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Infectiologie

Publié le 07 mar 2024Lecture 5 min

Maculo-papules érythémateuses et prurigineuses : la faute aux punaises de lit ?

Stéphanie ABOU-MRAD, Paris

Les punaises sont des ectoparasites de l'ordre des hémiptères et de la famille Cimicidae. Cette famille se divise en 6 sous-familles et une centaine d'espèces(1). Trois d'entre elles sont impliquées dans les piqûres d'êtres humains et sont appelées "punaises de lit". La plus commune est le Cimex lectularius (dérivé du terme latin lectus pour "lit"), localisée dans les pays tempérés(2). S'ensuivent le Cimex hemipterus (demi-aile) actif dans les régions tropicales et le Leptocimex boueti présent en Afrique de l'Ouest.

Disparues des pays développés dans les années 1950 grâce au recours massif aux insecticides et à une amélioration de l’hygiène de vie, les punaises de lit ont progressivement refait surface dans les années 1990. Leur réapparition est liée d’une part au développement d’une résistance aux insecticides, dont l’utilisation est de plus en plus en baisse, et d’autre part à la mondialisation et à l’essor des échanges internationaux, du tourisme et de mouvements de population(1,4). Ces derniers temps, les punaises de lit ont migré en dehors de leurs zones de confort, notamment le C. hemipterus qui s’est propagé vers d’autres continents et pays tels que la France(5). Dans une étude publiée par l’INSERM en 2020, 72 000 consultations réalisées d’avril 2019 à mars 2020 étaient liées à un motif de punaises de lit. Une forte dégradation de l’état psychologique était observée chez ces patients dont 39 % souffraient d’insomnie. Un impact sur la vie professionnelle, familiale ou sociale était également relevé chez 39 % des patients(6). Plus surprenant, entre 2017 et 2022, plus d’un foyer sur dix a été infesté(4). CYCLE DE LA PUNAISE (Figure 1) Figure 1. Cycle de la vie d’une punaise de lit(1,5).   Une femelle pond entre 5 et 15 œufs par jour. Ces derniers sont peu sensibles aux insecticides. Chaque œuf passe par 5 étapes de maturation, à commencer par le stade larvaire. Chaque stade dure entre 3 et 15 jours, et nécessite obligatoirement un repas sanguin préalable(1). La punaise de lit, initialement de couleur claire, fonce du marron au pourpre et s’aplatit à l’âge adulte. Cette caractéristique claire rend sa détection plus difficile avant sa maturation. Cette coloration est ac- centuée après les repas(1). Les femelles se distinguent par une forme plus ronde et les mâles par une forme plus allongée(1,7). Leur taille est de 4 à 7 mm, et leur espérance de vie de 4 à 6 mois(1). Au total, une femelle peut pondre jusqu’à 500 œufs. Ces insectes ont un très fort taux de reproduction, supérieur au taux nécessaire pour la fécondation(1).   PUNAISE HÉMATOPHAGE ET RISQUE D’ANÉMIE   Exclusivement hématophages(2), ces insectes sont vivent à proximité de leur hôte. Les punaises sont également solénophages, caractéristique des insectes qui utilisent un stylet mandibulaire et maxillaire très fin pour piquer à travers la peau jusque dans la lumière d’un vaisseau sanguin. Le repas dure de10 à 20 minutes, et se produit surtout la nuit lors de l’inertie de l’hôte. L’aspiration sanguine est facilitée par des propriétés anti-coagulantes présentes dans la salive du parasite(1). Il a été observé que les punaises de lit femelles se nourrissent approximativement tous les 2,5 jours, dans une pièce infestée à température ambiante d’environ 26 °C(8). Cette fréquence n’est pas négligeable, notamment en cas d’infestation massive par laquelle l’être humain peut être quotidiennement exposé à des centaines voire à des milliers de piqûres(2). Dans les cas extrêmes, la punaise de lit peut résister sans se nourrir durant plusieurs mois jusqu’à 2 ans(1). À chaque repas est absorbé 1,5 à 5,3 mcL de sang(2). Dans une étude cas-témoins publiée en 2020, Sheele et coll. ont démontré que les 332 patients infestés par des punaises de lit avaient une anémie significativement plus sévère que les 4952 patients-contrôles, sans pour autant avoir mis en évidence une carence martiale(2). Cette anémie concernait surtout des patients touchés par des infestations massives. Ce petit parasite peut lui-même être l’hôte de plus de 40 agents pathogènes, dont la bartonellose, la coxiellose, l’aspergillose, l’hépatite B ou encore le VIH. Cependant, aucune preuve scientifique n’a jusqu’à ce jour démontré le rôle du parasite dans la trans- mission de ces pathogènes aux êtres humains. Il n’est donc pas vecteur de pathologie grave(4,7,9), contrairement aux Reduviidae, cousins d’une autre famille de punaise hématophage, vecteurs de la maladie de Chagas Trypanosoma cruzi sur le continent sud-américain(1, 9).   