publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cancérologie

Publié le 01 juin 2016Lecture 10 min

Le dermatologue, les cancers de la peau et la prévention solaire

H. VAN LANDUYT, CHU Jean-Minjoz, Besançon

Les chiffres, les incidences des cancers de la peau (mélanomes, carcinomes) et tous les problèmes liés à l’exposition solaire aiguë et chronique ne peuvent plus être ignorés par la communauté médicale. Les progrès de la chirurgie, les nouvelles techniques (cryochirurgie, PDT) et les nouvelles molécules récentes « prometteuses » ne doivent pas nous détourner de notre première mission : une prévention primaire plus stricte pour les jeunes générations.

En effet, si le dépistage précoce permet de plus en plus de guérir nos patients, la prévention solaire reste la seule solution pour lutter contre l’incidence des cancers pour les générations futures. En France, la prévention solaire a été trop longtemps réservée aux seules périodes de vacances d’été, dans le sud et principalement avec de simples crèmes solaires (l’écran total des années 1980). Il faut rapidement changer notre message de prévention et de protection solaire. Les dermatologues doivent proposer le même message de prévention toute l’année et pour toutes les populations à risque (professions extérieures, sportifs, loisirs à l’extérieur…).   Généralités   Les dermatologues doivent reconnaître que les messages de prévention depuis les années 80 ne sont pas adaptés et que le fait d’avoir privilégié la crème solaire « écran total » est une erreur. Le message de prévention et de protection est destiné aux familles qui partent en vacances (principalement dans le sud ou au bord de la mer). Ce message est surtout orienté vers les enfants et principalement la petite enfance. L’adolescent y échappe souvent et commence à prendre les mêmes mauvais comportements que ceux des adultes (les parents). Dans ce message de prévention, la crème solaire, qui occupe une place dans la prévention, est cependant trop souvent privilégiée aux dépens de la protection vestimentaire (chapeau-chemise). Les campagnes et les examens annuels de dépistage chaque hiver, doivent s’intensifier car ils sont actuellement insuffisants. Ils ne servent qu’à constater les dégâts et à opérer le cancer à un stade plus précoce (prévention secondaire). Ils ont le même effet que les grandes campagnes de dépistage des cancers du poumon en pratiquant des radiographies pulmonaires sans pour autant stopper le tabagisme. Notre message principal sur le vilain grain de beauté qu’il faut surveiller n’est pas adapté puisque 8 à 9 fois sur 10, le mélanome est de novo. Les nævi qui génétiquement sont programmés pour apparaître de la naissance à 50 ans, s’ils sont irradiés tous les ans, vont foncer plus vite et paraître plus actifs. Chaque fin d’été, nos patients, pour se rassurer, se précipitent dans nos cabinets pour faire surveiller leurs « grains de beauté » qui, sous l’effet du bronzage, sont plus ou moins foncés. Deux solutions, on patiente et en fin d’hiver souvent tout va mieux, ou la peur d’un ou plusieurs nævi foncés peut nous pousser à une chirurgie hâtive et souvent inutile. De plus, le fait de focaliser le patient sur ces nævi lui fait parfois oublier les autres manifestations des cancers de la peau ; bouton (carcinomes basocellulaires), croûtes (carcinome épidermoïde). Actuellement, nous dépistons de plus en plus tôt les mélanomes et les carcinomes, mais ils sont de plus en plus fréquents chez des patients de plus en plus jeunes. Nous sommes meilleurs en prévention secondaire, mais la prévention primaire est insuffisante. Il est urgent de changer notre message de prévention primaire et nous pouvons encore améliorer la prévention secondaire en impliquant plus nos patients dans l’auto-dépistage.   