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Psoriasis

Publié le 28 jan 2013Lecture 13 min

Le psoriasis de l’enfant

E. MAHÉ, Service de dermatologie, hôpital Victor Dupouy, Argenteuil
Le psoriasis touche 2 à 5 % de la population. Un début dans l’enfance est rapporté chez 30 à 50 % des patients et jusqu’à deux tiers des patients dans les formes familiales. Le diagnostic est clinique et ne nécessite pas, en général, d’explorations complémentaires. Toutes les formes de psoriasis sont observées chez l’enfant. Cependant, la fréquence des différentes formes varie avec l’âge. Une grande part de la prise en charge est destinée à expliquer la maladie à l’enfant et à ses parents, et l’objectif, les moyens et les limites des traitements.
Épidémiologie On distingue classiquement deux grands types de psoriasis : le « psoriasis familial » et le « psoriasis sporadique ». Le premier débute précocement et la composante familiale est retrouvée deux fois sur trois. Cette notion familiale peut être utile si le diagnostic de psoriasis est difficile chez un enfant. Le second type de psoriasis est de début plus tardif, à l’âge adulte et la composante familiale n’est retrouvée que dans un cas sur trois. Plusieurs études récentes ont essayé d’évaluer la fréquence du psoriasis chez l’enfant avec des données contradictoires. Néanmoins, deux études européennes ont évalué cette prévalence, avant 18 ans, à environ 0,7 %. Peu de données sont disponibles quant au devenir des enfants psoriasiques. Une étude récente montre que la forme clinique du psoriasis est stable entre l’enfance et l’âge adulte, et que la sévérité du psoriasis à l’âge adulte ne semble pas modifiée par un début dans l’enfance.   Aspects cliniques L’aspect sémiologique « typique » de la plaque de psoriasis chez l’enfant est le même que chez l’adulte. La lésion élémentaire est une plaque squameuse, à squames épaisses « psoriasiformes », bien limitée, symétrique touchant les zones bastions. Dans les formes précoces, les plaques peuvent être plus petites et les squames plus fines que chez l’adulte, pouvant prendre un aspect volontiers eczématiforme, trompeur.   Les formes cliniques    L’aspect le plus fréquemment observé chez l’enfant est le psoriasis en plaques (figure 1). L’aspect clinique diffère cependant avec l’âge : psoriasis des langes chez le nourrisson, psoriasis en gouttes chez l’enfant, par exemple. Enfin, certaines localisations semblent plus fréquentes chez l’enfant comme l’atteinte des organes génitaux externes, du visage et les pulpites sèches. Les plaques du cuir chevelu peuvent avoir l’aspect classique. Cependant, un aspect de fausse teigne amiantacée (figure 2) peut être observé chez l’enfant et être révélateur du psoriasis. L’enfant se présente avec un casque de squames-croûtes grisâtres, épaisses, adhérentes aux cheveux. Il n’y a classiquement pas d’alopécie associée.   Figure 1. Psoriasis en plaques. Figure 2. Fausse teigne amiantacée.  La présentation qui semble la plus fréquente durant les deux premières années de vie est le psoriasis des langes. Il débute dans les plis et peut diffuser sur toute la zone des couches. L’aspect typique est celui d’un érythème fessier bien limité, vernissé, peu squameux, prédominant sur les convexités (figure 3). La localisation au siège s’observe aussi chez l’enfant plus grand. Il se localise alors au niveau des organes génitaux externes.   Figure 3. Psoriasis des langes.    La fréquence du psoriasis en gouttes est plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte. Ce serait la première manifestation de 20 à 40 % des enfants. C’est un psoriasis éruptif qui peut secondairement se chroniciser. Il est constitué de petites macules, souvent rosées, prédominant sur le tronc et la racine des membres. Il disparaît spontanément dans 50 % des cas en quelques mois. Le psoriasis en gouttes succède fréquemment à une infection à streptocoque bêta-hémolytique (groupe A, mais aussi C ou G), surtout à type d’angine, mais aussi de vulvite, d’anite ou de balanite. Un prélèvement bactériologique (ou un test de diagnostic rapide) est systématiquement pratiqué en cas de suspicion clinique d’infection streptococcique. La réalisation d’un prélèvement afin de rechercher une infection latente est proposée par certains auteurs.    