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Cancérologie

Publié le 07 juil 2022Lecture 4 min

Onco-dermatologie : la révolution thérapeutique se poursuit

Caroline GUIGNOT, Lille - D’après la communication de François Aubin, « Quoi de neuf en Oncodermatologie ? », JDP 2021, Paris

Le mélanome reste sous le feu des projecteurs. Si les chiffres épidémiologiques peuvent inquiéter, les innovations thérapeutiques offrent en tout cas de réels bouleversements pronostiques…

L’épidémiologie du mélanome a été réactualisée récemment. Elle confirme la croissance inexorable des chiffres d’incidence partout dans le monde, y compris dans des territoires proactifs sur la prévention comme l’Australie. Les projections suggèrent que cette croissance restera linéaire d’ici à 2030, du fait de la pyramide des âges, y compris en France. Cependant, on observe des tendances encourageantes chez les moins de 30 ans pour lesquels les chiffres d’incidence sont en baisse depuis plusieurs années. La mortalité associée, elle, est désormais stable, essentiellement grâce à l’arrivée des nouveaux traitements. Afin d’optimiser la prise en charge des mélanomes, une nouvelle classification (mélanomes cutanés, uvéaux, muqueux) fondée sur des critères moléculaires, le degré de dysplasie, l’index mitotique et de prolifération a été proposée par plusieurs société savantes au cours de l’année 2021(1), l’objectif étant que les pathologistes puissent mieux identifier le sous-type concerné, et mieux orienter la nécessité de tests moléculaires complémentaires ou vers une consultation d’experts. L’intérêt pronostique de cette nouvelle classification devra néanmoins être étudié. Nouvelles recommandations thérapeutiques Sur le plan thérapeutique, les traitements ciblés et les immunothérapies disponibles depuis plusieurs années dans le traitement des mélanomes non résécables ou métastatiques ont nettement modifié le pronostic. Une étude française récente(2) a d’ailleurs établi que les patients ont bénéficié d’un gain de survie globale (SG) de 46 % depuis leur commercialisation (< 2012 vs > 2015) ; dans cette étude portant sur plus de 10 000 patients, la SG à 2 ans a doublé en l’espace de ces quelques années, passant de 21 à 44 %. Les données des études randomisées relatives aux nouvelles molécules montrent que la SG à 5 ans est comprise entre 34 % pour les inhibiteurs de BRAF et MEK et 50 % pour la bi-immunothérapie (anti-CTLA4 + anti-PD1). Sur la base de cette littérature, des recommandations ont été récemment publiées par les sociétés savantes américaines (ASCO) et européennes (ESMO[3]) : elles suggèrent une immunothérapie (ipilimumab + nivolumab ou nivolumab/pembrolizumab) en première ligne dans les stades III inopérables ou IV, en l’absence d’une mutation BRAF. En revanche, si une mutation V600 est identifiée, une thérapie ciblée (anti-BRAF + anti-MEK) est préconisée mais les stratégies ipilimumab + nivolumab ou nivolumab/pembrolizumab peuvent être envisagées selon l’âge et le choix du patient, la masse tumorale… Dans les stades III ou IV après exérèse élargie, le traitement adjuvant de première ligne s’articule autour de l’association anti-BRAF + anti-MEK en cas de mutation (ou nivolumab/pembrolizumab) ou le nivolumab/pembrolizumab 12 mois en cas de BRAF sauvage. Il faut également souligner que les risques encore mal cernés concernant l’impact de ces médicaments en termes de fertilité ont motivé des recommandations récentes préconisant de proposer la conservation des gamètes aux jeunes patients, avant traitement(4). Des approches innovantes Sur le plan des perspectives thérapeutiques, plusieurs pistes inédites émergent dans la littérature, comme celle du tebentafusp, qui est une protéine bispécifique expérimentale, qui associe un récepteur de lymphocytes T cytotoxiques et l’antigène gp100 des cellules du mélanome. Étudié dans le mélanome uvéal métastatique ou non résécable, il offre un taux de réponse objective inférieur à 10 %, mais associé à une SG à 12 mois élevée de 62 % (contre 37 % sous soins de référence selon les métaanalyses). De façon plus préliminaire, des données encourageantes ont été publiées sur le vaccin à ARN et ciblant 4 antigènes non mutés (FixVac[5]) et sur la transplantation fécale chez des patients dont la réponse échappe à un anti-PD1(6-7). Comment les chiffres du mélanome peuvent-ils être encore améliorés ? La prévention fondée sur l’utilisation de produits de protection solaire et le diagnostic précoce par dépistage systématique font partie des approches les plus conventionnelles. Elles ne font cependant pas l’unanimité et ont fait l’objet de débats pros versus contre lors du congrès mondial. L’un des postulats motivant ces derniers étant que l’incidence du mélanome a été multiplié par 6 en 40 ans, alors que l’exposition aux UV multiplie uniquement le risque par deux. Ceux qui plaident pour le retour à un dépistage plus ciblé estiment notamment que l’emballement des chiffres tiendrait à l’effet combiné d’un plus grand nombre d’examens de dépistage, associé à une baisse des seuils cliniques pour la biopsie et des seuils qualifiant les changements morphologiques(8). Hors mélanome L’actualité relative aux autres pathologies cutanées cancéreuses est moins soutenue. Cependant, plusieurs molécules expérimentales peuvent être citées, comme la tirbanibuline (inhibiteur de la polymérisation de la tubuline) qui a offert une réponse complète dans près d’une kératose actinique sur deux versus 5-10 % sous placebo, avec un taux de récidive à 1 an de 47 %(9), ou l’avélumab qui apporte un bénéfice dans le carcinome de Merkel prétraité(10). Enfin, en termes de photosensibilisation, il semble que le risque de cancer épidermoïde soit accru en cas d’exposition cumulée élevée à l’hydrochlorothiazide (> 37,5 g)(11). Du fait du caractère homogène du phototype et de l’exposition solaire de la population islandaise au sein de laquelle cette étude a été conduite, il apparaît nécessaire de préconiser une substitution de ce diurétique chez les sujets à risque, comme les patients greffés.

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