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Pathologie vulvo-vaginale

Publié le 14 oct 2022Lecture 7 min

La prise en charge des vulvodynies

Clarence DE BELILOVSKY, Service de dermatologie, Institut Alfred-Fournier, Paris

Cet article n’est pas une revue exhaustive mais une synthèse des éléments dont je me sers quotidiennement pour prendre en charge les patientes atteintes de vulvodynie.

Définition La vulvodynie est un inconfort vulvaire, le plus souvent décrit par des brûlures, apparaissant en l’absence d’affection vulvaire visible ou de désordre neurologique spécifique et durant depuis plus de trois mois. On distingue différentes formes de vulvodynies : les vulvodynies généralisées à toute la vulve, localisées au vestibule (vestibulodynie), au clitoris (clitoridodynie) et mixtes ; les vulvodynies spontanées (douleurs ou autres sensations dans la journée), provoquées (rapport sexuel, contact) et mixtes ; les vulvodynies primaires (20 %) depuis le premier rapport sexuel, et secondaires (80 %). La dyspareunie définit, elle, un rapport sexuel douloureux. La vestibulodynie provoquée entraîne une dyspareunie superficielle correspondant à une douleur lors de la pénétration. Le vaginisme est une contracture involontaire et douloureuse des muscles de la région périnéale, souvent secondaire à la dyspareunie, parfois primitive. Quelle douleur ? Il s’agit donc d’une douleur chronique – au sens large, certaines patientes se plaignent de douleurs ; d’autres, de brûlures, de tiraillements, de picotements, de coups d’aiguilles, de décharges électriques, voire de prurit – et non d’une pathologie dermatologique ou gynécologique. L’examen clinique et les examens complémentaires sont normaux. C’est pourquoi la prise en charge des vulvodynies doit être celle d’une douleur chronique, et le thérapeute doit être lui-même clair dans ses explications et ses traitements. La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel, ou décrite en termes d’un tel dommage. L’intérêt de cette définition est de mettre sur un même plan les dimensions sensorielles et affectives. En d’autres termes, il n’est pas réducteur de prendre en charge le côté « affectif » de la douleur ; au contraire, une approche multidisciplinaire est particulièrement indispensable dans les douleurs chroniques (> 3 mois). Toute douleur chronique connaît un phénomène de « processus central de la douleur ». En d’autres termes, le cerveau joue un rôle dans le cercle vicieux de la douleur biologique et psychologique. Le syndrome douloureux chronique a des composantes somatiques, psychologiques, socio-professionnelles et familiales : ainsi toute douleur prolongée a des répercussions psychologiques majeures. Depuis 2017, l’International Association for the Study of Pain (IASP) a isolé une forme de douleur appelée : douleur nociplastique (tableau 1). Cette douleur nociplastique concerne des douleurs chroniques par sensibilisation centrale et/ou périphérique, sans lésion. Il s’agit d’une perturbation du traitement de la douleur par le système nerveux central (SNC), résultant en une hyperalgie ou une allodynie. Comme d’autres douleurs autrefois dites « inexpliquées » (algies vasculaires de la face, céphalées, algodystrophie, fibromyalgie, glossodynie, intestin irritable), il semble bien que les vulvodynies entrent dans le cadre des douleurs nociplastiques. Expliquer ce mécanisme aux patientes est ainsi la première étape de la prise en charge. La sensibilisation centrale de la douleur réalise des traces, des empreintes laissées par le passage d’une douleur dans le circuit nociceptif, influencées par des facteurs génétiques, traumatiques ou de stress. La plasticité neuronale explique la persistance de la douleur dissociée des stimulations périphériques. Les médicaments indiqués dans le traitement des douleurs chroniques nociplastiques sont ceux qui agissent sur les neurotransmetteurs, c’est-à-dire les psychotropes. La Société française pour l’étude et le traitement de la douleur (SFETD) recommande l’amitriptyline (3 à 25 gouttes par jour), la duloxétine (30 mg au repas du soir puis 60 mg par jour pendant au moins un mois), la gabapentine (200 mg 3 fois par jour avec un maximum de 2 grammes par jour). La prégabaline serait réservée en deuxième intention. Ces traitements améliorent les douleurs nociplastiques d’environ 30 % et doivent être associés à des techniques non médicamenteuses afin de diminuer les tensions musculaires : éducation thérapeutique, kinésithérapie, traitement de l’anxiété, hypnose, relaxation, méditation. En pratique, d’autres antidépresseurs peuvent être prescrits et efficaces. Les conséquences de la douleur au cours des vulvodynies sont nombreuses : hypervigilance vis-à-vis de la douleur, réactions de dramatisation (notamment lorsqu’elle survient au cours des rapports sexuels), rumination, amplification, désespoir, réactions selon un modèle peur-évitement. Fréquence La vulvodynie est un problème fréquent. La vestibulodynie provoquée a une prévalence aux États-Unis d’environ 8 % ; seulement 1,4 % des cas est diagnostiqué. En France, 15,5 % des femmes souffrent de dyspareunie. Les causes principales sont la vestibulodynie provoquée avant 50 ans et le syndrome génitourinaire de la ménopause après 50 ans. Sa fréquence est en