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Covid-19

Publié le 13 oct 2021Lecture 7 min

Manifestations dermatologiques de la Covid-19

Yazid BOUREZANE, Besançon
Manifestations dermatologiques de la Covid-19

Cet article a pour objectif d’éclairer les cliniciens sur les signes cutanés rapportés au cours de l’infection par le SARS-CoV-2. Il n’est, à l’heure actuelle, pas possible de dire si ces manifestations sont secondaires à l’agression virale ou si elles sont la conséquence de la réaction immunitaire de l’hôte, même si, dans la majorité des cas, la PCR ou la sérologie pour documenter cette infection sont négatives et plaident a priori pour la seconde hypothèse. Nous décrirons également les signes dermatologiques indépendants du virus mais liés au port prolongé du masque et à l’hygiène excessive des mains.

Il est important de savoir reconnaître les signes afin, d’une part, d’identifier les sujets susceptibles de transmettre le virus et de prendre les mesures d’isolement nécessaires et, d’autre part, de rassurer ceux qui présentent des signes cutanés secondaires au port prolongé du masque ou à l’hygiène excessive des mains. Rappel Les coronavirus appartiennent à une famille de virus connus depuis longtemps. Ils ont été à l’origine d’épidémies antérieures dont les plus médiatisées sont le SARS-CoV, responsable en 2003 du syndrome aigu respiratoire sévère (SARS) ayant sévi essentiellement en Asie, et le MERS-CoV, responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2012. Le SARS-CoV 2, apparu fin 2019 en Chine (Wuhan), est responsable de la Covid-19 Coronavirus Disease 19. Il s’agit d’un virus à ARN simple brin de la famille des coronaviridae, ayant plus de 80 % de similarité avec le SARS-CoV et plus de 50 % avec le MERS-CoV. L’origine et les réservoirs de ce virus ne sont pas parfaitement élucidés à l’heure actuelle. L’hypothèse est celle d’une origine chez la chauve-souris et de réservoirs chez les animaux sauvages, tels que le pangolin, le furet, la civette, le vison, etc. La période d’incubation du SARS-CoV-2 est estimée entre 5 et 7 jours (extrême 2-14 jours). Lorsque l’infection est symptomatique, les signes les plus fréquemment rapportés sont : fièvre, toux sèche, dyspnée, anosmie, dysgueusie, asthénie, céphalées, douleurs thoraciques, dysphagie. Le tropisme du virus pour l’appareil respiratoire ne doit pas occulter l’atteinte d’autres organes(1) en particulier neurologique (encéphalomyélite, céphalée, migraine, paralysie faciale, syndrome de Guillain-Barré), musculaire (myalgies, syndrome myofascial), cardio-vasculaire (HTA, troubles de la coagulation, AVC, embolie pulmonaire), digestive (diarrhée, cholécystite alithiasique) et rénale (protéinurie, hématurie, insuffisance rénale surtout dans les formes sévères en réanimation). Manifestations dermatologiques en rapport avec le SARS-CoV-2 La fréquence des manifestations dermatologiques au cours de la Covid-19 est estimée entre 2 et 20 % selon les études. Ces manifestations sont polymorphes : les lésions les plus évocatrices sont à types d’engelures des mains et des pieds – à tel point que le terme « d’orteils Covid » est né (Covid toes) (figures 1 et 2), d’éruptions érythémateuses, parfois pétéchiales simulant la dengue ou une capillarite purpurique (figure 3), ou érythémato-squameuses simulant quelquefois un pityriasis rosé de Gibert (figure 4), des lésions urticariennes (figure 5), des éruptions vésiculeuses varicelle-like (figure 6), et enfin un aspect de livedo reticularis (figure 7).   La première étude de la littérature signalant la présence de signes cutanés au cours de la Covid-19 est celle de Recalcati(2). Il s’agit d’une étude rétrospective italienne portant sur 88 patients hospitalisés : 20,4 % ont développé des signes cutanés (18 cas), dont un rash érythémateux (14 cas), une urticaire diffuse (3 cas) et des vésicules simulant une varicelle (1 cas, chiken pox like eruption). Malheureusement, aucune photo accompagnait cette étude, en raison du risque infectieux évoqué par les auteurs (appareil photo interdit en soins intensifs). L’étude espagnole sur une série de 375 cas(3) obtenus grâce à une enquête de collecte d’images et de données cliniques à l’échelle nationale objective cinq aspects cliniques : éruptions maculopapuleuses (47 %), lésions acrales érythémateuses avec vésicules ou pustules (pseudo-chilblain) (19 %), éruptions vésiculeuses simulant une varicelle (9 %), lésions urticariennes (19 %), livedo ou nécroses (6 %). Les éruptions vésiculeuses apparaissent très tôt dans l’évolution de la maladie (15 % avant l’apparition des symptômes). L’aspect de pseudo-engelures apparaît plutôt tardivement dans l’évolution de la Covid-19 (59 % après les symptômes), alors que les autres signes cutanés semblent concomitants avec les symptômes de la Covid-19. Selon ces auteurs, les lésions acrales semblent accompagner les formes moins sévères de la maladie. L'étude rétropestive française de Masson et coll.(4) rapporte essentiellement six aspects cliniques chez 277 patients : lésions acrales (51 %, dont 75 % à type de pseudo-engelures, dyshidrosiforme dans 15 % et acrodynie dans 6 %) sans aucun antécédent de troubles vasomoteurs des extrémités ni de notion d’exposition au froid, lésions vésiculeuses (15 %), lésions morbilliformes (9 %), lésions urticariennes (9 %), lésions pétéchiales (3 %) et livedo reticularis (1 %). D’autres manifestations cutanées, dont la nature exacte n’a pas été précisée dans l’article, ont été retrouvées dans 15 % des cas. Il est important de noter que seuls 34 patients sur 277 ont pu bénéficier d’une PCR SARS-CoV-2, dont 25 étaient positives(74 %). L’étude de Le Cleach et coll.