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Dermatologie générale

Publié le 15 aoû 2016Lecture 11 min

Signes cliniques et traitements du pemphigus

I. ZARAA, Hôpital La Rabta, Tunis

Le diagnostic du pemphigus repose sur l’examen clinique et les résultats des examens immunopathologiques. Le pronostic s’est beaucoup amélioré depuis l’avènement de la corticothérapie systémique, mais au prix d’une iatrogénie importante. L’avènement des anticorps monoclonaux anti-CD20 constitue un nouvel espoir thérapeutique.

Le pemphigus est une dermatose bulleuse autoimmune spécifique d’organe. Il est caractérisé par la production des auto-anticorps dirigés contre les protéines d’adhésion interkératinocytaires (protéines desmosomales), les desmogléines (Dsg) conduisant à une acantholyse, qui est la perte de l’adhésion inter kératinocytaire, ce qui se traduit cliniquement par l’apparition d’un décollement cutané et/ou muqueux.   Clinique   Les pemphigus se caractérisent cliniquement par la survenue d’un décollement cutané (bulles et érosions post-bulleuses) et/ou muqueux. De nombreux tableaux cliniques ont été décrits, mais troisvariantes principales ont été individualisées : les pemphigus profonds, les pemphigus superficiels et le pemphigus paranéoplasique (PPN).   Les pemphigus profonds   • Le pemphigus vulgaire (PV) est la forme la plus fréquente. Dans les deux tiers des cas, le PV débute par des érosions douloureuses persistantes des muqueuses, en particulier buccale (figure 1), gênant l’alimentation (pemphigus muqueux). Ces lésions muqueuses peuvent rester longtemps isolées. Elles sont souvent responsables d’un retard diagnostique, surtout qu’elles sont généralement prises à tort pour des aphtes. D’autres localisations muqueuses peuvent être touchées. L’évolution se fait en général au bout de quelques mois vers l’apparition de lésions cutanées (pemphigus cutanéo-muqueux). L’examen clinique retrouve alors des bulles flasques reposant sur une peau d’apparence normale. Ces bulles sont habituellement à contenu clair, laissant place à des érosions douloureuses, entourées d’une collerette épithéliale caractéristique (figure 2). Les sites privilégiés sont la tête (principalement le cuir chevelu), la partie supérieure du tronc et les plis. La présence de prurit et le degré de la douleur sont variables. L’examen retrouve également un signe de Nikolsky positif (décollement bulleux par frottement ou pression appuyée de la peau au pourtour ou à distance des lésions bullo-érosives) qui est d’une grande valeur diagnostique, mais n’est pas pathognomonique du pemphigus.   Figure 1. Érosions post-bulleuses de la muqueuse buccale, au cours du pemphigus vulgaire. Figure 2. Lésions de pemphigus vulgaire : bulles flasques, érosions et croûtes post-bulleuses.   • Le pemphigus végétant est une forme rare du pemphigus profond qui se caractérise par des lésions prédominant dans les plis, prenant un aspect végétant.   Les pemphigus superficiels   Le pemphigus superficiel (PS) est de présentation clinique plus trompeuse, réalisant des petites bulles flasques qui se rompent presque immédiatement laissant place à des érosions croûteuses. Elles sont généralement circonscrites dans les zones séborrhéiques telles que le cuir chevelu ainsi qu’au niveau de la face et du tronc (figure 3). Contrairement au PV, l’atteinte est exclusivement cutanée. Il existe deux variantes cliniques du PS. • Le pemphigus séborrhéique qui, dans sa forme étendue, réalise une érythrodermie desquamative, le pemphigus foliacé, dont certaines formes sont endémiques, notamment au  Brésil « Fogo selvagum » et en Afrique du Nord tel que « le pemphigus tunisien ». Ces pemphigus ont les mêmes caractéristiques cliniques, histologiques et immunologiques que le PS classique. • Le pemphigus érythémateux se caractérise par des érosions superficielles, un érythème etdes croûtes dela zone malaire du visage et sur les régions séborrhéiques. Les signes cliniques peuvent ressembler à un lupus érythémateux cutanéet des anticorps antinucléaires (ANA) peuvent être détectés, sans la présence d’anticorps anti-ADN.   Figure 3. Lésions de pemphigus superficiel du tronc et du visage (zones séborrhéiques).   