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Allergologie

Publié le 10 juil 2023Lecture 6 min

Désordres mastocytaires : conséquences pratiques en allergologie

Catherine FABER, Saint-Mandé

La tryptase est produite quasi exclusivement par les mastocytes et la tryptase sérique basale reflète la masse et/ou l’activation de ces cellules. Les diagnostics associés à une élévation de la tryptasémie incluent la mastocytose systémique et le syndrome d’activation mastocytaire (SAMA) clonal, ainsi que l’hyper alpha-tryptasémie héréditaire (H alpha T : Hereditary alpha-Tryptasemia) qui prédispose aux maladies mastocytaires.

Les désordres mastocytaires se manifestent cliniquement par des symptômes « chroniques » peu intenses, liés à la dégranulation mastocytaire, multisystémiques (cutanés, respiratoires, neurologiques, cardiovasculaire, digestifs) et des symptômes « aigus » (réactions anaphylactiques). Les consultations d’allergologie concernent généralement des patients présentant une forme indolente de mastocytose. Des multiples facteurs pouvant favoriser l’activation mastocytaire ont été décrits(1).   MASTOCYTOSE ET ANAPHYLAXIE Chez l’adulte atteint de mastocytose, l’incidence de l’anaphylaxie va de 20 à 49 % selon les études(2). Elle est plus élevée que chez l’enfant (9 %). On retrouve une mutation du c-kit chez 5 % des patients qui ont présenté une réaction anaphylactique de grade IV quel que soit le niveau de tryptase sérique basale (TSB)(3). Il a également été établi que l’atteinte cutanée modifie l’expression du phénotype de l’anaphylaxie(2). Chez l’adulte, cette dernière est plus fréquente en cas de mastocytose systémique (56 %) qu’en cas de mastocytose cutanée (15 %) et est corrélée à l’absence de lésions cutanées pigmentées, alors que, chez l’enfant, elle apparaît uniquement en cas d’atteinte cutanée extensive. Près de la moitié des réactions sont sévères (48 %) et 38 % entraînent une perte de connaissance. Les venins d’hyménoptères constituent le principal déclencheur d’anaphylaxie dans la mastocytose (19 %), suivis par les aliments (16 %) et les médicaments (9 %). Plus d’un quart des réactions anaphylactiques (26 %) se produisent après la combinaison de déclencheurs et de cofacteurs. L’anaphylaxie au venin d’hyménoptère (AVH) a une présentation clinique spécifique avec peu ou pas de symptômes cutanés. Un désordre mastocytaire est retrouvé chez 21,3 % des patients ayant eu une AVH de grade IV avec hypotension et perte de connaissance versus 3,1 % dans les grades I-III. En pratique, l’AVH nécessite un bilan de désordre mastocytaire clonal (DMC) quel que soit le niveau de TSB(1,4,5). Le bilan allergologique est identique à celui effectué chez un patient « standard » avec peut-être un cut off un peu plus bas pour les IgE spécifiques (< 0,1 kUAL). L’AVH est une indication d’immunothérapie spécifique (ITS) à vie qui peut être réalisée sous prémédication antihistaminique. Si la réaction systémique persiste malgré l’adaptation du protocole, on peut proposer l’omalizumab. Les patients, y compris ceux sous ITS, devront garder une trousse d’urgence avec stylo auto-injecteur d’adrénaline. Il y a très peu de données sur la relation entre la mastocytose et l’anaphylaxie médicamenteuse. Les AINS, les drogues anesthésiques et les PCI sont les principaux médicaments et agents exogènes responsables de réactions anaphylactiques sévères, voire létales dans les désordres mastocytaires(5-7). Classiquement, les AINS coxibs sont contre-indiqués dans lamastocytose. Cependant, certaines études de cohorte ont rapporté une tolérance de, respectivement, 87 et 91 % dans les populations adulte et pédiatrique avec mastocytose systémique. Un algorithme de prise en charge a été proposé pour permettre une ouverture sécuritaire de cette classe médicamenteuse. Pour le risque anesthésique, les seules données disponibles sont informelles. Elles montrent que l’incidence de l’anaphylaxie péri-opératoire est plus élevée chez les patients avec mastocytose que dans la population générale (0,4 % vs 1/10 000 à 1/20 000). La conduite à tenir reste à déterminer. On ne réalise pas de tests préventifs. Il faut éviter les facteurs de risque de dégranulation mastocytaire et