominent sur les zones interarticulaires dorsales ou palmaires des doigts et sur les pulpes. L’aspect anatomopathologique de ces lésions est similaire à celui des lupus cutanés avec une dermite d’interface, un infiltrat lymphocytaire périvasculaire, des dépôts de mucine. L’immunofluorescence directe peut montrer une bande lupique dans 10 % des cas. Quant aux lésions vésiculeuses, bulleuses, ulcérées, atrophiques ou nécrotiques (figure 5), leur mécanisme est souvent non univoque associant une dermite d’interface particulièrement sévère, une vasculopathie oblitérante ou une vascularite. Ces formes seraient statistiquement plus souvent associées à une néoplasie chez l’adulte. Dans une étude regroupant 4 séries de la littérature concernant 101 malades dont 36 avec cancer (35,6 %), la valeur prédictive d’une nécrose cutanée pour un cancer a été évaluée à 81 % avec une sensibilité de 58,3 % et une spécificité de 92,3 %(1). L’atteinte de la sertissure des ongles des mains et parfois des pieds (signe de la manicure) est très fréquente, témoignant de l’atteinte vasculaire (figures 5 et 6), plus facile à détecter sur peau blanche (figure 5) que pigmentée (figure 6). Elle est associée à un épaississement de la cuticule et à des mégacapillaires, souvent visibles à l’œil nu (figure 7).   Figure 5. Érythème périunguéal avec mégacapillaires, visibles à l’œil nu, zone de nécrose distale et quelques hémorragies en flammèches du tiers distal de l’ongle. Figure 6. Érythème péri-unguéal avec mégacapillaires sur peau pigmentée. Figure 7. Mégacapillaires au cours d’une dermatomyosite en capillaroscopie.   Les calcifications cutanées de la DM touchent les régions périarticulaires proximales des membres, les plis axillaires, les hanches, les reliefs des coudes et des genoux. À l’inverse de la sclérodermie, elles épargnent habituellement les régions para-articulaires distales des mains et les pulpes digitales. L’aspect de dermite irritative des mains avec une hyperkératose fissuraire des doigts (figure 8) est décrit dans la littérature anglo-saxonne sous le terme de main mécanique pouvant s’intégrer dans un syndrome des antisynthétases caractérisé par une atteinte musculaire discrète voire absente, un phénomène de Raynaud parfois nécrotique, des arthralgies, de la fièvre, une atteinte pulmonaire interstitielle et des anticorps antisynthétases, dont les plus faciles à obtenir en routine sont les anti-Jo1. Il a un intérêt essentiellement pronostique : la discrétion de l’atteinte musculaire ne doit pas conduire à sous-estimer la gravité du fait de l’atteinte pulmonaire.   Figure 8. Mains mécaniques au cours d’un syndrome des antisynthétases.   Des macules ou papules palmaires sur les métacarpophalangiennes ou les interphalangiennes ainsi que des ulcérations multiples des mains (figure 9) sont parfois associées à la présence d’anticorps anti-MDA5 (melanoma differentiationassociated gene 5). La moitié des malades avec anticorps anti-MDA5 ont en effet des lésions maculeuses ou papuleuses sur la face palmaire des métacarpophalangiennes ou des interphalangiennes avec une surface érythémateuse, hyperkératosique ou ulcérée. Ces lésions correspondent histologiquement à des dépôts de mucine, associés à une vasculopathie inflammatoire mononucléée et/ou thrombosante avec une dermite d’interface minime ou absente. La fréquence des ulcérations est augmentée avec un OR à 18,3 (IC95 % : 3,5-98) de types variés(2) : ulcérations pulpaires, périunguéales, sur les papules de Gottron, les coudes ou les genoux. Moins fréquemment, sont observées des érosions orales, des gencives inflammatoires, une panniculite, des mains mécaniques, une alopécie diffuse. L’atteinte musculaire est habituellement discrète ou absente, d’où la dénomination initiale d’anticorps anti-CDAM140 pour clinically amyopathic dermatomyositis. L’atteinte pulmonaire, très fréquente, est de pronostic péjoratif, habituellement plus sévère que celle du syndrome des antisynthétases. Les lésions dermatologiques ne justifient souvent d’aucun traitement spécifique, car elles disparaissent avec le traitement de l’atteinte musculaire. En revanche, un traitement spécifique dermatologique est préconisé dans les formes amyopathiques primitives ou les rares formes cutanées résiduelles ou récidivantes sur un plan cutané isolé sans atteinte clinique musculaire. Dans l’ensemble, le traitement des lésions dermatologiques est assez décevant avec de nombreuses formes résistantes. Les dermocorticoïdes peuvent être utiles pour atténuer les lésions. Les applications de tacrolimus topique à 0,1 % pendant 6 à 8 semaines améliorent généralement les lésions avec un degré d’efficacité très variable. Les antipaludéens de synthèse sont généralement prescrits en première intention malgré une efficacité très inférieure à celle sur les lupus cutanés. La dapsone, le mycophénolate mofétil et le méthotrexate à faible dose sont des alternatives en cas d’échec des précédents traitements. Le thalidomide est inefficace. Les gammaglobulines intraveineuses à fortes doses sont, dans notre expérience, le traitement le plus souvent efficace. Malheureusement, leur coût limite l’utilisation d’autant que le traitement n’est le plus souvent que suspensif.   Figure 9. Ulcérations palmaires au cours d’une dermatomyosite amyopathique avec anticorps anti-MDA5.   De nouvelles thérapeutiques telles que celles inhibant la voie de l’interféron ou anti-JAK 1/3 (exemple tofacitinib) semblent prometteuses.

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