L’atteinte du visage est plus fréquente chez l’enfant. Un aspect sémiologique très particulier à l’enfant est l’aspect en « clown rouge » (figure 4). Le psoriasis touche de façon exclusive ou non, les deux joues. Les plaques sont très inflammatoires, symétriques et très bien limitées. La localisation aux paupières et aux plis rétroauriculaires est aussi fréquente, mimant une dermatite atopique.    Les formes palmo-plantaires en plaques ou pustuleuses sont observées chez l’enfant. L’atteinte la plus fréquente est la pulpite sèche, souvent fissuraire. Elle a un retentissement important pouvant entraîner des difficultés à l’écriture (figure 5) avec retentissement scolaire.   Figure 4. Psoriasis du visage en « clown rouge ».   Figure 5. Psoriasis pulpaire, fissuraire empêchant l’utilisation « normale » du stylo.  Comme chez l’adulte, des atteintes unguéales, linguales ou articulaires peuvent être observées. Un tiers des enfants auraient une atteinte unguéale (figure 6) et moins de 10 % une atteinte linguale, principalement de type langue géographique (figure 7). Enfin, si le rhumatisme psoriasique touche 10 à 25 % des adultes psoriasiques, il est exceptionnel chez l’enfant et toucherait plus fréquemment l’adolescent.   Figure 6. Psoriasis unguéal.  Figure 7. Psoriasis lingual : langue géographique.   Points importants pour le diagnostic Devant un enfant suspect de psoriasis, des éléments importants sont à prendre en compte pour aider au diagnostic : – antécédents familiaux ; – aspect de la lésion élémentaire ; – lésions à distance (figures 2 et 4) ; – atteintes des zones bastions ; – atteinte extra-cutanée (ongles et langue).     Traitements Dans la majorité des cas, le psoriasis de l’enfant est une maladie bénigne avec un retentissement esthétique et donc social. L’objectif du traitement ne sera pas de guérir la maladie (ce qu’il faudra expliquer aux parents et à l’enfant), mais de la rendre acceptable pour l’enfant, c’est-à-dire, lui autoriser une vie la plus normale possible, éviter les moqueries, pouvoir écrire (figure 5), aller à la piscine, etc. Ainsi, un psoriasis du visage doit être traité alors que l’objectif thérapeutique dans un psoriasis en gouttes aigu chez un enfant en bas âge pourra être plus modeste. L’importance d’une relation et d’une discussion médecin-enfant-parents étroite dans la prise en charge de l’enfant est primordiale. Elle permet à la famille de comprendre le psoriasis, d’intervenir dans le choix du traitement, et de s’assurer de la bonne observance thérapeutique afin d’aboutir aux objectifs préalablement établis ensemble (traitement de la poussée, simples émollients, etc.). Le trépied thérapeutique associe (la première consultation est un peu longue) : – une phase d’éducation des parents et de l’enfant : qu’est-ce que la maladie ? quelle est son évolution ? quels sont les possibilités thérapeutiques ? etc. ; – le traitement, local ou général ; – un soutien psychologique parfois utile.   Éducation des parents et de l’enfant    Transmission et évolution de la maladie : les questions des parents Trois questions sont fréquemment posées en consultation : « est-ce contagieux ? », « va-t-il avoir ça toute sa vie ? », « si j’ai un autre enfant, risque-t-il d’avoir du psoriasis ? ». La première question ne pose pas de problème et l’on se doit d’être très rassurant. Le devenir du psoriasis au long terme est une question plus difficile à aborder car l’évolution est imprévisible. Il faudra essayer d’être rassurant même si les données concernant le devenir au long terme du psoriasis sont contradictoires. Enfin, le risque de développer un psoriasis si un parent est atteint serait de 25 %, et de 60-70 % si les deux parents sont atteints.  