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Infectiologie

Publié le 27 aoû 2006Lecture 11 min

Gales atypiques : un diagnostic piège !

E. Estéve, Hôpital Porte Madeleine, Orléans
La gale reste d’actualité en 2004, en particulier dans les zones de forte immigration et dans les collectivités de personnes âgées. Si l’ivermectine en a largement simplifié le traitement, l’existence de fréquentes formes atypiques constitue toujours un challenge diagnostique pour le dermatologue. En effet, le retard diagnostique et thérapeutique est la cause majeure des épidémies institutionnelles.
La gale est une ectoparasitose due à Sarcoptes scabiei hominis. Sa transmission se fait, dans l’immense majorité des cas, par un contact interhumain direct, intime et prolongé. Il existe une grande variabilité de la présentation clinique en fonction de l’hôte et des facteurs d’environnement(1,2).   Les différents types de gale    La gale commune est facilement reconnue : c’est une dermatose intensément prurigineuse, atteignant avec prédilection les espaces interdigitaux des mains, les emmanchures antérieures, la région ombilicale, la verge chez l’homme (figure 1) et les mamelons chez la femme. Figure 1. Gale commune. Atteinte génitale typique. La notion d’un prurit conjugal ou familial et/ou l’existence de lésions spécifiques (vésicules perlées, sillons, chancre scabieux) permettent aisément le diagnostic clinique. Dans la pratique quotidienne, celui-ci est fréquemment plus difficile à affirmer, en raison de l’existence de formes atypiques et du peu d’intérêt des examens complémentaires en pratique. La reconnaissance de ces formes atypiques est importante car le retard diagnostique et thérapeutique est la cause majeure d’épidémies institutionnelles dont la prise en charge est particulièrement complexe et coûteuse(3). Le retard diagnostique et thérapeutique est la cause majeure d’épidémies institutionnelles complexes à traiter et coûteuses.  La gale « incognito » est une gale méconnue, survenant au cours d’une dermatose évolutive : mycosis fongoïde, pemphigoïde, lupus systémique, par exemple. Dans ces formes, le retard diagnostique est fréquent car les modifications sémiologiques (prurit, érythème, lésions squameuses) sont volontiers imputées à la maladie princeps. Les traitements utilisés (corticoïdes, immunosuppresseurs), l’existence d’un déficit immunitaire et/ou les altérations cutanées initiales sont des facteurs aggravants. Ces formes peuvent être à l’origine d’épidémies institutionnelles en raison de leur particulière difficulté diagnostique.  La gale nodulaire se présente sous la forme de nodules prurigineux, rouge-brun de 5 à 20 mm de diamètre(2) (figure 2). Figure 2. Nodules scabieux. Ils sont disposés essentiellement sur les zones couvertes, le plus fréquemment les organes génitaux masculins, les aisselles et les aines (figure 3). Histologiquement, l’infiltrat observé est de type lymphocytaire avec un possible contingent d’éosinophiles, de plasmocytes, voire d’histiocytes parfois volumineux. L’infiltrat peut être très dense et prendre parfois une disposition périsudorale. Les sarcoptes sont rarement identifiés dans les nodules. Les diagnostics de lymphome, d’histiocytose langerhansienne ou de piqûres d’insectes peuvent être évoqués par le pathologiste si l’anamnèse ou l’examen clinique n’apportent pas assez d’éléments d’orientation. Le diagnostic est facilité s’il existe une histoire récente de gale chez le malade ou dans son entourage. Figure 3. Gale nodulaire. Éruption monomorphe. Le nodule scabieux est considéré comme une réaction immunitaire de type granulome à des antigènes persistants de sarcoptes morts. En fait, on peut observer ce type de lésions au cours d’authentiques gales actives.  La gale des « gens propres » est un diagnostic difficile car il existe très peu de signes cutanés. Le lavage fréquent diminue le nombre de sarcoptes(1) et l’examen doit être attentif pour trouver des lésions sémiologiquement ou topographiquement évocatrices. La surinfection est rare. L’existence d’un prurit dans l’entourage est un argument fort pour prescrire un traitement de gale.  