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Cosmétologie, Esthétique

Publié le 03 juil 2012Lecture 10 min

Toxine botulique de type A, tentons d’y voir plus clair

J.-P. VIDAL-MICHEL, Marseille
Dans son article intitulé « Les différentes toxines botuliques et leurs spécificités », paru en 2009 dans les Annales de Dermatologie et de Vénéréologie, le Pr Claire Beylot parle d’«… études comparatives de qualité inégale, souvent sponsorisées et alors plus ou moins partiales, avec des ratios de conversion variables ne permettant pas toujours une comparaison objective » (1). Cet article a pour but, à travers une revue de la littérature, d’y voir un peu plus clair dans le monde des toxines botuliques utilisées en dermatologie.
Les toxines Trois toxines botuliques de type A sont à l’heure actuelle commercialisées sur le marché français. La difficulté de leur étude comparative tient au fait que, bien qu’issues de la même souche, leur formulation et leur mode de production sont différents. En 2010, la FDA(2) décide de définir ainsi les trois toxines de type A : – onabotulinumtoxin A pour Botox® et Vistabel® ; – abobotulinumtoxin A pour Dysport® et Azzalure® ; – incobotulinumtoxin A pour Xeomin® et Bocouture®. Quant à la toxine de type B, la FDA définit Myobloc® par le terme rimabobotulinumtoxin B. Cette terminologie, malgré son caractère imprononçable, a le mérite selon A. Albanese (3) de souligner le fait qu’il s’agit de produits totalement différents dans leurs formulations, leurs principes actifs et leurs excipients, et d’ouvrir ainsi la voie à la standardisation des moyens d’étude et d’analyse de leurs résultats. Pas d’équivalence dans les unités non interchangeables *HSA : human serum albumin Puissance et ratio inter-toxines Force est de constater que jusqu’à il y a encore peu de temps, régnait une confusion sur les ratios, car les unités entre les différentes toxines sont « non interchangeables », et les tests développés aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne ne sont ni standardisés ni équivalents entre eux.   Face à face Ipsen/Allergan Ainsi, pour les premières études dans les indications neurologiques et ophtalmologiques de Botox® (Allergan) et de Dysport® (Ipsen), avec les unités Allergan face aux unités Speywood, les ratios vont de 4/1, 5/1… jusqu’à 11/1(1). En effet, les tests de puissance anglais et américains diffèrent, et un test anglais sur du Botox® 100 U donne des valeurs allant de 270 à 360 unités LD 50, tandis qu’un test américain sur Dysport ® 500 donne des valeurs allant de 191 à 277 unités LD 50. Cela semble souligner une sousestimation de puissance avec le test américain et la nécessité de mettre en place un test unique. Ceci pourrait être dû à des artéfacts de dilution liés à l’excipient( 4,5). Concernant les indications en esthétique, le ratio idéal Unité Speywood/Unité Allergan semble être celui de 2,5/1. Il est confirmé par de nombreuses études(4,6-9). Par exemple, dans le cas de l’hyperhidrose palmaire, l’étude de A. Rystedt et coll.(10) sur différents ratios Botox®/Dysport® soulève l’intérêt à plusieurs titres. Elle montre qu’un faible ratio 1,5/1 est suffisant pour obtenir un résultat comparable, mais également que selon la dilution, l’efficacité des toxines varie, ce qui suggère que sécrétion sudorale et activité musculaire ne sont pas superposables.   Face à face Allergan/Merz D. Dressler (11) réalise en 2008 un test de puissance Merz sur 5 lots de Botox® et de Xeomin® et conclut à une puissance équivalente avec un ration de 1/1. G. Sattler et coll. (12), dans une étude multicentrique, randomisée en double aveugle sur 381 patients, arrive à la même conclusion, mais fait le choix d’utiliser 24 unités de toxine plutôt que les 20 habituelles pour le traitement de la glabelle. T. Hunt et K. Clarke (13) réalisent quant à eux un test de puissance LD 50 Allergan sur un faible échantillon de 3 flacons de Xeomin ® et trouvent des valeurs de 69,75 et 78 au lieu de 100. Ils concluent donc à un ratio de 1,25 à 1,50/1. Comment expliquent-ils cette différence ? Le test d’évaluation Merz est différent des tests utilisés par Ipsen et Allergan. Par ailleurs, la toxine Merz est nue, non protégée, et pourrait subir une dégradation à température ambiante, car les protéines protégeraient la toxine du choc thermique, de l’activité enzymatique et de l’influence du pH (13).   