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Cancérologie

Publié le 15 mar 2010Lecture 6 min

La prise de vitamine B12 fait-elle courir un risque d’aggravation d’un cancer ?

M.-O. RIOU-GOTTA, Service de dermatologie, hôpital Saint-Jacques, Besançon

Tout médecin peut au cours de son exercice être amené à rencontrer des patients traités par vitamine B12, qu’elle soit prescrite pour corriger une anémie macrocytaire ou une hyperhomocystéinémie par exemple. Compte tenu de son rôle dans la synthèse d’ADN, il est légitime de se poser la question de son lien avec l’apparition ou l’aggravation d’un cancer.

Métabolisme et apports La vitamine B12 ou cobalamine, en référence à sa teneur en cobalt, est une vitamine hydrosoluble du complexe B. L’absorption chez l’homme est exclusivement alimentaire. Absente des végétaux, elle est apportée par la consommation de produits d’origine animale. Les cobalamines alimentaires sont libérées des complexes protéiques à laquelle elle est liée par la sécrétion gastrique ; libérée des complexes, la vitamine B12, pour être active, doit ensuite se lier à une glycoprotéine synthétisée par les cellules pariétales de l’estomac, le facteur intrinsèque. Une fois liée, elle est protégée des dégradations enzymatiques et peut être transportée jusqu’à l’iléon distal où le complexe de vitamine B12- facteur intrinsèque est reconnu par des récepteurs spécifiques. Les apports journaliers moyens sont de 3 à 6 microgrammes, principalement par la viande, le poisson, les oeufs et les produits laitiers. Les besoins sont augmentés lors de la grossesse et de la croissance, ainsi que lors de toutes les situations pathologiques où l’érythropoïèse est accélérée (hémolyse, hémorragie). Les réserves de vitamine B12 sont essentiellement hépatiques. Le taux sanguin de vitamine B12 doit être supérieur ou égal à 250 picomol/ ml (les normes données par les laboratoires d’analyse sont en général en deçà de cette valeur que nous retenons comme le seuil inférieur). Dans tous les cas, étant donné les réserves importantes, une carence en vitamine B12 n’aura de retentissement sur l’hématopoïèse que plusieurs mois ou années après son installation. Par conséquent, les besoins augmentés de façon temporaire comme la grossesse ne nécessitent pas de supplémentation systématique. En revanche, une carence chronique est trompeuse car les premiers signes cliniques se manifesteront tardivement. Le rôle de la vitamine B12 ● Rôle dans la synthèse d’ADN : les carences en vitamine B12 entraînent des perturbations de la phase S du cycle cellulaire qui se traduisent immédiatement par une augmentation du volume des cellules à renouvellement rapide (épithéliums, cellules hématopoïétiques) et une diminution du nombre des mitoses. La vitamine B12 substitue son groupe méthyle à l’acide folique et le transforme en tétrahydrofolate. Or, le tétrahydrofolate est utilisé par les cellules pour se procurer de l’ADN. En l’absence de vitamine B12, le tétrahydrofolate va donc se raréfier et retentir sur la synthèse de l’ADN. Ce phénomène est particulièrement sensible pour les globules rouges et les cellules à croissance rapide. ● Rôle dans la synthèse de myéline dépendante de la méthionine, expliquant les troubles neurologiques en cas de carence. Lien entre vitamine B12 et cancer ? Concernant le lien entre la vitamine B12 et le cancer, on sait qu’une carence peut, par le biais d’une gastrite atrophique, aboutir à un risque de métaplasie intestinale. À l’inverse, et l’on doit s’interroger à ce sujet, un cancer constitue une contre-indication absolue pour le Vidal à la prescription de vitamine B12. Cette contre-indication peut être expliquée par le rôle de la vitamine B12 dans la synthèse d’ADN et dans la réplication des cellules, ainsi que par la surexpression du récepteur de la vitamine B12 dans un certain nombre de cancers, en particulier ovaire, rein, utérus, testicule, cerveau, côlon, poumon et cellules sanguines myélocytaires. L’analyse de la littérature met en évidence des études récentes contradictoires sur les effets de la vitamine B12.  