La gale infantile est un diagnostic moins facilement évoqué que chez l’adulte, notamment chez le tout-petit. Le nourrisson exprime son prurit par une agitation, des contorsions, des pleurs nocturnes ou un refus des prises alimentaires. L’eczématisation et la surinfection sont fréquemment au premier plan et peuvent masquer les lésions caractéristiques. On peut trouver des adénopathies et de la fièvre. Les sillons sont inconstants et les nodules scabieux peuvent être la seule manifestation clinique. Des lésions plantaires vésiculeuses doivent être recherchées avec attention car elles sont très évocatrices. La gale est particulièrement fréquente chez les enfants adoptés originaires d’Asie ; dans ce contexte, le diagnostic doit être évoqué systématiquement devant une éruption cutanée. La gale est particulièrement fréquente chez les enfants adoptés originaires d’Asie.  L’acropustulose infantile peut succéder à une authentique gale traitée efficacement. Il s’agit d’une éruption palmoplantaire débutant par des éléments maculopapuleux érythémateux, évoluant très rapidement vers la formation de vésicules puis de pustules. Ces pustules, séparées les unes des autres, sont très prurigineuses. Le cytodiagnostic retrouve des polynucléaires éosinophiles, et l’examen histologique une pustule uniloculaire intraépidermique.  La gale « norvégienne » est ainsi dénommée car elle a été décrite en 1848 en Norvège chez des malades lépreux(2). La terminologie est obsolète ; le terme de « gale profuse » est préférable. On distingue deux grands types : la gale kératosique et la gale disséminée inflammatoire. La contagiosité est très importante en raison du grand nombre de parasites présents sur la peau. La gale « norvégienne » s’observe chez les sujets immunodéprimés. La caractéristique commune des malades développant cette forme est l’immunodépression, responsable d’une prolifération parasitaire intense. En effet, dans une gale commune, le nombre de parasites présents sur l’hôte est de 10 à 15 en moyenne alors que dans les gales croûteuses il existe plusieurs milliers à plusieurs millions de sarcoptes(2). Elles s’observent en particulier chez des malades greffés d’organes, traités pour un cancer, séropositifs pour le VIH ou l’HTLV-1, ou en institution psychiatrique. La gale croûteuse généralisée se manifeste comme une érythrodermie prurigineuse et croûteuse avec onyxis et kératodermie palmoplantaire « farineuse » (figure 4, A à D). A                                                                     B B                                                                                 C A : Érythrodermie kératosique. B : Érythème généralisé sans kératose. C : Fines kératoses des plis palmaires. D : Onyxis. Figure 4. Gale norvégienne. L’atteinte du visage et/ou du cuir chevelu est possible (figure 4, E à F). Le prurit est d’autant plus faible que la forme est plus kératosique. L’aspect clinique et la topographie sont donc très différentes des gales communes.                                               E                                                                         F E : Kératoses des oreilles. F : Kératose de la nuque et du cuir chevelu.   La prise en charge de cette forme de gale doit se faire en milieu hospitalier en raison des difficultés thérapeutiques.  La gale des personnes âgées vivant en institution est un problème auquel le dermatologue sera probablement de plus en plus souvent confronté en raison de l’évolution démographique. Certaines particularités doivent être soulignées. Le retard diagnostique est fréquent en raison de la sous-médicalisation des structures de long séjour et de la difficulté de l’examen clinique dans de bonnes conditions. Le prurit n’est pas toujours exprimé par des malades déments, hémiplégiques, grabataires ou traités par des psychotropes. Lorsqu’il l’est, le diagnostic de prurit sénile est trop facilement évoqué dans le contexte. Chez les sujets les plus atteints, il s’agit rarement de gale commune ou de gale hyperkératosique, mais plus souvent d’une éruption érythémateuse papulovésiculeuse disséminée, de topographie atypique, avec une atteinte possible du dos(3). La gale des personnes âgées vivant en institution est rarement une gale commune ou une gale hyperkératosique. La promiscuité explique une contagiosité importante et la multiplicité des intervenants rend souvent difficile la prise en charge. À titre d’exemple, un malade hautement contaminant et non diagnostiqué dans une aile de long séjour peut impliquer aisément une quinzaine de malades ayant