Durée d’action Le test communément choisi est celui de la durée de diminution des rides au froncement maximal après traitement de la glabelle (évaluation par investigateurs indépendants). Le test est significatif à 5 mois chez près de 17 % des patients traités par Azzalure® dans l’étude de F. Brandt et coll.(14) portant sur une cohorte de 158 patients. Un résultat identique est obtenu à 5 mois pour Allergan dans l’étude de Harii et Kawashima portant sur 183 patients(15). On ne dispose pas de résultats à 5 mois avec Bocouture®, mais de deux études à 3 mois : 66,7 % de résultats satisfaisants pour T. Rappl et coll.(15) chez 63 patients versus 61,9 % pour Botox® et 57,1 % pour Dysport® ; et 80,1 % de résultats satisfaisants pour Bocouture® versus 78,5 % obtenus avec Botox® dans l’étude de G. Sattler et coll.(12). Deux remarques : on peut regretter que les moyens d’évaluation des résultats dans ces études restent subjectifs et constater que ces résultats chutent dans des proportions importantes entre le 3e et le 5e mois. Cependant, en pratique courante, nombre de nos patients restent satisfaits audelà des 5 mois après plusieurs séances. Mais, concernant les indications esthétiques, il est vrai que les études à long terme manquent. Études comparatives d’efficacité et de durée Face à face Dysport®/Botox® Claire Beylot (1) a analysé 21 études comparatives Botox®/Dysport® de 1997 à 2009 ; 15 études, bien que de méthodologie acceptable, présentent des points critiquables. Dix sont sponsorisées (ou affiliation d’un auteur).  Figure 1. Points d’injection : glabelle, front, pattes d’oie et « bunny lines ». Cinq concernent les rides du visage, parmi lesquelles deux seulement lui paraissent de qualité suffisante : l’étude de P. Lowe et coll.(6), qui conclut à une efficacité de Botox® sensiblement supérieure dans la durée à celle de Dysport®, avec un ratio de 2,5/1 et une évaluation sur photos et scores cliniques ; et l’étude de S. Karsai et coll.(7), qui conclut à une efficacité et à une durée statistiquement supérieure de Dysport®, avec un ratio 3/1 (étude indépendante).   Face à face Vistabel®/Xeomin® Il existe une étude(16) randomisée, de faible puissance et criti quable quant à l’interprétation, portant sur 12 femmes. L’auteur analyse les contractions du muscle frontal à partir de l’ascension des sourcils après injection de 12 unités de chaque toxine par côté en double aveugle (ratio 1/1). Les résultats sont jugés sur photographies et avis des patientes. Il n’y a aucune différence pour les patientes. En revanche, sur l’analyse des photographies, l’auteur conclut qu’il existe un différentiel statistiquement significatif en faveur de Vistabel ®, avec une durée supérieure d’efficacité au-delà du 4e mois.   Diffusion Les informations délivrées par certains laboratoires et les études sur les halos, ainsi que l’utilisation de ratios trop élevés ou de dilutions excessives, portent à croire que la diffusion d’Azzalure® est supérieure à celle de Vistabel® ou de Bocouture®. Pourtant, dans la pratique courante, la plupart d’entre nous déterminent leurs points d’injection uniquement en fonction de l’anatomie statique (figures 1 et 2) et dynamique sans enregistrer d’effets secondaires notables. Toutefois, la littérature apporte-t-elle la réponse aux questions suivantes : la diffusion diffère-t-elle selon la toxine ? Est-elle proportionnelle aux ratio et volume d’injection ?   Figure 2. Points d’injection du bas du visage. Est-elle parallèle à l’efficacité de la toxine sur le muscle ?   Rôle de la neurotoxine Selon l’étude de J. Frevert (16), la neurotoxine A de 150 kDa issue des mêmes souches est identique dans les trois toxines commercialisées ; elle est pure pour Xeomin ®/Bocouture®. Il existe un certain pourcentage de neurotoxine inactivée ou dénaturée pour Vistabel ® et Azzalure®, mais la toxine elle-même ne peut jouer aucun rôle dans la diffusion.   Rôle des protéines annexes Les protéines annexes sont différentes selon les toxines. Elles sont constituées d’un complexe homogène avec un PM de 900 kDa pour Botox® et Vistabel®, ou d’un complexe hétérogène de masse moléculaire plus faible de 500 kDa pour Dysport® et Azzalure®. Selon la loi de Fick, le complexe hétérogène de poids moléculaire plus faible diffuserait davantage, mais cela ne pourrait expliquer une diffusion supérieure de la neurotoxine qu’à condition qu’elle reste liée au complexe protéique. Cette hypothèse émise par L.W. Cheng et coll.