Prévention et dépistage : un travail d’expérimentation sur 15 ans en Franche-Comté   • Depuis 2002, les dermatologues de la région (ASFODER) ont réalisé des campagnes de prévention et de dépistage précoce des lésions à risque et des carcinomes débutants pour sensibiliser tous les sujets à risque. • Par ailleurs, nous avons mené des campagnes de sensibilisation auprès des acteurs médicaux et paramédicaux, dans les écoles, les milieux sportifs, auprès des acteurs de loisirs extérieurs, mais aussi dans les écoles maternelles et primaires, dans tous les établissements de la région et dans les entreprises, les mairies et les collectivités. Cette dernière campagne a été accompagnée d’une grande mobilisation médiatique dans la presse régionale. • En 2008, notre travail a été orienté vers la prévention et l’information vis-à-vis des dangers des UVA à visée esthétique, avec une affiche spécifique, une charte d’information sur Internet (http//stopuva.free.fr)et un document destiné au ministère de la Santé pour obtenir la mise en place d’un texte de loi de 1997 (Décret n° 97/617 du 30 mai 1997). Pour la première fois, nous propulsons notre travail au niveau national avec mise en place d’un site http://www.asfoder.netouvert au grand public. • Depuis 2009, le message a été orienté vers le dépistage précoce des lésions à risque : « Surveillons et protégeons notre peau », sur le « bronzage et vieillissement passifs » (travaux, bricolages, sports, loisirs), puis sur la protection vestimentaire (« vêtements anti-UV spécifiques »)pour les enfants (et leurs parents) dans tous les lieux aquatiques extérieurs (piscines, clubs aquatiques). • Par la suite, nous avons réalisé une campagne de prévention solaire spécifique destinée à tous les professionnels de la région de Franche-Comté qui travaillent à l’extérieur (agriculteurs, paysagistes, agents des voiries, maçons, charpentiers couvreurs). Depuis, de nouvelles actions ont été proposées. Nous avons demandé aux enseignants du primaire de toute la région de travailler avec les enfants : Quatre phrases et 3 C pour protéger ta peau, initié une campagne « surveiller votre peau : tache, bouton, croûte » et proposé un texte de loi afin de mettre en place une taxe santé sur les séances d’UVA à but esthétique, une meilleure application des textes en vigueur (Décret N97 – 617 du 30 mai 1997 + Arrêté du 10 septembre 1997) et l’interdiction de la promotion des UVA tout en informant mieux les clients des dangers. Au début de la saison estivale, nous avons recommencé la campagne de sensibilisation pour favoriser le port de vêtements antiUV spécifiques dans tous les centres aquatiques externes de Franche-Comté et nous adressons un document de prévention aux vendeurs de piscines privées de la région pour favoriser le port de tels vêtements. • En 2015, avec le soutien du rectorat, nous reconduisions le travail régional dans toutes les écoles primaires de la région « Cinq phrases et 4 C pour protéger ta peau » Chapeau, Chemise, Crème et Communication. De plus, un travail spécifique est organisé avec les commerçants de Besançon pour la période du 21 juin ; Chapeau Besançon : mettre en vitrine des chapeaux et des ombrelles… et les serveurs se couvrent d’un chapeau.     Discussion – Réflexions et limites de notre travail régional   Plus de 10 ans plus tard, on ne peut conclure que les Franc-comtois sont plus vigilants, se protègent mieux et déclarent moins de cancer de la peau que les autres régions, car nous ne nous sommes pas encore donné les moyens d’analyser les résultats sur le terrain. Cependant, nous percevons une nette amélioration de l’accueil et de la réactivité de nos contacts : médecins généralistes, rectorat, médecins scolaires, médecin du travail, responsables sportifs, responsables politiques et enfin les journalistes de la presse écrite et audiovisuelle. La principale difficulté de ce travail répétitif bénévole est le risque « d’épuisement des troupes ». Il nous semble essentiel de revoir rapidement notre implication dans la prévention des cancers cutanés pour les générations futures. Les messages médiatiques (INPES chaque été) et la journée de dépistage n’ont qu’un effet éphémère. Un travail national avec des messages de prévention plus stricts et plus réguliers devrait rapidement être organisé. Pour en savoir plus, notre site : www.asfoder.net/site ou Google -> Asfoder.   