ANAMNÈSE, ÉLÉMENT CRUCIAL   L’anamnèse est importante, et aucune classe socio-économique n’a la garantie d’être épargnée(1,4). Certains éléments doivent être absolument recherchés, comme dans tout interrogatoire lors d’une suspicion d’ectoparasitose : la notion d’un voyage récent, une nouvelle acquisition de meubles, le séjour récent en dehors du domicile ou l’accueil d’une tierce personne, et un déménagement. La notion d’un prurit dans l’entourage peut également aider au diagnostic. Il est à noter que certains mobiliers, matelas ou objets contaminés ne sont pas correctement éliminés des foyers infestés et se retrouvent vendus dans des vide-greniers ou laissés dans la rue(1).   DIAGNOSTIC CLINIQUE   Caractéristique Cliniquement, la piqûre de punaise de lit peut être différente d’une personne à une autre, et n’est pas associée à des symptômes systémiques. L’éruption la plus classique est constituée de maculopapules érythémateuses de quelques millimètres à 5 cm de diamètre(1), mais des réactions plus importantes ou plus étendues sont également observées telles que des lésions vésico-bulleuses, voire des placards purpuriques ou hémorragiques(1,7,10). Il est observé également un point hémorragique central ou une vésicule correspondant au point de piqûre, similaire à celui de tout arthropode(1,10). L’éruption est très prurigineuse mais non douloureuse(10).   Topographie Les piqûres de punaise, souvent multiples, suivent une distribution linéaire, curviligne, ou confluente dans des zones exposées(3,10), le plus souvent les mains, les bras et le visage(3). Le « signe de la paupière », consistant en une ou plusieurs papules ou un œdème érythémateux de la paupière supérieure, est très évocateur(7,10). Les membres inférieurs peu- vent être concernés mais sont le plus souvent atteints par les piqûres de puces de lit, dont la traduction clinique peut être similaire à celle des punaises de lit(1). Il n’existe pas d’outil diagnostique hormis la sémiologie clinique et la mise en évidence d’une infestation.   ÉRADICATION DES PUNAISES DE LIT   Les punaises de lit ont tendance à s’agréger afin de maintenir un certain taux d’humidité favorable à leur survie. Nocturnes et photophobes, elles vivent dans des zones sombres et peu accessibles(1,4). La lutte mécanique, démarche indispensable, constitue le moyen le plus efficace lors d’une infestation, et peut être appliquée par les habitants du foyer contaminé(1,11). Les étapes pour réussir ce processus sont décrites dans la figure 2. La lutte chimique doit être réservée aux professionnels en cas d’échec de la première méthode, et doit systématiquement être associée à une élimination manuelle. Une fumigation générale sans déplacement des meubles n’est pas efficace, étant donné que les punaises de lit se cachent dans des zones difficilement accessibles(1,11).   Figure 2. Conseils pour une lutte mécanique réussie(1,11).   Ce qu'il faut retenir   • En recrudescence depuis les années 1990, la punaise de lit peut concerner toutes les classes socio-économiques. • L’espèce la plus commune est C. lectularius. Hématophage, ce parasite a pour principale source de repas l’être humain et procède par piqûres indolores la nuit. • Les piqûres se caractérisent par leur distribution et leur aspect maculo-papuleux érythémateux très prurigineux. • La lutte mécanique est le moyen le plus efficace pour les éliminer, et les autres méthodes de lutte doivent toujours inclure une élimination manuelle. • L’impact sur différents domaines de la vie ne doit pas être négligé.

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