L’éducation thérapeutique Les principes du message à transmettre aux parents ne se limitent pas aux traitements, mais il faut savoir expliquer ce qu’est la maladie et son devenir afin de faire adhérer les parents à la maladie de l’enfant et au projet thérapeutique. On peut séparer le message en trois axes : • physiopathologie (« ce n’est pas dans la tête ») : – terrain génétique et immunologique prédisposant à la maladie, – intervention de facteurs environnementaux (dont le stress) dans les poussées de la maladie, éviter les traumatismes (ex. : éviter de se ronger les ongles) ; • évolution de la maladie : – maladie non mortelle, non contagieuse, – maladie chronique évoluant par poussées, – rémissions spontanées ou avec le traitement possibles ; • traitement : – aucune restriction alimentaire, sportive ou vaccinale, – il n’existe pas de traitement curatif, les thérapeutiques contrôlent les poussées, – le traitement est adapté à la localisation des lésions, à l’extension des lésions et à l’aspect sémiologique, – un soutien psychologique peut être utile dans les formes sévères.   Traitements médicaux    Traitements locaux • L’utilisation d’un émollient est, dans tous les cas, très utile. Elle permet d’éliminer les squames et est satisfaisante d’un point de vue cosmétique. • Sur des lésions plus kératosiques, notamment dans les fausses teignes amiantacées, l’adjonction d’acide salicylique (3-10 %) permet de réduire rapidement l’hyperkératose. Il faut éviter l’application sur des grandes surfaces, et la contre-indiquer chez l’enfant de moins de 2 ans. • Le traitement par dermocorticoïdes est très utile pour le traitement d’attaque. L’application sur des grandes zones et au long cours pose cependant des problèmes de toxicité cutanée. Il ne faudra pas hésiter à débuter avec des corticoïdes forts ou très forts et les utiliser de façon prolongée : plusieurs semaines, voire mois. Le traitement « d’attaque » est à maintenir jusqu’au blanchiment des lésions avant de débuter une décroissance très progressive sur plusieurs semaines ou mois afin d’éviter un rebond. • Les dérivés de la vitamine D et les rétinoïdes locaux n’ont pas d’AMM chez l’enfant, à l’exception du calcipotriol qui est autorisé à partir de 6 ans. • L’assocation calcipotriol-bétaméthasone n’est, d’après l’AMM, pas recommandée chez le patient de moins de 18 ans. Néanmoins, par analogie au calcipotriol, il peut être utile chez l’enfant, sur des plaques localisées. • Le tacrolimus, bien que sans AMM dans cette indication, paraît efficace dans les formes localisées, et notamment pour les localisations au visage, aux plis et les atteintes ano-génitales. • Il est important d’expliquer aux parents les propriétés des produits, leur puissance, leur toxicité et les propriétés cosmétiques des produits prescrits qui permettront de choisir le traitement local le plus adapté à l’enfant. Le psoriasis des langes pose des problèmes thérapeutiques spécifiques. Il faut limiter les facteurs de contact : laisser tant que possible les fesses à l’air, changer plus fréquemment l’enfant pour éviter les macérations, traiter les surinfections par des antifongiques (kétoconazole, ciclopiroxolamine). D’un point de vue thérapeutique, les dérivés de la vitamine D et les rétinoïdes sont irritants sous occlusion. Les dermocorticoïdes sont à éviter sous occlusion, mais peuvent être employés à condition d’utiliser un dermocorticoïde d’activité modérée, en cure courte.  Photothérapies Du fait de son risque carcinogène, les photothérapies sont évitées chez le petit enfant. Il est recommandé en France d’éviter ces thérapeutiques avant l’âge de 12 ans. La préférence serait la photothérapie UVB, considérée comme moins carcinogène.  