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Cancérologie

Publié le 07 mar 2023Lecture 4 min

Comment ne pas passer à côté d’un mélanome de Dubreuilh ?

Catherine FABER, Paris

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Le mélanome de Dubreuilh (MD) est souvent diagnos- tiqué tardivement. Les patients présentent alors des lésions de grande taille, dont la chirurgie d’exérèse sur le visage est délicate, et sont exposés à un risque non négligeable de tumeur invasive. On sait qu’à Breslow égal, le pronostic du MD est identique à celui du mélanome superficiel extensif (SSM : Superficial Spreading Melanoma). Le risque de passage à une forme invasive a été estimé à 3,53 % par année tant que la tumeur est présente(1). Si le MD évolue depuis 10 ans, ce risque est donc de 35 %. Il atteint 70 % pour les MD évoluant depuis 20 ans. D’où l’intérêt d’un dépistage précoce, à un stade où la lésion est de petite taille et la chirurgie plus facile, et où le risque de forme invasive serait quasi inexistant. La dermoscopie joue ici un rôle essentiel. Le visage est un site « spécial » en particulier du fait de l’absence de réseau. Les algorithmes habituels des lésions pigmentées ne s’appliquent pas. Par conséquent, le diagnostic dermoscopique du MD nécessite d’autres éléments. Quatre signes dermoscopiques du MD ont été décrits par Stolz et Schiffner en 2000 puis en 2002(2,3) : les cercles gris, les structures annulaires granulaires, les rhomboïdes et l’obturation des follicules pileux (FP). Ces structures sont présentées comme étant le témoin des différents stades de progression de la tumeur. Les cercles gris correspondent à l’envahissement des FP. Leur couleur est due au pigment dans le FP à hauteur du derme superficiel. Les structures annulaires granulaires se caractérisent par des agrégats de points gris, bruns, bleutés, et de globules autour des FP. Les rhomboïdes ont un aspect de « pseudo-réseau » losangique avec des lignes noires, gris foncé, formées par confluence des structures annulaires granulaires d’un FP à l’autre. Ils seraient l’apanage de formes évoluées de MD. En revanche, les rhomboïdes incomplets, qui donnent des images en zigzag avec des lignes brisées plus ou moins complètes(4), apparaissent comme un signe précoce et important. Ces ébauches de rhomboïdes sont en effet objectivées dans des MD in situ de petite taille. Quant à l’obturation des FP, elle ne se voit pas fréquemment.   Réévaluation des critères dermoscopiques classiques Il existe peu de diagnostics différentiels du MD. Ceux-ci sont représentés par la kératose actinique (KA) pigmentée, le lentigo solaire et la kératose lichénoïde. D’après Stolz et Schiffner, l’élément le plus discriminant est la pigmentation asymétrique des FP avec une sensibilité et une spécificité de respectivement 89 % et 96 %. Des études ultérieures ont réévalué la spécificité de ces critères classiques. L’une d’entre elles retrouve des cercles gris dans 25 % des KA pigmentées et dans 30 % des MD, et des rhomboïdes dans respectivement 30 % et 75 % des cas(5). Ces différences ne sont pas statistiquement significatives. Une deuxième étude constate un chevauchement des critères dermoscopiques de MD, de KA pigmenté et de lentigo solaire surtout aux stades initiaux quand la lésion est de petite taille(6). Le diagnostic différentiel le plus difficile serait celui entre le MD et la KA pigmentée. L’étude la plus importante a évalué la prévalence de sept critères négatifs (non-MD) : trois critères de KA pigmentée, trois de lentigo solaire et des critères évidents et prédominants de  kératose séborrhéique(7). Ses résultats montrent que la proportion de MD est faible si les critères négatifs sont prévalents et, à l’inverse, qu’elle est élevée s’il y a peu ou pas de critères négatifs, ce indépendamment des critères de MD. Cette approche inverse est connue depuis l’algorithme en deux étapes des tumeurs pigmentées hors visage.   L’approche inverse en pratique Le diagnostic de KA pigmentée est très probable si l’un des trois critères suivants prédomine et représente plus de 50 % de la lésion : les squames blanches ou brunes ; les FP blancs et élargis (plus blancs que les FP adjacents, cerclés de blanc avec des bouchons de kératine au centre qui peuvent apparaître sous forme de rosettes en polarisation) ; un érythème en arrière-plan. De même, celui de lentigo solaire est très probable s’il y a, sur au moins 50 % de la lésion, des lignes brunes qui sont parallèles ou réticulaires, ou une bordure nettement marquée et éventuellement indentée, ou du brun sans structure ou encore des critères nettement visibles de kératose séborrhéique (milium, pseudo-comédons). Par ailleurs, si aucun de ces sept critères non-MD n’est visible ou prédominant, il faut considérer le diagnostic de MD même s’il n’y a pas de critères de MD. Enfin, les kératoses lichénoïdes peuvent être quasiment impossibles à différencier du MD parce qu’il y a beaucoup de structures grises et peu de structures non-MD proéminentes. Elles sont plutôt rares dans l’exercice quotidien. En cas de problème, il faut réaliser une biopsie tangentielle (shave biopsy). Cette technique utilisée sur des lésions planes et sans induration à la palpation permet d’avoir une large zone de peau à étudier, avec une rançon cicatricielle souvent invisible.   En conclusion, le diagnostic des taches pigmentées de la face est difficile et nécessite un examen en dermoscopie. L’approche combinant les critères classiques et les critères non-MD augmente les chances de dépister précocement le MD.  

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