Améliorer la prévention solaire et le dépistage précoce des cancers cutanés   Améliorer la prévention (prévention primaire)   • La prévention est fondamentale chez les enfants et les adolescents Il faut apprendre aux enfants à se protéger seuls toute l’année, pour toutes les activités extérieures. Seuls les vêtements adaptés, les chapeaux ou bob larges protègent efficacement. La crème solaire n’est qu’un complément. • La protection vestimentaire doit être indiquée pour tous, tous les jours et toute l’année Ce message de prévention doit insister sur une protection vestimentaire adaptée à chaque activité. Il faut adapter le message de prévention à chaque patient ou patiente. • Remettre à leur place les crèmes solaires Les crèmes solaires occupent une place dans la prévention primaire, mais elles sont appliquées en quantité insuffisante et ne sont pas assez renouvelées. Elles devraient être proposées comme un complément de la protection vestimentaire, d’autant qu’il n’est pas possible de demander à un travailleur extérieur de remettre de la crème toutes les 2 heures. • Le problème des cabines à UV à but esthétique Malgré les lois et les messages d’alerte de sociétés savantes, beaucoup trop de patients, et même de jeunes patients, fréquentent ces centres de bronzage artificiel. Les dermatologues doivent continuer à lutter contre ces centres et forcer nos politiques à les interdire en France. • Les messages médiatiques : améliorer les messages de prévention Beaucoup de campagnes média tiques de prévention ne ciblent que les vacanciers (du Sud) et seule la crème solaire ressort de ce message. Les dermatologues communiquent plus sur le dépistage et pas assez pour un message de protection vestimentaire pour tous.   Améliorer le dépistage précoce (prévention secondaire)   « Tout cancer cutané opéré précocement est guéri. » • Une meilleure formation au dépistage des médecins de familles et de tous les professionnels de santé (infirmiers, sages-femmes, kinésithérapeutes, podologues, pharmaciens). • Une campagne d’information pour favoriser l’auto-surveillance par les patients Il faut promouvoir cet auto-dépistage plusieurs fois par an (règle ABCDE pour les mélanomes).   Conclusion   Nous, dermatologues, devons rapidement nous interroger sur les différents axes à prendre pour permettre une meilleure information de nos patients et une meilleure prise en charge des cancers cutanés à un stade plus précoce et tous avoir un message de prévention plus strict.   Pour en savoir plus • Arnold M et al. Trends in incidence and predictions of cutaneous melanoma across Europe up to 2015. JEADV 2014 ; 9 : 1170-8. • www.e-cancer.fr/.../7708-la-situationdu-cancer-en-france-en-2011. • El Ghissassi F et al. WHO International Agency for Research on Cancer Monograph Working Group. A review of human carcinogens-part D: radiation. Lancet Oncol 2009 ; 10 : 751-2. • Lazovich D et al. Indoor tanning and risk of melanoma: a case control study in a highly exposed population. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2010 ; 19 : 1557-68. • Eisemann N et al. Non-melanoma skin cancer incidence and impact of skin cancer screening on incidence. J Invest Dermatol 2014 ; 134 : 43-50 . • Milon A et al. Estimating the contribution of occupational solar ultraviolet exposure to skin cancer. Br J Dermatol 2014 ; 170 : 157-64. • Van Landuyt H et al. La solaire attitude en Franche-Comté (2002-2009) : une campagne de prévention solaire régionale unique en France. Journées dermatologiques de Paris, 812 décembre 2009. • Grange F et al. The role of general practionners in diagnosis of cutaneous melanoma: a populationbased study in France; Br J Dermatol 2012 ; 167 : 1351-9. • Reinau D et al. Sun protective behaviour of vacationers spending holidays in the tropics and subtropics. Br J Dermatol 2014 ; 171 : 868-74. • Sattler U et al. Factors associated with sun protection compliance: results from a nationwide cross-sectional evaluation of 2215 patients from a dermatological consultation. Br J Dermatol 2014 ; 170 : 1327-35.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème