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Dermatologie générale

Publié le 07 mar 2022Lecture 4 min

Quel diagnostic évoquer ?

Jeanne DUBOIS*, Dominique TENNSTEDT**, *Service de dermatologie et de vénéréologie, CHU vaudois, Lausanne (Suisse), **Dermatologue, Nivelles (Belgique)

Une patiente de 62 ans, connue pour une hypertension artérielle, un tabagisme actif, et traitée par inhibiteur de l’enzyme de conversion, consulte le service de dermatologie dans le cadre d’importantes lésions érythémato-papuleuses et légèrement pustuleuses d’apparition soudaine (lors de vacances sur la côte aquitaine).

Les lésions sont de topographie bilatérale, sur les fesses et les cuisses, en péjoration depuis un peu plus de 2 semaines. Le visage et le tronc sont relativement épargnés. Les membres supérieurs sont indemnes. L’affection est extrêmement prurigineuse et légèrement douloureuse. La patiente ne décrit aucune autre symptomatologie systémique (absence de fièvre), à l’exception d’une légère dyspnée NYHA 1-2, survenue simultanément. Lors de ses vacances ensoleillées, elle a caressé longuement un chat qu’elle soupçonne d’être à l’origine de ses plaintes. Elle a d’abord consulté son médecin généraliste qui a posé le diagnostic de folliculite d’étiologie indéterminée, possiblement sur piqûres de puces du chat.  Un traitement par clindamycine per os (300 mg/j) et mupirocine crème (3 fois/j) a été introduit et réalisé pendant une semaine, sans résultat. La patiente a ensuite consulté un dermatologue qui a posé le diagnostic de piqûres de puces (DD : punaises) ou de réaction médicamenteuse (inhibiteur de l’enzyme de conversion). Il a recommandé la prise d’antihistaminiques per os associée à l’application de corticoïdes locaux puissants (propionate de clobétasol). La pathologie ne s’est toutefois pas améliorée et les papulo-pustules se sont multipliées (figures 1 à 4). Quel diagnostic évoquer ? Une folliculite staphylococcique ? Une folliculite à germes Gram négatifs ? Une dermatite des chenilles processionnaires ? Des piqûres de puces ? Une gale d’origine animale ? Un double zona atypique ? Une pathomimie ? Une rickettsiose (fièvre boutonneuse méditerranéenne) ? Un effet secondaire lié à la prise de médicaments ? Une autre pathologie ?   Quelle question faut-il poser ? Quel examen faut-il proposer ? Que proposer ? Le diagnostic à proposer est celui d’une dermatite des chenilles processionnaires ou érucisme. La question à poser est : vous êtes-vous exposée sous un pin parasol dans les 24 heures précédant l’apparition des symptômes cutanés ? L’examen à réaliser est un frottis de pustules après les avoir ouvertes à l’aide d’une aiguille stérile. Ce frottis reviendra négatif. L’attitude à avoir en cas de non-résolution spontanée consiste en la prise de corticoïdes per os pendant 5 à 7 jours, associée à un traitement topique antiprurigineux. La patiente s’était effectivement assise sous un pin para- sol, souhaitant se mettre à l’ombre, sur une chaise longue qui restait toujours dehors. Elle portait un maillot de bain une-pièce, une blouse à manches longues et un chapeau de soleil à larges bords.Par ailleurs, elle explique que le vent était relativement puissant, à tel point que les branches du pin bougeaient considérablement. À la catamnèse, elle décrit avoir remarqué la présence de chenilles qui avançaient en file indienne sur le tronc, telles des fourmis. Les lésions se situaient essentiellement aux points d’appui de la position adoptée sur cette chaise longue qui restait « à demeure », expliquant la topographie quasi limitée aux fesses et cuisses. L’affection apparaît généralement entre 8 et 48 heures après exposition sous les pins envahis par les chenilles processionnaires. Une dyspnée peut parfois s’observer. La résolution spontanée est possible mais non systématique. Une douche ou un bain à température élevée est utile si un diagnostic précoce est posé. Une thérapie par antihistaminiques (à hautes doses) est classique. Des antiseptiques peuvent être proposés en cas de surinfection liée aux excoriations de grattage. En cas de persistance ou de diagnostic plus tardif, une corticothérapie par voie générale de courte durée est recommandée. L’éruption (urticaire de contact) se développe dans les heures qui suivent le « contact » et, en l’absence de traitement, peut perdurer plusieurs semaines (figures 5 à 6). Les atteintes oculaires (conjonctives, par exemple) ne sont pas rares et requièrent un traitement ophtalmologique spécialisé, visant à extraire les soies des chenilles. La chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) est une espèce de lépidoptère (famille des Notodontidae) à dissocier de la chenille processionnaire du chêne (Thaumetopoea processionea). Les Thaumetopoea pityocampa peuvent atteindre 4 cm de long, se déplacent classiquement l’une derrière l’autre en trajet longiligne (figure 7), et se nourrissent des aiguilles de plusieurs variétés de pins qu’elles peuvent affaiblir et dont elles favorisent le retard de croissance. Leur corps est recouvert de fins poils urticants. Ces chenilles construisent des cocons de soie (figure 8) accrochés aux pins (le plus souvent à l’extrémité des branches). En cas de grand vent ou lorsque les chenilles se sentent menacées, leurs soies (poils urticants) se décrochent pour se déposer, par voie aéroportée, sur toutes les surfaces avoisinantes (dont la peau de la patiente). Lorsque ces poils se brisent au sein des téguments, ils libèrent une substance très urticante (thaumétopoéine) provoquant la symptomatologie de l’érucisme.

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