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Cancérologie

Publié le 28 jan 2013Lecture 6 min

Une dermatomyosite révélant des métastases hépatiques et osseuses d’une tumeur mammaire infraclinique

Y. OUIDAN, B. HASSAM, L. BENZEKRI, Service de dermatologie, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc

La dermatomyosite est une maladie rare, d’étiologie inconnue, d’un grand polymorphisme clinique et évolutif, associant une atteinte inflammatoire du muscle strié et un syndrome cutané. Elle est d’origine paranéoplasique dans 6 à 60 % des cas selon les différentes séries. Les tumeurs les plus souvent associées sont les tumeurs ovariennes et mammaires chez la femme, et les tumeurs bronchiques, digestives et nasopharyngées chez l’homme. Nous rapportons ici un cas de dermatomyosite révélant des métastases hépatiques et osseuses d’une tumeur mammaire infraclinique.

Observation Madame M.F., âgée de 47 ans, est suivie dans le service de dermatologie pour une dermatomyosite, traitée depuis un an par corticothérapie orale (en voie de dégression) et hydroxychloroquine à la dose de 200 mg deux fois par jour. Elle a bénéficié d’une thyroïdectomie subtotale pour un goitre multinodulaire, dont l’étude histologique avait montré la bénignité de l’hyperplasie thyroïdienne. Le reste du bilan paranéoplasique initial était tout à fait normal. L’évolution a été marquée par une nette amélioration de la symptomatologie musculaire et la persistance des signes cutanés, notamment un érythème du visage et de la face d’extension des membres (figure 1), avec apparition d’un prurit intense.   Figure 1. Érythème du visage (a) et des faces d’extension des membres (b,c). Un bilan paranéoplasique de contrôle a été demandé. La mammographie a objectivé un surcroît d’opacité de petite taille avec microcalcifications en regard (figure 2). À l’échographie mammaire, la lésion était d’échostructure tissulaire mesurant 2,6 mm/ 1,9 mm, sans adénopathies axillaires objectivées.   Figure 2. Mammographie. Adénocarcinome du sein avec microcalcifications. La tomodensitométrie abdominale avait objectivé des localisations secondaires hépatiques (figure 3), et la scintigraphie osseuse avait montré des foyers d’hyperfixation au niveau du rachis dorsolombaire et de l’articulation acromioclaviculaire droite en faveur de localisations secondaires osseuses (figure 4). Le scanner cervicothoracique et cérébral, la fibroscopie oesogastroduodénale, la colonoscopie, l’examen ORL et l’examen gynécologique étaient normaux. La ponction biopsie hépatique était en faveur de métastases d’un adénocarcinome moyennement différencié avec à l’immunohistochimie une positivité de la CK7 et une négativité de la CK20 et de la TTF1. La recherche des récepteurs hormonaux RE/PP était négative. Le dosage des marqueurs tumoraux avait montré la positivité des CA15-3 à plus de 300 UI/ml. Une biopsie exérèse de la tumeur mammaire après repérage radiologique était indiquée, mais vu l’altération rapide de l’état clinique de la patiente, une chimiothérapie palliative était proposée.   Figure 3. TDM abdominale : métastases hépatiques. Figure 4. Scintigraphie osseuse : hyperfixations rachidiennes dorsolombaire et acromioclaviculaire droite. Malheureusement, la patiente est décédée avant l’instauration du traitement.   Commentaire La dermatomyosite est une maladie rare avec une incidence de 0,7-1/100 000 dans la population générale(1). Elle est caractérisée par une myopathie inflammatoire et des lésions cutanées typiques. L’association avec une néoplasie est actuellement bien établie, rapportée dans 6 à 60 % selon les séries. Depuis la première observation décrite par Stertz en 1916, concernant un patient avec adénocarcinome gastrique, quelques cohortes et de nombreuses études rétrospectives ont été rapportées(2). La découverte de la néoplasie se fait généralement au cours de la première année du diagnostic de la dermatomyosite, mais peut apparaître jusqu’à 5 ans après le diagnostic(3). La dermatomyosite précède le cancer dans 60 à 80 % des cas(4). Par rapport à la population générale, le risque de néoplasie est 3 à 6 fois plus élevé chez les patients présentant une dermatomyosite. Différents types de cancer sont retrouvés en association à une dermatomyosite, et pratiquement toutes les localisations sont possibles. Cependant, les cancers gynécologiques semblent plus particulièrement représentés. Ainsi, d’après J.P. Callen et coll.(5), ils représenteraient 33 % de l’ensemble des cancers associés incluant les cancers mammaire (17 %), ovarien (9 %) et utérin (7 %). De ce fait, pour certains auteurs, un dépistage systématique devrait être effectué chez les femmes de plus de 40 ans par examen gynécologique, mammographie, échographie ou TDM pelvienne et frottis cervicovaginal(6). Dans une autre étude rétrospective (L. Fardet et coll.), les néoplasies fréquemment mises en évidence étaient ovariennes, ORL, pulmonaires et mammaires(4). Des critères cliniques et biologiques sont statistiquement liés à l’association à un cancer chez les malades atteints de dermatomyosite. Ces critères sont différemment approuvés par les différentes études, comme le début brutal de la symptomatologie cutanéo-musculaire, la présence de lésions nécrotiques cutanées et/ou d’un érythème péri-unguéal, ainsi qu’un taux bas de la fraction C4 du complément(7). L’âge avancé au-delà de 50 ans, le sexe masculin, le taux élevé de la VS et de la CRP et l’hypoalbuminémie ont été aussi considérés comme facteurs prédictifs d’association à une néoplasie au cours de la dermatomyosite(8). L’évolution de la dermatomyosite ne suit pas toujours celle de la tumeur. Néanmoins le cancer représente la principale cause de décès chez les patients atteints de dermatomyosite paranéoplasique. Dans une étude multicentrique tunisienne, la médiane de survie était de 36,5 mois après le diagnostic de dermatomyosite, et de 48,6 mois après celle du cancer. La survie à 5 ans était à 38 % par rapport au cancer(2). Notre observation reste originale, car elle rapporte un cas de dermatomyosite révélant des métastases hépatiques et osseuses d’un adénocarcinome mammaire infraclinique découvert un an après le diagnostic de la dermatomyosite, après bilan paranéoplasique initial tout à fait normal. La résistance de la symptomatologie cutanée au traitement a motivé la réalisation d’un bilan de contrôle. Le début brutal et la résistance au traitement de la symptomatologie cutanéo-musculaire ont été aussi considérés comme des facteurs prédictifs d’association à une néoplasie par certaines études(3,7).   Conclusion La dermatomyosite est une affection rare caractérisée par la fréquence de son association à un cancer. La présence d’un cancer associé constitue le facteur pronostique le plus péjoratif. Le diagnostic précoce d’une néoplasie est fondamental pour améliorer le pronostic. Divers critères sont couramment utilisés en pratique clinique pour sélectionner les patients les plus à risque de cancer sous-jacent, mais ils ne sont pas spécifiques et ne sont pas validés par toutes les études(9). Notre observation illustre l’intérêt d’une enquête étiologique à la recherche d’une néoplasie sous-jacente. Cette démarche comporte en plus du bilan une surveillance à des intervalles réguliers de 6 à 12 mois pendant 2 à 5 ans, après le diagnostic de dermatomyosite.

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