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Dermatologie générale

Publié le 05 avr 2023Lecture 9 min

La rosacée

Mouna KOURDA - Hôpital Razi, La Manouba, Tunisie

La rosacée est une dermatose inflammatoire chronique qui affecte la partie centrale et convexe du visage : les joues, le nez, le front ainsi que les yeux. Les lésions cutanées comprennent un érythème facial persistant, des papules, des pustules, des télangiectasies, des flushs avec atteinte oculaire et dans les formes sévères un rhinophyma. Son évolution est caractérisée par des rémissions et des exacerbations. La rosacée retentit de façon importante sur le psychisme et sur la qualité de vie.

Ces dernières années, la rosacée a connu un regain d’intérêt dû aux nouveautés concernant l’épidémiologie, la physiopathologie, la classification ainsi que les traitements. La nouvelle classification en phénotypes permet un traitement personnalisé et plus adapté pour chaque patient. Une meilleure compréhension de sa physiopathologie a permis le développement de nouveaux traitements et une révision des anciens traitements pour de nouvelles formulations et de nouvelles associations.    ÉPIDÉMIOLOGIE La rosacée survient fréquemment après l’âge de 30 ans, avec un pic à 50 ans, mais elle peut apparaître à tout âge. Sa prévalence varie de 1 à 20 % selon les séries. Dans une étude récente, elle a été estimée à 5,5 % chez les adultes. Elle prédomine chez les femmes, mais les formes les plus sévères (rhinophyma) sont l’apanage des hommes. Dans des études plus récentes, la prévalence calculée était comparable pour les deux sexes. Classiquement, la rosacée touche les sujets à peau claire, les Celtes et les sujets originaires d’Europe du Nord, mais récemment il s’est avéré que les sujets à phototype foncé sont aussi atteints. Chez ces derniers, le diagnostic de rosacée est difficile, car reconnaître un érythème sur peau foncée est délicat. De nombreuses comorbidités ont été décrites associées à la rosacée : des facteurs de risque cardiovasculaires, des maladies gastro-intestinales, notamment des MICI, des maladies neurologiques, auto-immunes ou psychiatriques ainsi que des cancers cutanés ou viscéraux, et des migraines chez les femmes.   PHYSIOPATHOLOGIE De nombreuses avancées ont concerné la compréhension de la physiopathologie de la rosacée. Ces progrès sont très importants pour une meilleure prise en charge thérapeutique et pour la recherche de nouveaux traitements. Cette physiopathologie est complexe, car elle fait intervenir de nombreux mécanismes qui interagissent. Cependant, et jusqu’à aujourd’hui, tous ces mécanismes ne sont pas clairement et totalement élucidés. Ils comprennent des facteurs génétiques, immunologiques, neuro-cutanés ou neuro-vasculaires ainsi que les micro-organismes et des facteurs environnementaux (schémas 1 et 2).   Des facteurs génétiques Au cours de la rosacée, des antécédents familiaux sont retrouvés dans 30 à 40 % des cas. Une plus grande sévérité a été constatée chez les jeunes jumeaux homozygotes que chez les jumeaux hétérozygotes. La susceptibilité génétique est liée à des polymorphismes nu-cléotidiques des gènes associés au complexe majeur d’histocompatibilité.   Une dérégulation immunitaire innée et adaptative La dérégulation immunitaire innée – déclenchée par les Demodex et par diverses bactéries, dont le Bacillus Oleronius et le Staphylococcus epidermidis – provoque une augmentation de l’expression des récepteurs TLR2 et PAR2. Ceux-ci entraînent l’expression de peptides antimicrobiens : la cathélicidine qui est ensuite activée en LL-37 par la kallicréine 5 (KLK5). Le LL-37 a une action antimicrobienne, immunitaire et angiogène. Il est secrété par les mastocytes, active les chimiokines, la dégranulation cellulaire et la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (IL6, MMP9). L’injection de LL-37 à des souris entraîne l’apparition d’érythème, de flushs et de télangiectasies. Les MMP produits par les UV et par le LL-37 activent la KLK5 et le LL-37, d’où une amplification des phénomènes inflammatoires. TLR2 active l’inflammasome, notamment le NLRP3, conduisant à la formation de pustules, à l’apparition de la douleur et à l’hyperactivité vasculaire par l’IF1􀀀 , le TNF􀀀  et la prostaglandine E2. Par ailleurs, l’expression du TLR2 provoque l’apparition d’un érythème, de télangiectasies et d’une inflammation via les cytokines, les chimiokines, les protéases et les facteurs angiogéniques. L’activation des PAR2 induit une inflammation, un prurit, une douleur qui sont associés au recrutement des lymphocytes T et des neutrophiles, à la dégranulation des mastocytes et à la libération des chimiokines, des cytokines et des prostaglandines. La dérégulation de l’immunité adaptative entraîne l’augmentation des lymphocytes TH1 et TH17 ainsi que leur médiateur pro-inflammatoire.   