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Thérapeutique

Publié le 23 aoû 2021Lecture 7 min

Le thermalisme, une thérapeutique du troisième millénaire

Patrice QUENEAU, Saint-Étienne

La cure thermale est une thérapeutique médicale qui associe soins hydrothermaux, rééducation et éducation. Elle prend en charge annuellement en France plus d’un demi-million de patients porteurs d’affections ou de handicaps chroniques, en général des personnes âgées évoluant souvent dans un contexte de multi-morbidités cardiorespiratoires et rhumatologiques, mais aussi des plus jeunes dans le cadre des affections ORL et dermatologiques.

UNE THÉRAPEUTIQUE RECONNUE SCIENTIFIQUEMENT, EFFICACE ET UTILE Déjà, en 2000, dans notre livre collectif Médecine thermale : Faits et preuves, bonnes indications, bonnes pratiques(1) nous apportions les preuves scientifiques de son efficacité, de sa tolérance et in fine, de son bénéfice/risque pour les malades, notamment dans le cadre des maladies rhumatologiques. Il existe de longue date des données très précises sur la composition (soufre, bicarbonate, minéraux, sélénium...) et les caractéristiques de chaque eau thermale. Ces eaux fondent la spécificité du thermalisme et interviennent pour une large part dans l’attribution des différentes orientations thérapeutiques des cures thermales(2). Cette spécificité de chaque eau thermale prend un relief particulier dans certaines indications : d’une part, là où les cures de boisson sont essentielles ; d’autre part, là où l’eau thermale est en contact direct avec l’organe traité. Tel est le cas notamment dans les affections dermatologiques inflammatoires chroniques comme l’eczéma et le psoriasis ou les atteintes cutanées aiguës comme les brûlures et cicatrices. L’efficacité est aussi observée pour les atteintes respiratoires, gynécologiques, des muqueuses bucco-linguales et anales... Dans toutes ces pathologies, ce contact direct de l’eau, capital, conduit à des pratiques spécifiques à chaque station. © Jérôme Galland D’autres progrès scientifiques concernent la recherche clinique moderne. Il existe aujourd’hui des centaines d’études cliniques contrôlées (randomisées ou non) et d’autres à caractère épidémiologique, obéissant à des méthodologies incontestables, publiées dans des revues internationales indépendantes. Elles apportent de hauts niveaux de preuves de l’efficacité du thermalisme dans ses bonnes indications. Ces données sont regroupées dans notre dernier livre La médecine thermale - Données scientifiques(3). Y sont rassemblées les données actualisées sur les composantshydrothermaux et les pratiques des soins thermaux, incluant la rééducation, la diététique, les approches psychologiques et l’éducation thérapeutique. À cet effet, il faut saluer le travail d’évaluation et de recher- che réalisé par : – l’Académie nationale de médecine, dont c’est une mission régalienne depuis sa création en 1820. L’Académie conseille la Direction générale de la santé en matière de nouvelles demandes thérapeutiques de la part d’établissements thermaux. À cet effet, elle a publié en 2016 de nouveaux critères d’habilitation(4) ; – et depuis 2004 par l’Association française pour la recherche thermale (AFRETH). Cette structure, soutenue efficacement par le Conseil national des établissements thermaux (CNETh) est pionnière en matière de promotion de la recherche thermale par rapport à tous les autres pays. Ses études sont co-financées par les entrepreneurs, mais aussi par les élus des villes thermales.  600 000 CURISTES EN FRANCE EN 2019 : DES INDICATIONS ANCIENNES ET... NOUVELLES La France a compté environ 600 000 curistes en 2019(5), 9e année consécutive de croissance. On estime que le nombre de curistes en Europe (dans l’acception française du terme) se situe entre 2,5 et 3 millions par an. Si l’usage du thermalisme est multimillénaire, l’usage thérapeutique des eaux thermales et l’utilité d’une cure sont reconnus en France depuis 1947. Les preuves scientifiques de son utilité se sont multipliées dans ses domaines d’habilitation reconnus (maladies musculo-squelettiques, cutanées, neurologiques, respiratoires, vasculaires, métaboliques, digestives, urinaires, génitales, pédiatriques...)(6-15). Mais de nouvelles orientations thérapeutiques des cures ont fait l’objet d’évaluations scientifiques, qui ouvrent une place au thermalisme dans le parcours de soins d’autres types d’affections telles que les maladies liées au stress (dépression, anxiété, burn-out, fibromyalgie...), les troubles métaboliques (surpoids, syndrome métabolique, maladies cardio-vasculaires...), les addictions (tabac, alcool, cannabis et autres drogues...), mais aussi les suites lointaines de cancers(16-17). En outre, de nombreuses personnes âgées, porteuses de plusieurs maladies et polymédicamentées, tirent un réel bénéfice des cures thermales. Celles-ci sont un lieu et un temps de prise de conscience utile à leur éducation thérapeutique, aidant le malade à devenir le copilote éclairé de ses traitements. QUEL "SERVICE MÉDICAL RENDU" (SMR) POUR LE THERMALISME ? Base du remboursement des médicaments par les organismes de prise en charge, le SMR fait aujourd’hui l’objet d’évalua- tions scientifiques pour chaque thérapeutique, médicamenteuse ou non. Le