été en contact proche, une trentaine de membres des familles de malades, une cinquantaine de soignants ou intervenants divers et une centaine de membres des familles des soignants… Le conseil supérieur d’hygiène publique de France recommande une définition très large des sujets contacts en cas de gale profuse, ce qui est fréquemment le cas dans les épidémies institutionnelles(4). Des comportements irrationnels ou revendicatifs s’observent volontiers dans ce type de situation car la gale reste une maladie mal vécue psychologiquement par les malades, leur famille et par le personnel paramédical ou médical(5). À Orléans, une formation du personnel hospitalier sur la gale a été organisée pour cette raison. Une cellule de gestion est activée en cas d’épidémie comprenant : un représentant de l’administration, le service d’hygiène, la médecine du travail, la pharmacie, la blanchisserie, les dermatologues et les médecins des services de long séjour. Dans une étude épidémiologique effectuée en 1996, l’ancienneté de la structure, sa grande taille et un ratio aides-soignantes/lits supérieur à 10 étaient significativement liés au risque de survenue de la gale(5). La stratégie de prise en charge de ces épidémies est complexe et l’évaluation régulière de l’efficacité thérapeutique est indispensable(3). Le coût étant très élevé (médicaments, antiacariens, blanchisserie, arrêts de travail, temps médical et paramédical), le diagnostic de gale doit être évoqué de principe devant un prurit chez une personne âgée vivant en institution.   Associations ou complications ?    Des vascularites cutanées sont classiquement décrites au cours de la gale, mais les observations de la littérature sont rares et non superposables. Il peut s’agir de gales communes ou profuses. L’aspect clinique observé est un purpura pouvant s’accompagner de nécroses, de bulles, d’arthralgies ou de douleurs abdominales. La survenue d’une glomérulonéphrite est possible même en l’absence de surinfection bactérienne(6). La vascularite survient plusieurs semaines à plusieurs mois après le début de la gale. Un cas de purpura avec des lésions histologiques thrombotiques a été rapporté, au cours d’une gale profuse s’accompagnant d’une élévation transitoire des anticorps anticardiolipides(7) (figure 5). Des vascularites cutanées sont classiquement décrites au cours de la gale.  Des formes plus anecdotiques peuvent s’observer : des lésions urticariennes étendues ont été rapportées au cours de gales. Les gales bulleuses sont exceptionnelles et peuvent simuler une pemphigoïde, mais l’immunofluorescence cutanée directe est négative(8) (figure 6). Des gales localisées sont possibles sous la forme d’une ou de rares lésions axillaires, par exemple. Les formes croûteuses localisées touchent le cuir chevelu, les ongles, la plante des pieds ; elles sont souvent méconnues, pouvant persister après un traitement de gale et être à l’origine de récurrences. Chez la femme enceinte, la gale peut faire évoquer à tort une dermatose spécifique de la grossesse.   Figure 5. Purpura au cours d’une gale. Figure 6. Bulle interdigitale au cours d’une gale.   Gale, maladie professionnelle   La gale est reconnue comme une maladie professionnelle depuis 1999. Elle ouvre donc droit à la gratuité des soins et à la prise en charge d’éventuelles complications. Elle est répertoriée au tableau 76 du régime général. Sont concernés « tous les travaux effectués par le personnel de soins et assimilés, de laboratoire, d’entretien, de service ou de services sociaux mettant en contact direct avec les porteurs d’une scabiose ». Le diagnostic de gale doit être évoqué systématiquement dans les professions évoquées ci-dessus, compte tenu de la possibilité de transmission nosocomiale. Les professions les plus exposées sont les aides-soignantes en raison du type de soins qu’elles pratiquent. À titre d’exemple, la jeune femme aide-soignante dont l’atteinte plantaire est reproduite en figure 7 s’est contaminée auprès d’un malade ; elle a développé une gale profuse et a par la suite contaminé plusieurs membres de sa famille et plusieurs malades. L’évaluation après traitement est également indispensable dans ce contexte. Figure 7. Maladie professionnelle : lésions kératosiques profuses des orteils chez une aide-soignante.

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