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Allergologie

Publié le 13 déc 2022Lecture 4 min

Ce que l’on sait de l’allergie au cannabis en 2022

Catherine FABER, d’après la communication de D. Ebo, Anvers, Belgique, GERDA 2022

La publication de recommandations internationales pour la prise en charge de l’allergie au cannabis en juillet dernier est l’occasion de faire le point sur les connaissances actuelles de cette allergie.

L’histoire médicale de l’allergie au cannabis a connu des « trous noirs ». Alors que le premier cas a été rapporté dans la littérature en 1971(1), il a fallu attendre 36 ans pour qu’on en reparle avec la publication d’un cas d’allergie au cannabis provoquée par une protéine de transfert lipidique non spécifique (nsLTP : nonspecific Lipid Transfer Protein ), le Can s 3(2). On sait que les LTP sont présentes dans presque tous les végétaux, notamment dans de nombreux fruits. Ce n’est ensuite qu’en 2013 que de nouvelles données ont été publiées(3). Elles proviennent d’une étude faisant suite à l’observation d’un cas de choc anaphylactique survenu lors de la consommation de mandarines(4). Dans cette série de 21 patients consultant pour des allergies aux fruits, légumes et noix, souvent croisées, 12 avaient une allergie au cannabis. Ils rapportaient des symptômes cutanés ou respiratoires lors de l’exposition au cannabis et la plupart avaient un terrain atopique. D’après ce travail, le cannabis peut entraîner une allergie croisée aux autres LTP présentes dans les fruits – surtout la pêche, mais aussi la pomme et la cerise dans la série – et les légumes.   Le syndrome cannabis-fruits/légumes et au-delà L’année 2019 a également été marquée par la diffusion des résultats de la plus grande étude sur le sujet à ce jour. Il s’agit d’une étude cas-contrôles menée sur 120 patients allergiques au cannabis dont les données ont été comparées à celles de 251 sujets contrôles sains ou atopiques(5). Une de ses conclusions importantes est l’existence de plusieurs voies possibles d’exposition : fumées de cannabis, contact avec la plante, ingestion (produits alimentaires de type space cake) ou voie respiratoire via les pollens du cannabis. D’où la variété de la symptomatologie. L’allergie au cannabis peut ainsi se traduire par des symptômes respiratoires hauts et bas et/ou cutanés localisés ou généralisés et des symptômes gastro-intestinaux. Quelques patients ont signalé des symptômes cardiovasculaires. Environ 1 sur 5 (21 %) a fait une anaphylaxie. La sensibilisation au cannabis peut aussi résulter d’une exposition passive(6) – comme ça a été le cas chez un enfant de 5 ans de la série suscitée(3)  – ou d’une exposition professionnelle(7,8). Enfin, l’allergie au cannabis induit des réactions croisées au-delà des fruits et légumes. Beaucoup de patients sont également allergiques à des boissons alcoolisées comme la bière et le vin, et parfois au latex(9,10). En plus du Can s 3, considéré actuellement comme l’allergène majeur du cannabis, trois autres allergènes ont été identifiés : le Can s 2 ou profiline, et le Can s 4, une enzyme impliquée dans la photosynthèse, dont le rôle réel dans les réactions croisées alimentaires reste à déterminer, et le Can s 5, un homologue de l’allergène majeur du bouleau. On en attend un cinquième, le Can s 6.   Un algorithme diagnostique consensuel Les récentes recommandations internationales proposent un algorithme pour le diagnostic de l’allergie au cannabis(11). La première étape repose évidemment sur l ’interrogatoire. Amener le patient à avouer qu’il consomme du cannabis est parfois difficile. Il le signalera plus volontiers dans un questionnaire. Devant une histoire évocatrice d’allergie au cannabis, le diagnostic peut être établi par prick test, dosage des anticorps anti-IgE spécifiques ou tests d’activation de basophiles (TAB). En l’absence actuelle de test de dosage d’anticorps IgE spécifiques du cannabis, on utilise le chanvre. Si la sensibilité de ce dosage est bonne (86 %), sa spécificité est médiocre (32 %). Celle-ci peut toutefois être améliorée et atteindre près de 80 % par le calcul du ratio entre les IgE spécifiques au chanvre et les IgE totales(12). La réalisation des tests cutanés se heurte aux difficultés de standardisation des extraits de cannabis. Les TAB ont également leurs limites. Les recommandations stipulent qu’en cas de positivité d’un ou plusieurs de ces tests, des diagnostics moléculaires (IgE spécifiques, Can s 2 à 5, LTP) doivent être pratiqués pour confirmer le diagnostic d’allergie au cannabis et rechercher des réactions croisées. À l’heure actuelle, l’éviction est le seul traitement de l’allergie au cannabis. Une désensibilisation peut éventuellement être envisagée avec le chanvre. Le groupe de travail sur l’allergie au cannabis mis en place par les sociétés savantes d’allergologie européenne, canadienne et américaine a élaboré un plan d’action qui comprend une enquête internationale sur les attitudes, les pratiques et les connaissances des allergologues sur cette allergie, et la création d’un registre international et d’une biobanque dans le but d’en améliorer le diagnostic(11). En conclusion, l’allergie au cannabis n’est pas un mythe. Il faut y penser devant des allergies croisées (syndrome fruits-latex). Quatre composants allergéniques du cannabis ont été reconnus et caractérisés. Le dosage des IgE spécifiques au chanvre est le premier examen à réaliser pour confirmer le diagnostic.

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