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Allergologie

Publié le 24 juin 2012Lecture 8 min

Docteur, je suis allergique à l’iode !

M. VIGAN, Département de dermatologie, UF Allergologie, hôpital Saint-Jacques, CHU de Besançon
Un grand nombre de patients se déclarent « allergiques à l’iode ». L’allergie de type immédiat à l’iode n’existe pas. Un patient qui présente une réaction à un produit de contraste ou à un produit iodé doit bénéficier d’une enquête allergologique : il n’est pas allergique « aux » produits de contraste, mais à un produit précis.
Figure 1. Histoire d’anaphylaxie avec un produit de contraste. Le test positif à ce produit de contraste signifie l’allergie à ce produit et à ceux qui ont donné des tests positifs lors du bilan. C’est ce qui doit être noté sur le dossier. Le nom des produits ayant donné des tests négatifs doit être aussi noté : ils sont potentiellement utilisables.   L’apparition du dossier médical partagé doit accroître la vigilance de chacun sur les diagnostics portés. Une affirmation déclaratoire faite par un patient ne doit pas être notée en diagnostic sans fondement médical : cela peut avoir des conséquences importantes pour le patient, sa prise en charge peut être inadaptée, il peut y avoir perte de chance. Il faut toujours envisager une possible discordance entre la déclaration du patient et la réalité médicale. Un diagnostic inadapté noté sans être vérifié est souvent un handicap réel pour le patient. Un exemple de diagnostic inadapté est « l’allergie à l’iode ». En effet, un grand nombre de malades se déclarent « allergiques à l’iode ». Or, pour un patient qui n’a eu aucune prise en charge en allergologie, le terme « allergie » n’a pas un sens médical de réaction de type IgE-médiée avec risque anaphylactique, mais c’est un mot à la mode pour désigner tout type de réaction. Par ailleurs, le terme « allergie à l’iode » recouvre, pour le public, des réactions aux poissons ou crustacés, des réactions aux antiseptiques iodés et/ou des réactions aux produits de contraste. Enfin, cette déclaration n’est parfois que le reflet d’un terrain psychologique particulièrement vulnérable à l’angoisse. Or, l’allergie de type immédiat à l’iode n’existe pas (1) : l’iode est un oligoélément que nous consommons quotidiennement dans le sel, il n’y a pas de cas publiés d’anaphylaxie à l’iode 131, ou au lugol utilisé pour les explorations de la thyroïde, ni de cas décrits d’urticaire aéroportée en bords de mer, zones réputées pour leur atmosphère iodée. Plus qu’une gêne à la préservation de la thyroïde lors d’éventuelles catastrophes nucléaires, la pseudo-allergie à l’iode crée des difficultés de prise en charge pour les explorations radiologiques en urgence ou programmées. L’allergie de type immédiat à l’iode n’existe pas.   Les réactions allergiques aux produits de contraste ne sont pas des « allergies à l’iode » Il existe des réactions aux produits de contraste, et elles peuvent avoir des conséquences dramatiques. Tous les produits de contraste ne contiennent pas d’iode (gadolinium, Sonovue®). Cependant, tous ont pu être imputés lors de réactions d’anaphylaxie (2,3). Par ailleurs, toute réaction pendant un examen radiologique n’est pas une réaction allergique (4) (tableau 1) ; les réactions cliniques les plus graves (niveau 2 ou 4 de Ring et Messmer) sont les plus suspectes (5) (tableau 2). Une réaction allergique à un produit de contraste, iodé ou non, est spécifique, c’est-à-dire qu’elle concerne un produit précis ; elle peut être confirmée par des tests cutanés, on ne peut alors pas parler de réaction allergique « aux » produits de contraste, mais de réaction allergique à tel ou tel produit. Cela permet d’envisager l’utilisation d’autres produits à tests négatifs ; par exemple, en cas de réaction allergique à un produit de contraste iodé avec test cutané positif (figure 1), l’évaluation de la réactivité aux autres produits de contraste iodés montre que certains ont aussi une réactivité et d’autres pas, alors que tous contiennent de l’iode. En effet, l’épitope réactif n’est pas l’iode mais une autre partie de la molécule chimique ; les produits de contraste à tests négatifs dans ce cas peuvent être utilisés. Les réactions allergiques à un produit de contraste sont potentiellement létales(6) (tableau 3), d’où la nécessité de la signaler sur le dossier, si et seulement si elle est prouvée. Pourquoi seulement si ? Parce qu’un examen radiologique non fait sur un simple principe de précaution est une perte de chance pour le patient. Il faut donc, lorsqu’un