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Gynécologie

Publié le 30 avr 2024Lecture 3 min

Possible augmentation du risque de complication materno-fœtale pendant la grossesse chez les femmes suivies pour une maladie auto-immune cutanée par rapport à la population générale - Résultat d’un registre américain

François CHASSET, service de dermatologie et allergologie, hôpital Tenon, Paris

Il est bien connu que les maladies auto-immunes (MAI) systémiques, en particulier le lupus érythémateux systémique (SLE), sont associées à une augmentation du risque de complications obstétricales pendant la grossesse. Il existe très peu de données en ce qui concerne les MAI cutanées. Certaines études de cohortes nationales de Corée du Sud ont suggéré une augmentation des avortements spontanés dans la pelade et le vitiligo. À l’inverse, dans le lupus cutané (CLE), il n’existe à ce jour qu’une étude rétrospective d’Arabie Saoudite et d’Égypte, de 201 patients, qui n’a pas retrouvé de surrisque dans le CLE par rapport à la population générale. Les MAI systémiques et cutanées touchent souvent des femmes jeunes, en âge de procréer, et les risques de complications pendant la grossesse sont parmi les priorités les plus importantes rapportées par ces patientes. L’objectif de cette étude était d’évaluer si les patientes suivies pour une MAI cutanée avaient un risque augmenté de complications materno-fœtales pendant la grossesse.

Afin de répondre à cette question, les auteurs ont réalisé une extraction dans la base de données TriNetX U.S. Collaborative Network, laquelle contient les données de 95 millions de patientes. Les diagnostics des maladies étaient identifiés à partir des codes CIM-10. Toutes les femmes entre 15 et 44 ans enceintes pendant la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2021 et toutes les données disponibles sur les événements en lien avec la grossesse ont été incluses. Au total, 3 groupes de patientes ont été incluses : un groupe de patientes avec une MAI cutanée, comparé à 2 groupes contrôles de patientes sans MAI et avec des MAI systémiques (SLE et PR). Le critère de jugement principal était la survenue de complications materno-fœtales dans chaque groupe, incluant les fausses couches précoces, tardives, les prééclampsies et éclampsies, les accouchements prématurés, les retards de croissance intra-utérins et la mortalité néonatale. Les patientes ont été appariées par un score de propension avec ajustement sur l’âge, la race, l’ethnie, l’obésité, les comorbidités (diabète, HTA, insuffisance rénale, anémie, thrombopénie, obésité, dysthyroïdie…) et les consommations d’alcool et de tabac. Des analyses en sous-groupes de maladie, par exemple pour le CLE, de façon isolée étaient réalisées en utilisant le même groupe contrôle. Au total, 2799 patientes enceintes avec une MAI et 672 632 contrôles ont été identifiés. Les MAI cutanées comprenaient principalement des pelades (n = 935 [33,4 %]), des vitiligos (n = 848 [30,3 %]) et des CLE (n = 586 [20,9 %]). Par ailleurs, 2788 contrôles ont été sélectionnés après score de propension avec des caractéristiques homogènes. En ce qui concerne les résultats sur le critère principal après analyse dans la cohorte ajustée utilisant le score de propension, les patientes atteintes de MAI cutanées avaient une augmentation statistiquement significative de faire une fausse couche spontanée (OR : 1,54; IC 95 % : 1,36-1,75; p < 0,001), comparé aux patientes groupes contrôles. Aucune autre différence n’était observée sur les prééclampsies et les éclampsies, les accouchements prématurés, les retards de croissance intra-utérins et la mortalité néonatale. Par rapport à une population de SLE, les patientes atteintes de MAI cutanées étaient plus susceptibles d’avoir un diabète gestationnel (OR : 1,8; IC 95 % : 1,24-2,62; p = 0,002) et une hypertension gravidique (OR : 1,34; IC 95 %, 1,01-1,79; p = 0,04), mais moins susceptibles de connaître un retard de croissance intra-utérin (OR : 0,59; IC 95 % : 0,40-0,87; p =0,01), un accouchement prématuré (OR : 0,68; IC 95 % : 0,47-0,98 ; p = 0,04), ou une mortalité néonatale (OR : 0,5; IC 95 % : 0,25-0,97; p = 0,04) par rapport aux patientes atteintes de LES. Les patientes atteintes de MAI cutanées avaient des résultats de grossesse similaires à ceux des PR. En ce qui concerne l’analyse spécifique des MAI, les patientes atteintes de CLE avaient un risque accru de fausse couche spontanée (OR : 2,41; IC 95 %, 1,86- 3,13; p = 0,001) de même que les patientes atteintes de vitiligo avaient (OR : 1,3; IC 95 % : 1,03- 1,64; p = 0,03). Les patientes atteintes de pelade ou de morphée n’avaient pas de risque accru de résultats de grossesse défavorables. Au total, cette étude montre une augmentation significative du risque de fausse couche dans les MAI cutanées, notamment pour le CLE et le vitiligo, par rapport à la population générale dans une grande cohorte nationale avec un score de propension. Les résultats de ce type d’étude sont importants mais sont toujours difficiles à interpréter en raison des limites inhérentes à ce type de schéma. En particulier, les patientes ont été identifiées à partir de données CIM-10 qui rendent important le risque de mauvaise classification. Par ailleurs, malgré le score de propension, de nombreux facteurs de confusion potentielle n’ont pas été pris en compte, comme les traitements, les données immunologiques… Il semble donc licite de ne pas avoir de discours inquiétant vis-à-vis des patientes et de les rassurer quant aux autres maladies, comme le SLE, pour lesquelles le risque de complication est statistiquement moins important. De futures études seront à réaliser dans cette population.

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