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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 03 juil 2023Lecture 7 min

Quelle place pour les dermocosmétiques dans la dermatite atopique en 2023 ?

Florence TÉTART, Clinique dermatologique et Centre Erik-Satie, Allergologie, CHU de Rouen

La dermatite atopique est une maladie inflammatoire chronique de la peau très fréquente : elle touche environ 15 % des enfants et 4 % des adultes dans nos pays occidentaux. Sa physiopathologie est de mieux en mieux comprise. Ces dernières années, le rôle central de l’immunité dans cette pathologie a été mis en avant avec le développement de nouvelles thérapeutiques, comme les biothérapies (dupilumab, tralokinumab) et les immunomodulateurs (inhibiteurs de Janus kinase : upadacitinib, baricitinib, abrocitinib). De nouveaux traitements locaux sont également à l’étude : Roseomonas et inhibiteurs de Janus kinase topiques (ruxolitinib, delgocitinib)(1). Dès lors, on peut se demander quelle est la place des dermocosmétiques dans la prise en charge de cette maladie en 2023.

Pour répondre à cette question, il est intéressant de rappeler le rôle des anomalies de la barrière cutanée dans la dermatite atopique (DA), la définition d’un dermocosmétique, la place des dermocosmétiques dans les dernières recommandations de l’ETFAD et les ingrédients cosmétiques à éviter chez l’atopique.   RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE : LES ANOMALIES DE LA BARRIÈRE CUTANÉE DANS LA DA   Les altérations de la barrière cutanée ont été longtemps considérées comme le primum novens dans la physiopatho-ogie de la DA. Il est admis aujourd’hui qu’elles n’expliquent pas à elles seules la dermatite atopique ; le rôle central de l’immunité a été bien montré. Néanmoins, la barrière cutanée reste l’interface entre le corps humain et l’extérieur et elle est confrontée à ce qui est regroupé sous le terme d’« exposome » : agents sensibilisants, allergènes, irritants, pollution...   Diminution de la quantité de filaggrine Il existe chez les patients atteints de DA une diminution de la quantité de filaggrine dans la peau. La filaggrine est une protéine qui joue un rôle essentiel dans la fonction barrière : elle assure l’agrégation des tonofilaments de kératine dans la couche cornée et permet de maintenir une bonne hydratation de la couche cornée grâce à son produit de dégradation : le Natural Moisturizing Factor. La diminution de la filaggrine chez l’atopique peut être liée à des facteurs génétiques : de nombreuses mutations du gène codant pour la filaggrine (FLG) ont été identifiées dans les populations atteintes de DA. L’expression de la filaggrine et d’autres protéines de la membrane peut également être inhibée sous l’influence de cytokines de l’inflammation Th2 (IL4 et IL13). Il existe également une diminution d’autres protéines de la barrière cutanée (involucrine, loricrine...)(2). La filaggrine est également altérée sous l’influence des cytokines pro-inflammatoires IL4 et IL13.   Altération du ciment lipidique Le ciment lipidique à la surface de la peau présente également des altérations qualitatives et quantitatives. En effet, les céramides sont diminués aussi bien en peau normale et en peau lésée, et le ratio de céramides/cholestérol est abaissé. Il existe à la fois une diminution de la synthèse des céramides (liée à l’inactivation et la dégradation d’enzymes du fait d’un pH plus élevé et de l’activation de l’enzyme sérine protéase) et une diminution de la longueur des chaînes de céramides, d’acides gras libres ou esters d’acides gras chez l’atopique. Le stratum corneum est donc moins épais chez l’atopique, ce qui favorise la déshydratation et la sécheresse cutanée, à l’origine d’inconfort cutané et de démangeaisons.   Altération du microbiote cutané L’un des rôles de la barrière cutanée est de nous protéger des agressions extérieures et notamment des infections grâce aux mécanismes de l’immunité innée. Chez les patients atteints de DA, il existe une diminution des peptides antimicrobiens, qui va favoriser l’altération du microbiote cutané et la colonisation de la peau atopique par le staphylocoque doré. Ce dernier joue un rôle de superantigène, et cet état pro-inflammatoire va entretenir les lésions d’eczéma. Le malassezia furfur pourrait aussi avoir un rôle pro-inflammatoire dans les localisations du visage et du cou. Enfin, il existe un état pro-inflammatoire des kératinocytes qui est multifactoriel : il peut être constitutif ou induit par le grattage ou les agressions extérieures. Ces kératinocytes pro-inflammatoires vont alors sécréter des cytokines pro-inflammatoires : les alarmines (IL33, IL25, TSLP...)(3). La barrière cutanée est accessible aux traitements locaux et aux dermocosmétiques. Le rôle des dermocosmétiques est double : ne pas aggraver les altérations déjà existantes par des agents irritants et essayer de réparer ces altérations par l’apport d’agents lipidiques externes.   DÉFINITION D’UN DERMOCOSMÉTIQUE   La définition des dermocosmétiques est soumise à la réglementation européenne(4). Il s’agit de « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain, en vue exclusivement ou principalement de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ». Les cosmétiques sont donc des produits d’hygiène et d’embellissement. Dans la prise en charge de nos patients atopiques, ce sont surtout les produits lavants et les émollients qui vont nous intéresser. Les cosméto-textiles sont aussi considérés comme des produits dermocosmétiques. Ils sont actuellement développés dans la DA, notamment les textiles à l’argent pour prévenir les surinfections cutanées. Leur usage reste peu répandu en France. En revanche, les antiseptiques locaux ne sont pas des dermocosmétiques.   