Le pemphigus paranéoplasique (PPN)   Forme la plus récemment décrite, il se manifeste généralement avec une stomatite hémorragique. La muqueuse buccale est plus gravement touchée, mais toutes les muqueuses peuvent être affectées. Les lésions cutanées sont polymorphes (éruption lichénoïde, lésions évoquant une pemphigoïde bulleuse, un érythème polymorphe...). Ce syndrome multi-organique auto-immun paranéoplasique est extrêmement sévère. Le PPN s’associe à différents cancers notamment les hémopathies lymphoïdes.   Examens paracliniques   Devant toute suspicion de pemphigus, la pratique d’une biopsie cutanée s’impose. Le diagnostic de pemphigus repose sur l’aspect clinique, l’examen histologique d’une biopsie en peau bulleuse (bulle intra-épidermique par acantholyse suprabasale (pemphigus profond) ou sous-cornée (pemphigus superficiel) et la mise en évidence de dépôts d’IgG+/-C3 à la surface des kératinocytes (fluorescence en maille de filet « marquage en résille ») en immunofluorescence directe (IFD) réalisée sur une biopsie en peau périlésionnelle. L’IFD est l’examen de référence pour le diagnostic du pemphigus. Le dosage dans le sérum des auto-anticorps anti-Dsg par immunofluorescence indirecte (IFI) ou le test enzyme-linked immuno sorbent assay (Elisa) n’est demandé qu’une fois le diagnostic posé par l’IFD, à titre de bilan initial, puis pour le suivi immunologique de la maladie. L’immunoblot permet de reconnaître les auto-antigènes cibles. Il n’est pas de pratique courante, mais reste utile pour le PPN ou devant un tableau discordant entre la présentation clinique et les tests ELISA.     Traitement   Le pemphigus est une maladie auto-immune, des agents immunosuppresseurs ont donc été utili sés pour sa prise en charge. Depuis l’avènement de cortico-stéroïdes systémiques en 1950 et des immunosuppresseurs en 1960, le taux de mortalité associé au pemphigus a chuté de 90 % à 10 %, voire 5 %. Le pronostic est d’ailleurs actuellement lié essentiellement aux complications du traitement. Depuis, plusieurs traitements ont été proposés dans la prise en charge du pemphigus dans le cadre d’essais cliniques, faisant souvent preuve d’un bénéfice clinique, mais les corticoïdes systémiques restent toujours d’actualité. Ceci peut être en partie expliqué par la difficulté de réalisation des essais cliniques, la relative rareté de la maladie et la difficulté de recrutement des patients, ce qui entraîne souvent une hétérogénéité des études qui sont souvent de faible puissance. La prise en charge initiale de la maladie nécessite habituellement une hospitalisation dans un service spécialisé. Le but principal du traitement est le contrôle de l’éruption bulleuse puis la cicatrisation des lésions cutanées et/ou muqueuses. Les corticoïdes systémiques sont jusqu’à nos jours la pierre angulaire du traitement, généralement utilisés à des doses élevées (1-1,5 mg/kg/j), d’abord pour obtenir un contrôle de la maladie (phase d’attaque) ; ensuite une décroissance lente est entamée sur quelques mois (phase de maintenance) pour maintenir une rémission complète. À cause des effets secondaires systémiques à long terme, des corticostéroïdes, certains auteurs ont proposé d’associer soit d’emblée soit en cas d’échec des corticoïdes seuls, un immunosuppresseur, permettant une épargne des corticoïdes. Ces agents comprennent l’azathioprine (AZA), le mycophénolate mofétil (MMF), le cyclophosphamide, le méthotrexate. L’AZA (1 à 3 mg/kg/j) ou le MMF (2 à 3 g/j) sont les traitements utilisés en première ligne en association avec les corticoïdes systémiques. Quelles que soient la ou les molécules choisies, un bilan préthérapeutique est pratiqué pour la mise en place et le suivi des traitements. Le traitement est adapté à la sévérité de la maladie. Chez les patients présentant des formes peu étendues de pemphigus (PS < 5 % de la surface corporelle/PV muqueux très localisés et une atteinte cutanée < 5 %), un traitement local seul peut être proposé. L’application d’un corticoïde topique très fort seul (propionate de clobétasol) peut être suffisante. Pour les lésions muqueuses qui sont souvent résistantes aux thérapies systémiques, des injections intra lésionnelles de corticoïdes peuvent être proposées. La dapsone per os (50-100 mg/j) est également utilisée pour les pemphigus superficiels peu étendus. Les études les plus récentes sur les traitements topiques novateurs rapportent l’efficacité de certaines molécules pendant la