augmentation. La vulvodynie spontanée peut apparaître à tout âge, mais il existe une forme particulière de la femme âgée. Symptômes et éléments d'orientation Les symptômes sont variables et associent diversement douleurs, brûlures, picotements… Le prurit est rare mais pas impossible. Il survient plus souvent en cas de terrain atopique, et en pratique plus fréquemment depuis la pandémie de Covid-19, sans explication. Cette douleur/brûlure s’aggrave dans la journée et ne persiste ni ne se réveille la nuit. Elle peut être variable dans le temps (disparition pendant les vacances, par exemple) ou selon les partenaires en cas de douleur provoquée. Elle est aggravée par le port de vêtements serrés. Elle s’associe à une « intolérance » à tous les produits appliqués sur la vulve (effet nocebo ?), d’où leur prescription est inutile. La douleur actuelle doit faire rechercher des douleurs passées : il s’agit le plus souvent d’une intolérance aux tampons, mais on retrouve parfois des douleurs vulvaires inexpliquées dans l’enfance. En cas de dyspareunie, il faut recréer l’histoire sexuelle de la patiente en l’interrogeant sur d’éventuels douleurs et inconforts passés, qui auraient été minimisés, voire ignorés par elle.C’est lors de cet interrogatoire que peuvent être recherchés d’autres syndromes douloureux. Cela permet de faire évoluer la consultation vers une prise en charge plus générale de la douleur et de commencer une alliance thérapeutique avec la patiente. Examen clinique L’examen clinique est par définition normal. Il convient de repérer et de diagnostiquer : – une papillomatose physiologique, contingente, souvent accusée à tort ; – des candidoses vulvo-vaginales récidivantes ; – un psoriasis ; – des formes débutantes de lichen scléreux avec fissures (figure 1) ; – un lichen plan érosif minime (figure 2) ; – un hymen en pont ou imperforé (figure 3). Les fissures hyménales tiennent une place à part puisqu’elles sont visibles sur le vestibule de part et d’autre, mais elles entrent bien dans le cadre des vestibulodynies provoquées (figure 4). Ce sont en effet des fissures mécaniques qui se créent brutalement lorsque le périnée ne se détend pas lors d’une pénétration. Elles nécessitent une kinésithérapie prolongée et rarement une chirurgie. Il convient de rechercher un inconfort ou une douleur vestibulaire par l’effleurement avec un doigt ou au Coton-tige (personnellement non utilisé) et de tester le plancher pelvien (contracter-relâcher au doigt). Expliquer, chercher d’autres syndromes douloureux et préciser les circonstances de déclenchement Il existe des anomalies des trois systèmes indépendants représentés par la muqueuse vestibulaire, les muscles du plancher pelvien, les nerfs sensitifs (régulation de la douleur par le système nerveux central). Ces anomalies sont déclenchées par de multiples facteurs physiques, psychologiques. Elles ont les mêmes mécanismes que d’autres syndromes douloureux qui sont à rechercher : insomnie, migraine, lombalgie, syndrome du côlon irritable (RR 1,86), douleurs articulaires (fibromyalgies, RR 2,15), problèmes urologiques (cystite interstitielle, RR 6,15), douleurs oro-faciales tel un bruxisme (78 %), fatigue chronique. Les circonstances du déclenchement sont multiples. Il importe de préciser pour les vestibulodynies provoquées l’existence d’une éventuelle nouvelle relation, d’une mauvaise relation passée ou présente, d’antécédents obstétricaux (accouchement, interruption volontaire de grossesse, fausse couche spontanée) ; la qualité de la vie sexuelle (rapports sexuels « marquants », « traumatisants », non désirés, non consentis, des troubles de la libido et/ou de la lubrification que les patientes confondent avec un état de sécheresse) et l’harmonie du couple. Les vulvodynies spontanées touchent souvent des femmes plus âgées. Chez les patientes très âgées, le deuil et la dépression sont fréquemment associés. Chez les autres, un burn-out, du stress au travail ou au contraire à la retraite, des troubles familiaux sont à rechercher. Dans tous les cas, les origines sont très diverses (travail, famille, deuil…), et parfois les symptômes sont bien plus anciens que l’épisode pour lequel la patiente consulte. Prise en charge La prise en charge multidisciplinaire associe des médecins, kinésithérapeutes, sages-femmes, psychologues, sexologues, algologues, etc. Le but est de guérir/satisfaire/apaiser les patientes à long terme, pas seulement de soulager leur dyspareunie à court terme. Le rôle du médecin est d’écouter, d’examiner, de nommer et de porter le diagnostic ainsi que de commencer à soulager. Les traitements locaux de la douleur font appel à la lidocaïne gel oral 0,2 %, préparation à 10 % ; ceux de la sécheresse vaginale, vulvaire aux hydratants et/ou oestrogènes. Les traitements généraux de la douleur comportent l’amitriptyline (3 à 12/15/20 gouttes le soir), la prégabaline, la duloxétine… Il est important pour le dermatologue d’être la cheville ouvrière, le point d’ancrage des patientes, tout en les adressant à un kinésithérapeute ou à un ostéopathe spécialisé, et de chercher des pistes pour amener la patiente à consulter un psychologue ou sexologue. Les références à partager sont reportées dans le tableau 2.

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