PRISE EN CHARGE DE LA DA : PLACE DES DERMOCOSMÉTIQUES   L’usage des dermocosmétiques fait partie des recommandations de base dans la prise en charge de la DA, quel que soit son degré de sévérité (légère, modérée ou sévère)(5). Ils accompagnent quotidiennement nos patients atopiques. Pendant longtemps, il leur était recommandé d’espacer les douches et les bains. Plusieurs études ont montré que les toilettes quotidiennes étaient possibles, à condition d’utiliser de l’eau tiède (éviter les températures extrêmes), un produit lavant adapté non irritant, et d’appliquer immédiatement après un émollient. Il est recommandé d’éviter les détergents forts et les savons alcalins et de privilégier les huiles de douche ou de bain, les gels douche émollients-6). L’ETFAD recommande ainsi entre 2 et 7 douches ou bains par semaine avec un produit adapté.   Émollients humectants ou occlusifs Concernant les émollients, les formules les plus simples contiennent le moins d’ingrédients possible. Les émollients peuvent soit être humectants en augmentant l’hydratation de la couche cornée, soit être occlusifs et empêcher l’évaporation de l’eau et la déshydratation de la couche cornée. L’urée est par exemple un agent humectant bien connu. Les corps gras utilisés peuvent être des huiles naturelles : acide oléique ou acide linoléique, par exemple. À noter que l’huile d’olive, bien que naturelle, n’est pas une bonne option pour les atopiques, car elle a un faible ratio acide linoléique/acide oléique. Il est possible d’ajouter des composants avec des propriétés intéressantes dans les émollients. L’acide lactique permet d’augmenter la production de céramides dans le stratum corneum. Certaines substances ont des propriétés anti-inflammatoires comme l’aloe vera, les gels de polysaccharides, le bisabolol (extrait de camomille) ou encore le gluconate de zinc. Le beurre de karité (shea butter) est intéressant, car il contient 5 acides gras majeurs : l’acide palmitique, l’acide stéarique, l’acide oléique, l’acide linoléique et l’acide arachidique. Le niacinamide permet d’augmenter les céramides épidermiques et les lipides intercellulaires et de diminuer la perte en eau transépidermique. Les licochalcones A, B et D, extraits de la racine de réglisse, ont des propriétés antiprolifératives pour les lymphocytes T et inhibent la production de cytokines pro-inflammatoires. Il existe également des produits cosmétiques spécifiques anti-grattage pour limiter le grattage compulsif sur certaines zones localisées(7). L’application quotidienne d’émollients permet de limiter les poussées de dermatite atopique. En revanche, quand il y a une poussée, les émollients ne suffisent plus et les dermocorticoïdes sont à privilégier. De plus, dans ces situations, il n’est pas rare que l’application de l’émollient déclenche des sensations de brûlure cutanée et que le patient ne le supporte pas. L’aloe vera est un émollient aux propriétés anti-inflammatoires intéressantes dans la prise en charge de la DA. Des études contradictoires Le rôle des émollients dans la prévention primaire de la DA a été étudié. Le principe était prometteur : rétablir une barrière cutanée satisfaisante par l’application d’un agent émollient qui pourrait limiter le rôle des irritants et la pénétration des allergènes dans la peau. Les études sont contradictoires. Simpson montrait en 2014 qu’appliquer quotidiennement un émollient sur la peau d’un nourrisson à risque permettait de réduire le risque de survenue de DA par 2, à 6 mois. L’étude de Skjerven montrait en 2020 que l’application quotidienne d’émollients ne prévenait pas la survenue de la DA dans la première année de vie(8,9).   INGRÉDIENTS COSMÉTIQUES À ÉVITER CHEZ LE PATIENT ATTEINT DE DA   La barrière cutanée altérée du patient atopique peut laisser pénétrer des agents sensibilisants dans la peau et entraîner des allergies de contact. Il est estimé qu’un patient atopique sur 3 développe des allergies de contact à un ou plusieurs ingrédients de ces émollients. De plus, la peau atopique est plus facilement irritée. Il est donc recommandé d’éviter les allergènes forts comme les parfums, les alcools de laine et dérivés d’alcools de laine, les conservateurs comme les isothiazolinones. Les agents tensio-actifs peuvent être à la fois très irritants et sensibilisants : le laureth sulfate, les glucosides sont aussi à éviter (tableau). Les patients atopiques doivent également se protéger du soleil. Les experts européens recommandent d’utiliser des produits solaires ne contenant pas de benzophénones et de butylmethoxy benzoylmethane(10). En conclusion, les dermocosmétiques gardent une place importante dans le quotidien de nos patients atteints de dermatite atopique, et ce, quelle que soit la sévérité de leur dermatite. Les produits lavants surgras évitent les irritations, et l’application quotidienne d’émollients permet de restaurer en partie la barrière cutanée et de limiter les poussées. Le dermatologue joue un rôle crucial de conseil auprès de ses patients afin de les aider à choisir les bons produits efficaces et dénués d’agents irritants ou sensibilisants.

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