(5) sur 311 patients avec des lésions acrales principalement à type de pseudo-engelures montre que la majorité des patients testés étaient négatifs, confirmant l’infection à SARS-CoV-2. Une histologie a été réalisée chez trois patients avec pseudo-engelures, révélant une image d’infiltrat lichénoïde chez un patient et de microthrombi chez les deux autres, suggérant l’existence d’un trouble de la coagulation(6) . Une autre étude internationale concernant huit pays(7) a répertorié 505 patients avec signes cutanés associés à la Covid-19, dont 318 cas (63 %) avec des lésions à type d’engelures. Ces patients sont, la plupart du temps, jeunes et en bon état général, avec des signes modérés de Covid-19. Parmi ces 318 patients, seuls 23 présentaient des tests positifs (7 %) et 20 autres (6 %) étaient des sujets contacts de patients Covid-19 confirmés. Cependant, de nombreux cas n’ont pas pu être testés, ce qui rend difficile l’interprétation physiopathologique de ces lésions cutanées. Moins connue est l’alopécie survenant dans le cadre de la Covid-19. En effet, deux aspects ont été rapportés dans la littérature. Le premier est l’effluvium télogène aigu post Covid (ETAPC). Une publication fait état de 25 patientes présentant une aggravation de l’effluvium télogène à la suite de la Covid-19(8). L’âge moyen de ces patientes est de 36 ans (extrêmes : 21-54 ans), et la durée de cet ETAPC est de 4 à 24 mois (moyenne : 11,92 mois). Sa prise en charge est symptomatique (lotions fortifiantes capillaires, minoxidil topique, dermocorticoïdes ou compléments vitaminiques per os). Dans notre expérience (travail en cours de publication), une anamnèse minutieuse est menée à la recherche de signes parfois discrets de la Covid-19, associée à un test de traction positif (figures 8 et 9) et surtout grâce à l’apport de la trichoscopie qui permet d’objectiver la présence de cheveux courts et droits (short regrowing hairs) et l’absence d’une anisotrichie (figure 10). Cette alopécie débutant le plus souvent 1 à 2 mois après l’épisode infectieux est très anxiogène pour le patient. Cette anxiété est largement entretenue par les vidéos sur les réseaux sociaux, à commencer par celle de l’actrice Alyssa Milano qui a été vue plus de un million de fois sur YouTube Il est donc indispensable de bien savoir la reconnaître afin de rassurer le patient, car le plus souvent son évolution est spontanément favorable en l’état actuel des connaissances sur cette pandémie et à la lumière de notre petite expérience – non encore publiée – sur une trentaine de cas (figure 11). Le second aspect est l’association entre l’alopécie androgénétique et la Covid-19, rapportée pour la première fois par Wambier(9) en raison de la survenue plus fréquente d’une AAG chez 175 patients hospitalisés pour Covid-19 sévère (79 % chez les hommes et 42 % chez les femmes). Ils lui ont attribué l’appellation « The Gabrin sign » en hommage au premier médecin américain décédé de cette maladie. Le mécanisme physiopathologique suggéré par ces auteurs est très séduisant : l’activation des récepteurs aux androgènes est considérée comme indispensable à l’amorce de la transcription du gène d’une protéine transmembranaire, la TMPRSS2, indispensable à l’apprêtement de la protéine spike (protéine S) du SARS-CoV-2 sur les récepteurs ACE2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2) favorisant ainsi la pénétration cellulaire du virus(9). Des implications thérapeutiques très intéressantes pourraient découler de ce constat. Manifestations liées au lavage excessif des mains et au port du masque La dermite d’irritation des mains est très souvent observée depuis le début de cette pandémie. Il s’agit d’une atteinte préférentielle du dos des mains de façon bilatérale et symétrique (figure 12), facilement diagnostiquée à l’anamnèse qui objective un lavage très répétitif des mains et l’usage de savons agressifs. L’utilisation d’un pain surgras et l’hydratation régulière des mains sont les principaux conseils à donner. L’apparition d’une acné chez un patient sans aucun antécédent d’acné ou l’aggravation des lésions chez des sujets acnéiques sont également fréquents à l’endroit du port du masque, à tel point qu’on parle de « mascné » (figure 13).  Le rôle de la chaleur locale sous le masque, les modifications des propriétés physico-chimiques de la peau et les anomalies de production du sébum sont des pistes de travail à soulever pour expliquer ce phénomène. De même, des rosacées primitives ou l’aggravation d’une rosacée ancienne (figure 14) sont également observées en pratique quotidienne. La chaleur induite par le port prolongé du masque est probablement responsable de chocs thermiques pouvant expliquer ces lésions. Dans ces deux derniers cas, la localisation préférentielle des lésions sur le territoire du port du masque oriente grandement le diagnostic. Il semble – cela reste toutefois à confirmer – que certains types de masques déclencheraient plus souvent ces phénomènes que l’on pourrait rapprocher d’un phénomène de Koebner, bien connu en dermatologie pour d’autres pathologies comme le lichen plan ou le psoriasis.  

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