Antibiothérapie dans le psoriasis en gouttes La dispersion des lésions sur tout le tégument rend l’utilisation de traitements locaux inadaptée. Les émollients peuvent suffire à rendre cosmétiquement acceptable cette éruption qui va dans 50 % des cas régresser spontanément. Le rôle du streptocoque dans la pathogenèse du psoriasis en gouttes fait discuter l’utilisation d’antibiotiques. S’il existe un foyer streptococcique, l’antibiothérapie par bêtalactamines ou macrolides est justifiée. La durée du traitement est adaptée à la localisation du foyer (5-7 jours pour une angine contre au moins un mois en cas d’atteinte ano-génitale). Aucune étude n’a démontré l’intérêt d’une antibiothérapie sur une infection streptococcique latente, quels que soient la durée et le type d’antibiotique, sur l’évolution en termes de guérison, d’évolution vers une autre forme de psoriasis ou de nombre de récurrences de ce type de psoriasis. Si le psoriasis en gouttes se chronicise, un traitement général, rétinoïdes ou photothérapie, sera discuté.  Traitements généraux L’utilisation de traitements systémiques doit être discutée chez l’enfant si : – il présente une forme sévère de psoriasis ; – il existe une résistance (et non un simple défaut d’observance) aux traitements locaux ; – l’enfant et les parents peuvent adhérer au traitement. • L’acitrétine (Soriatane®) trouve une excellente indication dans ces formes sévères, notamment dans le psoriasis pustuleux. Elle représente actuellement le traitement général de première intention du psoriasis de l’enfant pour de nombreux « dermato-pédiatres ». Chez l’enfant, il serait « efficace » dans 60 % des cas. La dose de départ est d’environ 0,5 mg/kg/j avec une dose maximale de 1 mg/kg/j. Le maximum d’efficacité est obtenu au bout de 4 à 8 semaines. Cette dose est ensuite diminuée jusqu’à obtention de la dose minimale efficace pour une durée de 6 à 12 mois le plus souvent. L’acitrétine peut être utilisée en association à la photothérapie. Le risque de soudure précoce des épiphyses, qui a été longtemps un obstacle psychologique à l’utilisation de ce traitement, semble exceptionnel à ces doses et ne justifie pas de mesure de surveillance particulière. Cela d’autant que, contrairement aux ichtyoses, le traitement n’est pas destiné à être poursuivi pendant plusieurs années. • Il existe peu de données concernant l’utilisation de la ciclosporine (Néoral®) et du méthotrexate chez l’enfant. Leur prescription doit être réservée à des formes sévères, après échec des traitements locaux et de l’acitrétine. Ils doivent être prescrits dans des centres habitués au maniement des ces molécules. L’objectif est d’utiliser les doses minimales efficaces pour des durées limitées (6-18 mois). • Parmi les biothérapies ayant l’AMM pour le psoriasis (anti-TNF alpha : infliximab, étanercept, adalumimab ; et anti-interleukines 12/23 : ustékinumab), seul l’étanercept a l’AMM chez l’enfant de plus de 8 ans (demande d’extension d’AMM à 6 ans en cours). Sa prescription est limitée aux formes sévères résistantes aux autres traitements systémiques (stricto sensu : résistance ou contre-indication à deux traitements parmi immunosuppresseurs et la photothérapie) et son initiation doit être hospitalière. L’utilisation des autres biothérapies devra être discutée dans des centres de dermatologie pédiatrique. Le tableau synthétise les principes de l’utilisation de ces médicaments systémiques.   Tableau. Pour agrandir cliquez sur l'image     Conclusion   Le psoriasis de l’enfant est une pathologie fréquente. Le diagnostic en est le plus souvent aisé et aucun examen complémentaire n’est justifié. La prise en charge de l’enfant et des parents repose sur une relation de confiance qui permettra de faire comprendre les problèmes chroniques liés à cette pathologie bénigne et à optimiser la prise en charge de l’enfant.

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