Des mécanismes neuro-cutanés Ils sont déclenchés par les changements de température, les UV, les aliments épicés et l’alcool. Ils induisent l’expression des récepteurs TRP ankyrine et vanilloïde qui conduisent à la libération des neuropeptides vasoactifs (substance P, peptide activant l’adénylate cyclase hypophysaire et peptide lié au gène de la calcitonine). Les TRP sont exprimés à la surface des cellules nerveuses, mais aussi sur les kératinocytes et les cellules endothéliales. Les nerfs sensoriels expriment également les TLR2 et les PAR2 entraînant la cascade inflammatoire.   Le rôle des UV Les UVA augmentent la sécrétion des MMP et altèrent le collagène ; les UVB, celle des FGF2 et VEGF2. L’augmentation du stress oxydatif par les UV favorise l’augmentation des médiateurs pro-inflammatoires par les kératinocytes et les fibroblastes. Aussi le stress oxydatif augmente l’expression des récepteurs TLR2, d’où une amplification de la cascade inflammatoire.   CLASSIFICATION La rosacée a connu de nombreuses classifications, dont celle, ancienne, de Grosshans qui la classe en 4 stades : – stade1 : bouffées vasomotrices ; – stade 2 : érythro-couperose ; – stade 3 : papulo-pustules ; – stade 4 : rhinophyma. En 2002, le National Rosacea Society reconnaît 4 sous-types : – sous-type 1 : rosacée érythémato-télangiectasique ; – sous-type 2 : rosacée papulopustuleuse ; – sous-type 3 : phyma ; – sous-type 4 : rosacée oculaire. La classification en stades suppose la progression de l’un à l’autre, ce qui ne correspond pas à la réalité. Le patient peut entrer par n’importe quel stade sans évoluer vers un autre, ainsi est-il préférable de parler de sous-types. En 2017, la Société nationale de la rosacée (NRS) a classé la rosacée en phénotypes (tableau 1, page 2), ce qui a l’avantage de préciser exactement le statut du patient et aussi de préconiser un traitement adapté selon les signes cliniques que celui-ci présente.   ÉTUDE CLINIQUE Aspects cliniques Les différents aspects cliniques comprennent : les flushs, la couperose, Les lésions papulopustuleuses, l’éléphantiasis facial ou phyma, la rosacée oculaire. • Les flushs Il s’agit d’érythème paroxystique du visage pouvant s’étendre au cuir chevelu, aux oreilles voire au cou. Les flushs peuvent s’associer à une hyperhémie conjonctivale avec hypersudation. Ils s’observent en période postprandiale, lors de variation de températures, après l’absorption de boissons, d’alcool, ou d’aliments chauds. Ils sont aggravés par l’anxiété et le stress. Leur durée est de quelques minutes et ils disparaissent sans laisser de traces. Le fait de sucer un glaçon permet d’abaisser la température et peut bloquer ou arrêter les flushs. • La couperose Elle réalise un érythème permanent associé à des télangiectasies. La peau devient sensible et intolérante aux cosmétiques (figures 1 à 5). Figure 1.  Rosacée érythémateuse.   Figure 2.  Rosacée érythémateuse.   Figure 3.  Rosacée érythémateuse.   Figure 4.  Rosacée érythémateuse et télangiectasique.   Figure 5.  Rosacée érythémateuse et télangectasique. • Les lésions papulo-pustuleuses Elles sont très caractéristiques et très fréquentes au cours de la rosacée (figures 6 à 12). Le diagnostic est facilement porté devant ces lésions. Figure 6.  Rosacée papulo-pustuleuse.   Figure 7.  Rosacée papulo-pustuleuse.   Figure 8.  Rosacée papulo-pustuleuse.   Figure 9.  Rosacée papulo-pustuleuse.   Figure 10.  Rosacée papulo-pustuleuse.   Figure 11.  Rosacée papulopustuleuse et érythémateuse.   Figure 12.  Rosacée papulopustuleuse et érythémateuse. • L’éléphantiasis facial ou phyma Il semble être l’apanage des hommes avec la survenue de rhinophyma correspondant à une hypertrophie des glandes sébacées associée à une fibrose dermique et à un lymphooedème. Il réalise un gros nez rouge et bosselé très inesthétique (figures 13, 14). Plus rarement d’autres parties du visage sont atteintes : menton, oreilles, paupières et front.   Figure 13.  Rhinophyma.   Figure 14.  Rhinophyma. • La rosacée oculaire L’atteinte cutanée est généralement associée à l’atteinte oculaire qui peut être isolée. Cette dernière peut se compliquer d’une kératite aiguë (figures 15, 16). Figure 15.  Rosacée oculaire de l’enfant.   Figure 16.  