patient déclare avoir fait une réaction pendant ou au décours d’un examen radiologique, que cette déclaration soit faite dans un cabinet libéral de dermatologue, de médecine générale ou autre, ou dans un service hospitalier d’urgence ou non, et faire une enquête (tableau 4) : – pour savoir s’il y a réellement eu injection de produit de contraste, quel était le nom de ce produit éventuel, et s’il y a eu un dosage de tryptase ; – pour connaître quelle était la symptomatologie, l’existence ou non d’une enquête allergologique et son résultat par écrit. Cette enquête est indispensable avant de noter sur le dossier du patient, non pas « allergie à l’iode », non-sens médical, mais allergie à tel produit de contraste. Cela met en évidence le rôle primordial des professionnels de santé présents au moment de la réaction (tableau 5) : de la prise en charge initiale dépend la qualité de l’enquête ultérieure, du diagnostic et du futur du patient. Un examen radiologique non fait par simple principe de précaution peut être une perte de chance pour le patient. Les réactions allergiques aux animaux qui vivent dans la mer ne sont pas des « allergies à l’iode » Par ailleurs, des patients se déclarent « allergiques à l’iode » car ils réagissent au poisson ou aux fruits de mer, et tout le monde sait que la mer est « iodée ». Ils doivent bénéficier, de même, d’une enquête allergologique avant de noter sur leur dossier « allergique à tel poisson ou à tel fruit de mer ou tel crustacé ». Il peut en effet arriver, même dans une histoire qui semble évidente, que l’allergène ne soit pas l’aliment mais un contaminant (anisakis du poisson par exemple). L’allergie au poisson est due non pas à l’iode mais à des protéines spécifiques de ces animaux. L’allergie au poisson est due non pas à l’iode mais à des protéines spécifiques de ces animaux. Les réactions allergiques aux antiseptiques iodés ne sont pas des « allergies à l’iode »   Certains patients, impressionnés par la belle couleur « iodée » du produit, disent être allergiques à l’iode car ils auraient fait des réactions à un antiseptique iodé. La plupart des réactions allergiques à ces antiseptiques sont de type retardé, il est donc très important de bien faire préciser la symptomatologie de la réaction : les réactions de type retardé durent plusieurs jours et elles sont suivies, au moment de la résolution des troubles, d’un aspect desséché de la peau atteinte. Ces réactions allergiques sont le plus souvent attribuées aux nonoxynols ou à la povidone ; elles peuvent être mises en évidence par des patchtests ou des ROAT (Repeated Open Application Test). Si une réaction de type IV est ainsi prouvée, la note « allergie de type IV à tel antiseptique iodé » doit être portée sur le dossier. Des cas exceptionnels de réaction immédiate à la povidone iodée ont été décrits (7-9). Si la symptomatologie (signes d’apparition immédiate, éruption de type urticaire aiguë, résolutive avec restitutio ad integrum, anaphylaxie) est évocatrice d’une telle réaction, l’enquête allergologique est primordiale. La réaction est à attribuer à l’antiseptique responsable et d’éventuelles allergies croisées dépistées. À noter que le Telebrix Hystero® contient de la povidone.   En pratique, on retiendra  L’allergie à l’iode n’existe pas, elle ne doit jamais apparaître dans un dossier médical, d’autant qu’avec l’informatique, tout diagnostic, même erroné, a un impact potentiel sur la prise en charge du patient avec risque de perte de chance.  Toute déclaration d’allergie faite par un patient doit être analysée par le professionnel de santé et ne peut en aucun cas être considérée a priori comme une certitude. L’interrogatoire précis est souvent suffisant pour se faire une idée et poser ou non une indication de bilan allergologique.  Le problème de l’« allergie à l’iode » met en évidence le danger qu’il peut y avoir à globaliser en matière d’allergie : on n’est pas allergique aux produits de contraste, mais à un produit précis.  En cas de réaction, il faut préciser la nature allergique de la réaction par l’enquête allergologique ; si cette réaction est prouvée, des produits de substitution à tests négatifs pourront être déterminés.  L’information exacte du patient doit se faire à tout moment de manière que des incertitudes diagnostiques ne pèsent pas sur sa prise en charge ultérieure.  La personne qui fait une déclaration d’allergie à l’iode n’a pas plus de problème qu’une autre en cas d’accident nucléaire : l’allergie à l’iode n’existe pas.

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