Pour P. Geissbuhler et coll. (1), un taux élevé de vitamine B12 est un facteur prédictif de mortalité chez les patients atteints de cancer en phase terminale. En effet, ils ont étudié le taux de vitamine B12 chez 161 patients atteints de cancer en phase terminale, âgés en moyenne de 74 ans. Le taux de survie à 3 ans diminuait avec l’augmentation du taux de vitamine B12 dans le sang.  Pour S.M. Zhang et coll. (2), il n’y a pas d’effet de la vitamine B12 dans la prévention des cancers invasifs ou des cancers du sein chez la femme. Cette étude a été menée de 1985 à 2005 sur 5 442 femmes américaines qui recevaient soit un placebo, soit un traitement associant vitamine B6, B9 et B12. Il n’y a pas eu d’effet de prévention de la vitamine B12 chez ces femmes.  Pas d’effet non plus sur la prévention du pancréas pour E. Schemhammer et coll. (3) dans une étude américaine de 208 cas de cancer du pancréas : pas de réduction significative du risque de cancer du pancréas chez les patients qui avaient un taux plasmatique de vitamine B12 élevé.  Pour M. Johansson et coll. (4), il n’y a pas de lien entre cancer et taux de vitamine B12. À noter seulement que des concentrations élevées de vitamine B12 pourraient être un facteur de risque pour les cancers évolués. Cependant, des études complémentaires sont nécessaires.  Au contraire, pour C.J. Piyathilake (5), on note une diminution du risque de néoplasies cervicales chez les femmes supplémentées en acide folique et en vitamine B12. Cette étude réalisée chez des femmes américaines montre une diminution de 70 % du risque de développer une CIN.  De même, la vitamine B12 améliore le pronostic des patients avec cancer gastrique pour M.V. Galvan- Portillo et coll. (6) dans une étude mexicaine portant sur 257 patients avec cancer gastrique. Un taux bas de vitamine B12 est associé à un taux de survie du cancer plus bas, et la prise de vitamine B12 et d’acide folique avant le diagnostic est associée à une survie meilleure.  De plus, la vitamine B12 est actuellement utilisée en prévention des effets secondaires de certaines chimiothérapies, en particulier l’Alimta® (pémétrexet), agent antinéoplasique antifolate multicible qui agit en interrompant des processus métaboliques folate-dépendants essentiels à la réplication cellulaire. Il est indiqué pour la prise en charge des mésothéliomes pleuraux malins, ainsi que les cancers bronchiques non à petites cellules. Une prémédication par acide folique et vitamine B12 permet de réduire la toxicité hématologique et non hématologique. On a vu que le récepteur de la vitamine B12 est surexprimé dans un certain nombre de cancers, la grande affinité entre la vitamine B12 et son récepteur pourrait ainsi permettre à la vitamine B12 d’être utilisée comme véhicule à des molécules thérapeutiques antinéoplasiques ou à des produits d’imagerie à but diagnostique (7). Conclusion Il est important de corriger une carence en vitamine B12 en raison du risque d’anémie, de gastrite atrophique, de troubles neurologiques et de cancers gastriques qui peuvent être induits, mais aussi car la carence en vitamine B12 constitue un facteur de risque cardiovasculaire (par l’intermédiaire de l’augmentation de l’homocystéine). Les études récentes montrent que l’impact de la vitamine B12 au cours de la maladie cancéreuse est discuté. En pratique, il semble raisonnable de recommander, en cas de cancer connu non traité, de ne pas apporter de supplémentation lorsqu’il n’y a pas de carences démontrées, du fait de son rôle dans la synthèse de l’ADN et dans la réplication des cellules.

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