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Dermatologie générale

Publié le 07 mar 2022Lecture 5 min

Mycosis fongoïde : quelle place pour la chlorméthine en 2021 ?

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Utilisée depuis les années 1950 dans le traitement du mycosis fongoïde de stade précoce, la chlorméthine en application cutanée a longtemps posé des problèmes de praticité, de tolérance et de sécurité. La disponibilité d’un gel de chlorméthine résout un certain nombre de difficultés. Mise au point sur la place de cet agent alkylant cytotoxique dans le traitement du mycosis fongoïde.

Durant de longues années, la complexité du maniement des présentations (poudre ou solution à diluer), le contrôle très difficile des doses réellement administrées, les risques encourus pour les personnes en contact et pour l’environnement ainsi que les fréquentes ruptures de stock ont constitué de réels obstacles à l’utilisation de la chlorméthine. Plusieurs étapes ont précédé l’arrivée d’une forme gel. Bien que la Caryolysine® (solution de chlorméthine à diluer et à appliquer en badigeon avec un gant de toilette) dispose toujours d’une autorisation de commercialisation, elle n’est plus disponible sur le marché français. Plusieurs dispositifs de remplacement ont été mis en place : un protocole temporaire d’utilisation pour la carmustine (Bicnu®) entre 2009 et 2016 ; l’importation des États-Unis de la spécialité Mustargen® (chlorméthine en poudre à badigeonner), autorisée à partir de septembre 2013 à titre exceptionnel et transitoire ; une ATU nominative pour le gel de chlorméthine 0,02 % américain (Valchlor®) en octobre 2014 et une ATU de cohorte pour le gel de chlorméthine 0,02 % (Ledaga®) en février 2017. Actuellement, Ledaga® est inscrit sur la liste 1. Sa prescription est hospitalière et réservée aux médecins compétents en maladie du sang, aux spécialistes et aux services de cancérologie, d’hématologie et d’oncologie médicale. Évaluation de la forme gel L’efficacité et la tolérance de la présentation en gel de la chlorméthine 0,02 % ont été démontrées dans une étude de non-infériorité (chlorméthine gel versus chlorméthine en base de paraffine, appliquée une fois par jour) chez 260 patients atteints de mycosis fongoïde IA ou IIA. La forme gel était aussi efficace que son comparateur, avec cependant un début de réponse plus rapide (27 semaines vs 42 semaines). Sur le plan de la tolérance, les auteurs ont observé un peu plus d’irritations avec le gel (25 % vs 14,2 %) ; la fréquence des eczémas de contact, du prurit et des érythèmes n’était pas significativement différente dans les deux groupes ; il n’ya pas eu d’effet indésirable grave(1). Les études post-ATU ont montré que le rythme des applications était plus souvent de 3 fois par semaine que quotidien. La fréquence des effets secondaires était inférieure à celle retrouvée dans l’étude de Lessin. Le gel de chlorméthine en topique est indiqué comme traitement de première ligne dans les stades précoces de lymphomes T cutanés de type mycosis fongoïde (IA, IB et IIA). Dans les stades plus avancés, il pourrait être utilisé comme traitement local des plaques en association avec les traitements systémiques(2). En pratique L’application de Ledaga® peut se faire à domicile. Le gel est utilisé exclusivement en application cutanée, en couche fine, sur peau sèche, à distance de la douche ou du bain. Il faut attendre au moins 2 heures avant d’appliquer un soin hydratant. Le médicament est stable pendant 3 ans au congélateur entre -15 °C et -25 °C et pendant 60 jours au réfrigérateur entre +2 °C et +8 °C (la date de péremption figure sur l’emballage). Le produit doit être remis au frais immédiatement après utilisation. La forme gel présente plusieurs avantages : c’est un produit non gras, incolore, prêt à l’emploi, qui peut être auto-administré et dont le séchage est rapide. La concentration du produit en principe actif est parfaitement connue (ce qui n’est pas le cas quand une dilution est nécessaire), et la dose administrée est mieux contrôlée. La facilité d’utilisation favorise l’observance(3). Pour une meilleure tolérance, il est préférable de commencer par une application 3 fois par semaine, en alternance avec un dermocorticoïde ; il est ensuite possible de rapprocher progressivement les applications de chlorméthine en fonction de la tolérance cutanée. En cas d’irritation, on peut, soit arrêter le traitement jusqu’à amélioration puis le reprendre, soit espacer les applications et alterner avec des dermocorticoïdes forts. Dans des formes plus avancées, on peut proposer l’application de chlorméthine gel sur les lésions résiduelles, en complément du traitement systémique si la réponse à celui-ci est insuffisante. Utiité d'un programme d'accompagnement Quoi qu’il en soit, il est essentiel d’informer clairement les patients sur les conditions d’utilisation de la chlorméthine et de les accompagner durant leur traitement ; c’est l’objectif que s’est fixé le programme Myfo Care. Après une visite médicale avec le prescripteur, une infirmière spécialisée valide l’inscription du patient et lui présente les étapes de l’accompagnement. Pendant la phase d’initiation du traitement (1 mois), le patient reçoit 4 appels téléphoniques de l’infirmière pour évaluer l’observance, la tolérance et répondre aux éventuelles questions qu’il se pose ; les appels téléphoniques sont ensuite espacés (mensuels puis trimestriels). Le patient remplit des auto-questionnaires et dispose d’un numéro vert. Le médecin est alerté si l’infirmière juge cela utile. Un extranet sécurisé permet aux médecins d’accéder aux comptes rendus et aux alertes. Sur proposition du prescripteur, le médicament peut être livré au domicile du patient. Myfo Care facilite la compréhension de la maladie et du traitement par le patient, favorise l’observance et le bon usage, et améliore le parcours de soins. Le programme constitue aussi un gain de temps pour le dermatologue et lui donne un aperçu du suivi en vie réelle (transmission des alertes en fonction des résultats des questionnaires). Poursuite des recherches Par ailleurs, les recherches autour de la chlorméthine se poursuivent. Une étude lancée par l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) aura pour objectif de déterminer si l’apparition d’effets secondaires cutanés est, ou non, en lien avec l’efficacité du traitement chez les patients présentant un mycosis fongoïde IA ou IB. Enfin, un travail de Yun Tsan Chang, récemment présenté au congrès de l’EORTC à Marseille, a précisé le mécanisme d’action de la chlorméthine. Cet agent alkylant induit des cassures de l’ADN double brin des lymphocytes T tumoraux mais pas des lymphocytes T réactionnels. La PCR quantitative montre une réduction de plusieurs gènes importants pour l’excision et la réparation des altérations des nucléotides (FEN1 et BRCA2).

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