privilégier les drogues anesthésiques les moins histaminolibératrices ou connues comme tolérées par le patient. À noter que la mastocytose n’est pas une contreindication à la vaccination, y compris avec les vaccins à ARNm, hormis les précautions pour les vaccins vivants en cas de traitement de fond par cladribine(8). L’allergie à l’oeuf et/ou au poulet en reste une pour certains vaccins et nécessite l’avis d’un centre de vaccination spécialisé. En ce qui concerne l’anaphylaxie aux PCI, la littérature comporte beaucoup de cas cliniques et peu de réelles études de cohorte(5,6). Elle fait état d’une prévalence de 2,5 %. Les réactions sont rares dans la mastocytose indolente, plus fréquentes dans la mastocytose systémique avancée. La prise en charge préventive repose sur la prémédication s’il y a un antécédent de réaction d’hypersensibilité, et discutée au cas par cas dans la situation contraire. Par ailleurs, la prévalence de la sensibilisation aux aliments n’est pas modifiée dans les DMC par rapport à la population générale(2,5,9). Les réactions anaphylactiques sont moins sévères qu’avec le venin d’hyménoptère. Un déclencheur alimentaire est identifié dans 6 à 24 % des anaphylaxies dans la mastocytose systémique selon les études et le sous-type de la maladie. Les réactions d’hypersensibilité non IgE aux aliments histaminolibérateurs sont plus fréquentes dans les DMC que dans la population générale. Enfin, l’anaphylaxie idiopathique concerne 31 % des patients avec mastocytose systémique et 49 % des patients avec mastocytose systémique indolente (prévalence estimée à 5 % en population générale)( 5,10). Une pathologie mastocytaire clonale doit donc être recherchée dans ce type d’anaphylaxie.   H ALPHA T, ANAPHYLAXIE ET DÉSORDRES MASTOCYTAIRES ASSOCIÉS L’H alpha T est le premier trait génétique rapporté dans la littérature comme étant responsable d’une modification du phénotype mastocytaire avec une augmentation de la sécrétion de TSB et de la sévérité des anaphylaxies. Elle est caractérisée par une TSB > 8 ng/mL et un spectre large de symptômes cliniques, mais 33 % des patients sont asymptomatiques(11). Il existe une corrélation entre le nombre de copies du gène TPSAB1 (qui code pour l’alpha-tryptase), le niveau de TSB et l’intensité des symptômes(11,12). La relation entre H alpha T et anaphylaxie est incomplètement élucidée. On a constaté que 20 % des patients avec AVH ont une H alpha T hors désordre mastocytaire et que la prévalence de l’AVH sévère est augmentée chez les patients avec H alpha T (57 % de grade IV vs 37 % dans la population générale)(5). De même, cette condition génétique est associée à une augmentation de la prévalence de l’anaphylaxie idiopathique (dans 100 % des cas si la TSB > 11,4 ng/mL). Une association avec l’anaphylaxie alimentaire a été mise en évidence chez les enfants dont la TSB est ≥ 11,4 ng/mL, mais il n’y a pas d’étude spécifique sur l’H alpha T. La prévalence de l’H alpha T est plus importante chez les patients avec mastocytose que dans la population générale (15-20 % vs 5 %). L’association de ces deux désordres mastocytaires augmente à la fois le niveau de TSB et, par conséquent, la sévérité des symptômes de dégranulation mastocytaire, et la prévalence de l’anaphylaxie sévère (35 % vs 11 % dans la mastocytose systémique). La question d’une modification du suivi des patients avec mastocytose et H T reste pour l’instant sans réponse. Il est toutefois évident que ceux qui présentent la triade mastocytose, H alpha T et AVH doivent bénéficier d’une surveillance très étroite, car ils sont à haut risque d’anaphylaxie prélétale et létale. Quant à la relation H alpha T et SAMA, elle est encore mal connue. L’H alpha T serait un déclencheur partiel d’activation mastocytaire et donc un inducteur incomplet favorisant le développement du SAMA. La prise en charge de l’H alpha T, pour laquelle il n’y a pas de recommandations spécifiques, est similaire à celle des désordres mastocytaires ciblant l’activation mastocytaire, la libération et les effets des médiateurs mastocytaires. Les venins d’hyménoptères constituent le principal déclencheur d’anaphylaxie dans la mastocytose.

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