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Cas cliniques

Publié le 01 juin 2016Lecture 5 min

Érythème annulaire centrifuge récidivant de Hudelo et Lejard

R. VIRABEN, Hôpital La Grave, Toulouse

Les érythèmes annulaires centrifuges (EAC) font l’objet de classifications variables et parfois obscures.
 

L’approche anatomoclinique, la plus rationnelle distingue trois types d’EAC(1) : – le type lupus avec un infiltrat périvasculaire superficiel et/ou profond, parfois associé à une atteinte épidermique avec vacuolisation de la basale et infiltrat périannexiel responsable d’un caractère papuleux clinique ; – le type pseudolymphome caractéristique de l’infection à Borrelia avec un infiltrat lymphoplasmocytaire périvasculaire superficiel et profond se traduisant sur le plan clinique par un érythème pur ; – le type dermatite avec atteinte épidermique spongiotique responsable sur le plan clinique d’une squame. Dans ce dernier groupe, des érythèmes d’étiologies diverses et souvent inconnues ont été décrits : dermatite de stase, pityriasis rosé de Gibert atypique, dermatite réactionnelle à un foyer fongique (id. réaction). Parmi ces dermatoses, l’érythème annulaire centrifuge récidivant s’individualise par son seul profil évolutif.   Observation 1   Une jeune femme de 35 ans présente des lésions en nappes érythémato-squameuses annulaires des jambes, des cuisses et de la partie postérieure des bras (figure 1). Le cercle érythémateux évolue de manière centrifuge faisant place à une squame sur le bord interne de la lésion. La patiente débute une première grossesse, et dans l’hypothèse d’un lupus subaigu, est adressée pour évaluation complémentaire. À l’interrogatoire, on apprend que depuis 10 ans à chaque printemps, elle présente une éruption similaire qui dure quelques mois puis disparaît. Des traitements antifongiques locaux instaurés à plusieurs reprises ont été inefficaces. Les examens biologiques sanguins, comprenant NFS, VS, CRP, électrophorèse des protéines, bilans hépatique et rénal, recherche d’anticorps antinucléaires, sont normaux ou négatifs. Une recherche d’excrétion asymptomatique d’herpès virus au niveau de la muqueuse génitale, réalisée à deux reprises au cours d’une poussée, est restée négative. L’examen histologique met en évidence un infiltrat lymphocytaire périvasculaire peu dense associé au niveau de l’épiderme à une spongiose, une exocytose et une parakératose focales. La coloration du PAS et l’immunofluorescence directe sont négatives (figure 2).   Figure 1. Lésions en nappes érythémato-squameuses.   Figure 2. Infiltrat lymphocytaire périvasculaire peu dense.   Observation 2   Un patient de 52 ans présente chaque année au printemps un érythème annulaire au niveau des fesses. La lésion récidive depuis cinq ans avec la même topographie. La poussée dure environ 2 mois puis disparaît sans laisser de trace. Une antibiothérapie générale de 10 jours par l’ampicilline a été inefficace. À l’examen clinique, il existe un érythème annulaire au niveau de chaque fesse plus marqué à droite correspondant à une lésion plus récente (figure 3). Une desquamation en lambeau succède à l’érythème à l’intérieur de l’anneau érythémateux. Les examens biologiques montrent une élévation isolée des ACAN de type moucheté et nucléolaire, isolée sans autre autoanticorps. L’examen mycologique est négatif. L’examen histologique est non spécifique montrant une discrète spongiose et un foyer de parakératose.   Figure 3. Érythème annulaire et desquamation.   Une pathologie moins rare que supposée   La notion d’érythème annulaire centrifuge a été introduite par Darier en 1916(2). La description initiale correspond certainement à la forme lupique puisque la lésion décrite est non squameuse. L’érythème annulaire centrifuge récidivant a été décrit initialement en 1925 par Hudelo et Lejard(3). Ces auteurs rapportent un cas de lésion unique érythémateuse pure centrifuge : « Nous avons constaté d’un jour à l’autre une progression de 5 mm environ… ». La dermatose récidive chaque année depuis trois ans vers le mois de juillet siégeant dans des localisations différentes : creux axillaire, genou, enfin jambe droite. Ils complètent leur observation quelques semaines plus tard en constatant que plusieurs nouvelles lésions sont apparues à distance, ellesmêmes résolutives en quelques jours. Une revue des cas rapportés(4) permet de mettre en évidence des éléments constants : caractère squameux de l’érythème correspondant vraisemblablement à une dermatite spongiotique ; début de la poussée en été avec une durée moyenne de quelques semaines ; absence d’étiologie définie. Une affection comparable a été décrite dans un contexte de déficit héréditaire en lactate déshydrogénase (LDH) sousunité M(5). Dans ce cas, resté unique dans la littérature, le tableau était bien différent avec de mul tiples petits éléments circinés érythémato-squameux des cuisses n’évoquant pas sur le plan clinique un EAC. Cette étiologie est certainement une coïncidence(6). Le déficit en LDH sous-unité M est une maladie rare affectant des familles d’une région définie du Japon pouvant se manifester, sur le plan général, par une asthénie et une myoglobinurie à l’effort et sur le plan dermatologique par des lésions érythémato-squameuses circinées des membres à recrudescence estivale avec des anomalies de la kératinisation : hypo- ou agranulose focale, volumineux kératinocytes à cytoplasme pâle de la partie supérieure du corps muqueux. L’hypothèse d’une éruption accompagnant une infection récidivante avait déjà été évoquée par Hudelo et Lejard : « Il s’agit vraisemblablement… d’un état microbien latent à réveil annuel ». Dans l’éventualité d’une infection récidivante, une récurrence herpétique pourrait être suspectée. À cet égard, l’association d’un érythème annulaire centrifuge à un zona est retrouvée dans la littérature(8). Dans un de nos deux cas, une excrétion latente génitale d’herpès virus a été vainement recherchée à plusieurs reprises. L’érythème annulaire centrifuge récidivant est certainement moins rare que ne le laisse supposer le faible nombre de cas rapportés : sa résolution spontanée et l’absence de pathologie associée significative permettent de rassurer le patient et d’éviter d’inutiles examens complémentaires.

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