Rosacée papulo-pustuleuse avec atteinte oculaire. Formes cliniques De nombreuses formes cliniques ont été décrites : – une forme granulomateuse réalisant de gros nodules rouge jaunâtre (figures 17, 18) d’aspect lupoïde à la vitropression. L’examen anatomopathologique montre un aspect granulomateux posant des problèmes de diagnostic différentiel difficile avec la sarcoïdose. Les lésions évoluent vers la suppuration qui va laisser des cicatrices inesthétiques. Théoriquement, il n’y a pas de pustules dans une sarcoïde cutanée ; – un syndrome du Morbihan ou forme oedémateuse (figure 19) ; – une rosacée fulminante Figure 17.  Rosacée granulomateuse.   Figure 18.  Rosacée granulomateuse.   Figure 19.  Forme oedémateuse : syndrome de Morbihan. TRAITEMENTS De nombreux traitements locaux et généraux sont préconisés pour la rosacée. De nouveaux traitements (ivermectine locale) ont vu le jour. Pour les anciens traitements, de nouvelles formulations (doxycycline 40) ou de nouvelles associations thérapeutiques ont été préconisés (laser et botox). De meilleurs traitements émaneront d’une meilleure connaissance des phénomènes physiopathologiques et de leurs mécanismes intimes. Un algorithme thérapeutique est ainsi préconisé selon les signes et les symptômes (tableau 2). Un algorithme thérapeutique néerlandais (tableau 3) présente, lui, l’avantage de traiter selon les différents phénotypes et de dispatcher d’un traitement à un autre selon les signes cliniques et leur variation dans le temps, selon le terrain et les formes cliniques.   Traitements locaux • Les agonistes alpha adrénergiques. Deux médicaments sont indiqués dans le traitement de  l’érythème. Le premier est le gel de brimonidine (Mirvaso®) dont l’effet vasoconstricteur pourrait être associé à un effet anti-inflammatoire. L’efficacité de la brimonidine apparaît environ 30 minutes après l’application et se maintient 9 à 12 heures. Le second est l’oxymétazoline crème, dont l’effet s’observe 1 à 3 heures après application et persiste 8 à 10 heures environ. Des phénomènes de rebond de l’érythème ont été rapportés avec ces traitements. • Le métronidazole (Rozex®) a des effets anti-inflammatoires et antioxydants. • L’acide azélaïque (Skinoren®) agit en inhibant les cytokines pro-inflammatoires. • L’ivermectine (Soolantra®) a une action sur le Demodex et semble avoir une efficacité supérieure à celle des autres topiques. • La minocycline gel à 1,5 % a récemment montré son efficacité dans la rosacée papulopustuleuse. Ces quatre derniers traitements locaux sont indiqués dans la rosacée papulo-pustuleuse de faible ou de moyenne gravité. Dans les formes plus sévères, l’association à des traitements oraux s’impose. • La toxine botulique a prouvé plus récemment son intérêt dans la prise en charge de l’érythème facial et des flushs. La toxine botulique est indiquée en mésothérapie avec une dilution de 10 U/ml et l’injection en intradermique de 0,05 ml espacée de 0,5 cm. Aussi l’injection de toxine botulique peut être précédée d’un traitement par laser PDL.   Traitements oraux • Les bêtabloquants peuvent être utilisés pour le traitement de l’érythème facial et le flush, mais leur usage est limité du fait des effets secondaires. Le propranolol et surtout le carvédilol sont proposés dans cette indication.  • Les tétracyclines ont un niveau de preuve moyen concernant leur efficacité.  • La doxycycline a un haut niveau de preuve à la dose anti-inflammatoire de 40 mg/jour. Une étude avait montré également une efficacité équivalente de la doxycycline et de l’azithromycine, cette dernière étant indiquée chez la femme enceinte. • L’isotrétinoïne à faible dose apparaît plus efficace que la doxycycline et a une supériorité thérapeutique à la dose de 5 à 10 mg/jour dans la rosacée réfractaire aux cyclines, lors des rechutes immédiates après ce traitement ainsi qu’en cas de dermite séborrhéique associée. Aussi, l’isotrétinoïne à plus forte dose est indiquée dans les phymas inflammatoires et dans la maladie de Morbihan.   Traitements physiques • Les lasers sont indiqués dans l’érythème, les télangiectasies et les flushs. Les lasers à colorant pulsé (PDL) sont plus efficaces que les lasers Nd-YAG et sont aussi efficaces que la lumière intense pulsée (IPL). • La radiofréquence est une approche récente qui semble aussi efficace que le PDL dans les formes associant érythème et télangiectasie.     EN CONCLUSION La rosacée est une dermatose inflammatoire fréquente qui touche le visage avec un retentissement psychologique important. Une meilleure connaissance de sa physiopathologie a permis de nombreux essais thérapeutiques, la mise sur le marché de nouveaux traitements conduisant à une meilleure prise en charge thérapeutique.  

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