thermalisme n’y échappe pas, bien au contraire, qui procède aux investigations nécessaires pour prouver son efficacité et son utilité dans ses bonnes indications comme dans ses pratiques, sans négliger son utilité sociale et économique. UNE THÉRAPEUTIQUE À VOCATION SOCIALE D’importantes inégalités sociales perdurent dans la plupart des pays du monde, avec comme conséquence des espérances de vie, a fortiori en bonne santé et sans incapacité, plus élevées chez les cadres et les professions « intermédiaires » que chez les ouvriers. C’est dans ce sens que les cures thermales prolongent leur bénéfice thérapeutique direct par une action sociale, surtout utile pour les citoyens qui ont dû af- fronter des conditions de vie difficiles pour des raisons professionnelles (stress, vie trépidante) ou psycho-sociales (insécurité, pauvreté...). UNE THÉRAPEUTIQUE ÉCONOMIQUE POUR LA SOCIÉTÉ Rappelons qu’en France, le malade prend en charge en moyenne entre deux tiers et trois quarts des frais réels engagés pendant sa cure thermale, si l’on inclut l’hébergement, les repas et le transport. Ainsi, le remboursement par l’Assurance maladie, pour précieux qu’il soit, n’intervient en moyenne que pour un quart à un tiers du coût total de la cure. Ainsi, au total en 2016, le coût global des dépenses thermales prises en charge par l’Assurance maladie (les 3 régimes) était d’environ 325 millions d’euros, soit environ 0,16 % de son budget global. Or dans le même temps, les recettes fiscales et sociales produites par la filière thermale (établissements thermaux, médecins thermaux, hébergement, restauration, loisirs, transport des curistes) étaient estimées à environ 240 millions d’euros par an. De sorte que, les ressources communautaires consommées (honoraires médicaux, soins thermaux et subventions publiques) représentant environ 300 millions d’euros par an, le coût net du thermalisme pour la société n’était plus que de l’ordre de 60 millions pour la prise en charge de quelque 600 000 curistes ; ceci avec les bénéfices thérapeutiques précités et les coûts évités par la fréquente réduction de la consommation de médicaments (antalgiques, anti-inflammatoires, psychotropes...) et la diminution parallèle de leurs effets indésirables. UNE THÉRAPEUTIQUE À VOCATION ÉCOLOGIQUE ET ENVIRONNEMENTALE Sans se laisser bercer par l’imagerie populaire de l’eau naturelle jaillissante conférant la santé et la beauté, force est de reconnaître les mérites écologiques de ce thermalisme de nos territoires qui est, à n’en pas douter, l’une des richesses impérissables de la France. Né de l’exploitation des sources d’eaux minérales provenant de couches profondes de l’écorce terrestre, sans oublier ses vertus climatiques souvent associées, le thermalisme constitue une ressource environnementale utile à la prévention de la pollution et du réchauffement climatique (C.-F. Roques(18)). Nul doute que cette dimension écologique de la santé s’avère riche de perspectives, sans oublier que le thermalisme assure environ quelque 9 500 emplois directs et 90 000 emplois indirects induits, non délocalisables. CONCLUSION : L’AVENIR EST DANS UNE RECHERCHE DE HAUT NIVEAU (P. QUENEAU(19)) La médecine thermale a développé depuis une vingtaine d’années une recherche exigeante grâce à la qualité méthodologique et éthique de nombreux travaux, ainsi qu’à l’indépendance des investigateurs. La qualité de cette recherche, stimulée et soutenue inlassablement par l’AFRETH, a été identifiée par les comités de lecture de revues internationales mais aussi par l’Assurance maladie, la représentation nationale (D. Dord(20)) et la Cour nationale des comptes(21). La recherche se poursuit également très activement sur la composition des eaux thermales (C.-F. Roques(22)) et ses effets. Des études sont notamment réalisées sur les eaux de certaines sources thermales comme Saint-Gervais Mont-Blanc(23) et La Roche-Posay(24,25). Ces établissements travaillent en étroite collaboration avec les équipes de recherche dédiées à la cosmétique sur des méthodologies novatrices comme par exemple la mise en place des modèles de peau in vitro, dans le but de mieux déchiffrer les propriétés intrinsèques des minéraux contenus dans les eaux thermales. Tous ces travaux ont permis de mieux préciser les bonnes indications et les bonnes pratiques des cures thermales ; mais aussi de s’appuyer sur l’efficacité de ces eaux riches en minéraux pour formuler des produits cosmétiques, comme la marque Saint-Gervais Mont-Blanc qui formule ses produits avec son eau thermale. Les thermes de Saint-Gervais - Mont-Blanc.                  © Jérôme Galland Base d’une formation exigeante des professionnels thermaux mais aussi des médecins prescripteurs, cette recherche doit se poursuivre assidûment en regroupant les forces vives du monde thermal afin de relever le défi d’un service médical rendu du thermalisme. Toute régression dans cette dynamique de recherche pénaliserait l’avenir du thermalisme. Veillons à valoriser cette richesse exceptionnelle qu’est un thermalisme intégré dans un réseau de soins utiles pour les malades, notamment atteints d’affections et/ou de handicaps chroniques. Oui, le thermalisme est un atout majeur pour la France du XXIe siècle.

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