(17) est balayée par A. Pickett et coll. (Ipsen)(18), K. Wolhfarth et coll. (19) et K.H. Eisele et coll. (Merz)(20), qui affirment que le complexe se dissocie en moins d’une minute à pH physiologique et que pour cette raison, les protéines complexantes ne peuvent pas avoir d’influence sur la diffusion de la neurotoxine. La diffusion ne dépendrait que de la dose et du volume d’injection, autrement dit de la dilution.   Rôle du ratio et du volume d’injection A.R. Trindade de Almeida et coll. (sponsor Allergan)(21) ont étudié les halos d’anhidrose frontale par test de Minor après injections comparées de Dysport® et de Botox® avec différents ratios (2,5/1, 3/1 et 4/1). Ils constatent que les halos de Botox® sont moins larges que ceux de Dysport ®, et concluent à une efficacité supérieure de Botox® sur les muscles frontaux. Mais, D. Hexsel et coll. (sponsor Ipsen)(22) arrivent à la conclusion opposée : « La diffusion est équivalente dans le ratio 2,5/1, à condition d’utiliser le même volume, la même technique d’injection à la même profondeur, l’activité musculaire est alors la même et les halos équivalents ». Une étude est en cours (M. Kerscher, sponsor Merz) comparant les halos de diffusion des toxines Merz, Ipsen et Allergan chez 29 femmes. Les dilutions adoptées sont les suivantes : Xeomin 100 U/2,5 ml, Vistabel® 50 U/ 1,25 ml, Dysport® 500 U/5 ml. L’auteur conclut que la zone d’anhidrose maximale de Dysport® est nettement plus importante que celle de Vistabel® et de Xeomin®. Avec les trois toxines, l’anhidrose reste présente plus de 6 mois. Mais la dilution utilisée pour Dysport ® est le double de la dilution habituellement utilisée en dermatologie, ce qui va dans le sens d’une interdépendance diffusionvolume d’injection.   Cette interdépendance est confirmée par l’étude indépendante de G. Kranz (23) menée chez 18 patients, avec un ratio de 2/1, qui constate une efficacité comparable de Dysport® et de Botox®, avec une relation linéaire dosedilution et la conclusion que l’anhidrose augmente avec la dilution. Le volume injecté est donc le facteur important (tableaux 2, 3 et 4). La diffusion varie en fonction du dosage, du volume injecté ou de la technique d’injection. Cette étude confirmée, cela devrait mettre fin à beaucoup de discussions. Ces résultats pourraient intéresser le traitement de l’hyperhidrose en autorisant un ratio Dysport®/Botox® de 1,5/1 avec une efficacité persistante après 6 mois(10). Enfin, cela suggère que l’anhidrose n’est peutêtre pas parallèle à l’activité musculaire.   Rôle des anticorps Il existe deux types d’anticorps : ceux dirigés contre la neurotoxine elle-même et ceux dirigés contre les complexes protéiques. Ces derniers, appelés anticorps non neutralisants, ne jouent aucun rôle en raison de la séparation rapide neurotoxine-protéines complexantes dès l’injection, voire dès la reconstitution(19). Les anticorps anti-neurotoxine peuvent neutraliser l’action thérapeutique, mais cela peut se produire avec toutes les toxines A. Cette situation est rare, elle s’observe dans 1 à 5 % des cas en thérapeutique ; elle est anecdotique selon l’étude de P. Krystkkowiak(24). Elle n’est pas décrite en esthétique, car les doses utilisées sont très basses, et à condition que l’on respecte un délai de 3 mois entre les injections(25). Conclusion L’analyse de la bibliographie conjuguée à une expérience personnelle de plus de 10 ans nous autorisent à penser que : – le ratio 2,5/1 pour Vistabel®/ Azzalure® est le bon ratio dans l’indication du traitement des rides, alors que celui de 1,5/1 paraît le bon ratio pour le traitement de l’hyperhidrose ; – le ratio 1/1 pour Vistabel®/ Bocouture® paraît le bon, mais demande confirmation en raison du manque de recul ; – les points d’injection restent les mêmes quelle que soit la toxine ; – le dosage de la toxine, le volume injecté et la technique d’injection déterminent sa diffusion ; – le risque de voir apparaître en usage esthétique des anticorps bloquants est négligeable. Toutefois, il serait souhaitable qu’à la suite de la FDA, les fabricants utilisent à l’avenir pour leurs études de puissance un test unique avec le même diluant agréé et qu’ils favorisent des études sans conflit d’intérêts.

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