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Cas cliniques

Publié le 04 mai 2014Lecture 5 min

Vitiligo associé à un mélanome métastatique : à propos d'un cas

B. GUERROUJ, F. LAMCHAHAB, S. ABIL, K. SENOUCI, B. HASSAM, L. BENZEKRI, Service de dermatologie, CHU Ibn Sina, Rabat
Le vitiligo est une dermatose commune caractérisée par une dépigmentation fréquemment associée à des pathologies auto-immunes spécifiques d’organe. Son association avec le mélanome est bien connue, bien que la physiopathologie reste mal élucidée. Nous rapportons un cas de vitiligo dont la survenue était concomitante au développement de deux tumeurs du cuir chevelu. L’association vitiligo et mélanome est largement décrite, avec des incidences différentes selon les séries. L‘immunopathogenèse reste mal connue(1) ; l’apparition du vitiligo est généralement associée au traitement immunosuppresseur du mélanome métastatique, mais il peut survenir simultanément(2), indiquant la possibilité de mécanismes similaires dans la destruction des deux mélanocytes bénins et malins.
Observation Un patient de 76 ans était hospitalisé dans notre service pour deux tumeurs du cuir chevelu dont le début remontait à 8 mois. Le développement de la deuxième tumeur était concomitant à l’apparition de lésions achromiques 6 mois après l’apparition de la première tumeur. Le tout évoluait dans un contexte d’altération de l’état général et d’amaigrissement chiffré à 20 kg en 2 mois. L’examen clinique objectivait un patient cachectique pesant 54 kg pour une taille 1,75 m. L’examen dermatologique trouvait deux tumeurs du cuir chevelu (figure 1), une au niveau fronto-pariétal gauche mesurant 5 cm de grand axe de couleur érythémateuse de base étroite de consistance molle et indolore et une deuxième au niveau rétro-auriculaire gauche de couleur violacée, consistance molle, mesurant 12 cm de grand axe et prenant un aspect ulcéro-nécrotique par endroit.   Figure 1. Deux tumeurs, du cuir chevelu, diagnostiquées mélanomes à l'histologie. On notait également la présence de multiples taches hypochromiques au niveau du front, des mains et du tronc se rehaussant nettement en lumière de Wood (figure 2). Le reste de l’examen objectivait des adénopathies infracentimétriques au niveau cervical. L’étude histopathologique des biopsies des tumeurs ainsi que la peau environnante de la tumeur était en faveur d’un mélanome nodulaire avec un indice de Clarck à IV HMB 45 et Melan A très positifs. Le taux d’HDL était à 3 fois la valeur normale, et celui de la β2 microglobuline à 2 fois la valeur normale.   Figure 2. Taches hypochromiques du front, des mains et du tronc. Le bilan d’extension avait objectivé des adénopathies cervicales infracentimétriques à l’échographie, et des métastases surrénaliennes bilatérales à la tomodensitométrie. Le diagnostic retenu est celui de mélanome stade IV et une chimiothérapie à base de dacarbazine a été débutée, mais l’évolution a été marquée par le décès du patient un mois après la première séance.   Discussion Il existe différents types de troubles pigmentaires associés au mélanome : halo blanc autour de la lésion primaire ; zones blanches entremêlées avec le mélanome ; halo-nævus de Sutton ; patches achromiques situés dans la cicatrice de mélanome ou dans les points d’injection de l’immunothérapie ; et les lésions vitiligolike. Ces dernières diffèrent du vitiligo au plan épidémiologique par l’absence d’antécédents familiaux, et quelques conclusions douteuses clinico-pathologiques(3). Cette association vitiligo-mélanome est largement décrite. La prévalence du vitiligo chez les patients atteints de mélanome est de l’ordre de 3 à 6 % selon les séries, elle est 7 à 10 fois plus élevée chez les patients atteints de mélanome que dans la population générale(4). Cette incidence augmente en cas de mélanome métastatique (stade III) à 5-20 %(5). Le vitiligo suit généralement l’apparition des métastases mais peut être préexistant dans 1 % des cas(6). Le processus pathogénique impliqué dans cette association n’est pas complètement élucidé. Une réponse immunitaire dirigée contre les antigènes mélanocytaires exprimés par les cellules du mélanome et les mélanocytes normaux serait fort probable ; dans ce processus, les lymphocytes T CD8 peuvent avoir un rôle important car ils orientent la réponse immunitaire contre des antigènes mélanocytaires(7). Dans les modèles animaux, la vaccination avec des cellules de mélanome malin peut provoquer une dépigmentation de type vitiligo(8). Les anticorps dirigés contre les antigènes exprimés sur les cellules pigmentaires entraînent à la fois une régression tumorale et une perte de pigmentation. En effet, il existe dans ces deux pathologies des anticorps dirigés contre la TRP-2 (protéine 2 associée à la tyrosinase) et contre d’autres antigènes (MART-1, tyrosinase, gp100)(9). Certaines études ont montré que l’exposition des cellules tumorales aux sérums contenant les anticorps a entraîné une inhibition de la prolifération des cellules de mélanome in vitro et la régression des métastases du mélanome chez les souris, probablement en raison du taux élevé des anticorps anti-mélanome présents dans les sérums utilisés dans ces études(10). Malheureusement, in vivo, une telle réponse antitumorale est insuffisante pour provoquer la régression tumorale, qui hélas continue à proliférer. Certains essais cliniques avaient identifié une corrélation entre présence d’un vitiligo et de meilleurs résultats thérapeutiques chez les patients sous chimiothérapie pour mélanome métastatique(11). L’apparition du vitiligo en cas de mélanome est plutôt considérée comme un facteur de bon pronostic, signant le développement d’une réponse antitumorale(12). Pour les patients avec mélanome métastatique associé à un vitiligo généralisé, le taux de survie à une année est de 60 %, alors qu’il est de 30 % en absence de vitiligo(4).   Conclusion Certaines conditions telles que des ecchymoses, une mélanose généralisée, un melanuria, un ptosis, un phénomène de Raynaud ou une vascularite systémique ont été décrits comme de possibles signes annonciateurs de mélanome métastatique. De même, il a été suggéré que la dépigmentation type vitiligo est un signe d’alerte précoce de dissémination métastatique de mélanome imminente, mais aussi le signe d’une survie plus longue. Cette hypothèse ne s’est pas vérifiée chez notre patient.

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