phase de cicatrisation telles que les préparations contenant de l’EGF (epidermal growth factor : 10 µg/g), du nicotinamide gel à 4 % et le pimécrolimus crème à 1 %. Toutes ces données restent à confirmer. Pour d’autres auteurs, le traitement systémique s’impose quelle que soit l’étendue des lésions. Mais pour les formes peu étendues, ils proposent le protocole de « Lever faible » associant une corticothérapie systémique (40 mg de prednisone 1 jour sur 2) et de l’AZA (100 mg/j) ou du MMF (2 g/j) ou d’emblée une corticothérapie systémique seule à 1 mg/kg/j. Pour les formes plus étendues, une corticothérapie systémique à base de prednisone (1-1,5 mg/kg/j) est préconisée. Chez les patients avec des formes très graves de pemphigus et des titres d’anticorps élevés, des bolus de corticoïdes associés aux immunosuppresseurs ont été proposés (thérapie d’impulsion), mais au prix d’effets secondaires très graves. La posologie optimale, le schéma de décroissance de la corticothérapie et l’indication d’une association à un traitement adjuvant restent jusqu’à nos jours débattus. Le traitement par les immunoglobulines intraveineuses (Ig I.V.) est une thérapie efficace, mais son mode d’administration et son coût élevé limitent son utilisation. Il est indiqué pour les formes résistantes. Chez les patients atteints de pemphigus récalcitrants aux corticoïdes systémiques et aux immunosuppresseurs, l’administration d’un anticorps monoclonal chimérique anti-CD 20, le rituximab, a été réalisée avec des résultats prometteurs. Certains auteurs préconisent l’association des Ig I.V. au rituximab pour réduire le risque infectieux. L’intérêt de cette combinaison reste à préciser dans le futur. Les soins locaux font partie intégrante de la prise en charge et sont un complément indispensable à la thérapie systémique. Ils visent principalement la prévention des infections et la stimulation de la cicatrisation. La gravité du pemphigus justifie une prise en charge prolongée. Un suivi régulier s’impose. Il a pour but d’évaluer l’efficacité, la tolérance des traitements et la détection des rechutes. L’arrêt du traitement systémique peut être discuté au bout de 2 à 4 ans chez les sujets en rémission sous faibles doses de corticoïdes. En plus du traitement médical, certaines précautions sont importantes à expliquer aux patients, à savoir éviter certaines prises médicamenteuses (D-pénicillamine, ou des médicaments de structure voisine). En effet, ces médicaments ont été impliqués dans l’induction ou le déclenchement du pemphigus. De même, l’utilisation de contraceptifs progestatifs doit être prudente chez les patientes. Pour la même raison, les femmes atteintes de pemphigus doivent être informées que, généralement, la grossesse réactive la maladie. L’exposition solaire peut l’aggraver. Il est souhaitable de se protéger. Le stress émotionnel intense et prolongé devrait être évité, car il peut induire ou aggraver un pemphigus. Les recommandations diététiques ne doivent pas être négligées. Les patients atteints de pemphigus devraient avoir une alimentation équilibrée et éviter les aliments épicés ainsi que l’ail, l’oignon, et le poireau, car ces plantes ont un pouvoir acantholytique potentiel. Les patients doivent également être mis en garde contre l’ingestion d’aliments et de boissons très chaudes pouvant aggraver l’atteinte des muqueuses buccale et de l’œsophage. En l’absence de consensus dans la littérature, il n’existe pas un traitement du pemphigus, mais plusieurs moyens thérapeutiques. De nouvelles études sont nécessaires pour trouver l’agent thérapeutique idéal. Les corticostéroïdes systémiques restent le pilier du traitement du pemphigus. Une grande partie de la recherche récente a porté sur l’évaluation de l’efficacité des agents d’épargne des corticoïdes (l’AZA, le MMF, le méthotrexate et le cyclophosphamide). L’ajout d’un immunosuppresseur aux corticoïdes systémiques a permis de réduire les effets secondaires à l’exposition à des fortes doses de stéroïdes. L’AZA et le MMF sont souvent considérés comme les molécules de première ligne en association aux corticoïdes pour PV. Les Ig I.V. et le rituximab sont très intéressants chez les patients présentant un pemphigus récalcitrant mais restent des traitements de 2e et 3e ligne.  

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