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Cheveux, Poils, Ongles

Publié le 30 jan 2011Lecture 15 min

Les microgreffes capillaires : le dermatologue peut et doit les réaliser

J.-A. AMAR, Hôpital Saint-Louis, Paris

L’ère des champs de poireaux et des cicatrices délabrantes est révolue. La greffe de cheveux est devenue une intervention très sophistiquée nécessitant un personnel nombreux, des instruments tels que le microscope, avec des résultats très esthétiques. La chevelure normale compte environ 100 000 cheveux ; la perte physiologique est de 80 cheveux par jour, avec deux pics saisonniers, à l’automne et au printemps. La chute de cheveux diffuse et la calvitie patente représentent un motif de consultation très fréquent en dermatologie.

Quand proposer une greffe de cheveux ? Chez l’homme La calvitie masculine est largement dominée par l’alopécie androgénique (classification de Hamilton). Le traitement, selon l’âge et le contexte, fait appel soit au minoxidil à 5 % en application locale, soit au finastéride (Propecia®) en prise orale journalière de 1 mg, soit à l’association des deux. Ces traitements freinent le processus de chute, mais ne restaurent pas la chevelure comme pourrait le faire la chirurgie, voire un complément capillaire. Si le patient est motivé, après des années d’utilisation de ces traitements médicaux, la greffe de cheveux peut alors être proposée (figure 1). Chez la femme Selon la durée d’évolution, on distinguera deux situations :  Chute aiguë, si elle est apparue en moins de 3 mois. Les causes possibles sont le stress, l’accouchement, la fièvre, l’anesthésie générale, une perte de poids brutale, un changement de contraception, de médicaments, etc. Le plus souvent, tout rentre dans l’ordre en quelques mois. Pour aider à passer ce cap, on peut prescrire une vitaminothérapie plus ou moins associée au minoxidil. On aura auparavant éliminé une pelade aiguë, une dysthyroïdie, une carence martiale ou une authentique alopécie androgénique débutante.  Chute chronique, si son installation s’étale sur plus de 6 mois. Il faut là aussi rechercher une dysthyroïdie (+++), une carence martiale (+++) (1), la pratique d’un régime sauvage mal équilibré, une maladie générale chronique, une connectivite (2)…, toute cause qui nécessite un traitement médical étiologique. L’alopécie, ici, touche tout le cuir chevelu de façon diffuse. On écartera aussi un rare effluvium télogène chronique. La cause la plus fréquente est l’alopécie androgénique (AAG) féminine, caractérisée typiquement par une atteinte frontopariétale, maintien d’une bande frontale antérieure et d’une zone occipitale riche, avec son contexte hormonal sous-jacent possible. Devant une alopécie chronique féminine, quelques examens biologiques doivent être réaliser : NFS, THSus, ferritine (+++) et fer sérique. En cas d’AAG isolée, il n’est pas nécessaire de pratiquer un bilan hormonal complémentaire. En revanche, en cas d’AAG accompagnée de signes cliniques d’hyperandrogénie (troubles des règles, hirsutisme, acné brutale), il faudra réaliser un bilan hormonal (testostérone…) et une échographie pelvienne (à la recherche d’un syndrome des ovaires polykystiques), sans oublier également la recherche d’une rare hyperandrogénie surrénalienne par déficit en 21-hydroxylase. Figure 1. Alopécie androgénétique masculine. Avant. et après microgreffe capillaire. Le traitement sera bien sûr étiologique.  Dans tous les cas, il repose sur la prescription de minoxidil à 2 %, mais surtout à 5 % (contre-indiqué en cas de grossesse ou d’allaitement). Des vitamines et du fer (même s’il n’existe pas de carence patente) seront également prescrits. En cas d’AAG, pour certains, des antiandrogènes (acétate de cyprotérone ou spironolactone) seront prescrits en plus de ce traitement, pour d’autres ces antiandrogènes ne seront prescrits que si l’alopécie est accompagnée de signes d’hyperandrogénie cliniques extracapillaires. On évitera les contraceptifs avec un progestatif androgénique. Si cette alopécie évolue depuis des années sans succès cosmétique visible, malgré les traitements médicaux, et si la patiente est motivée, alors une greffe de cheveux sera proposée (figure 2). Les techniques de greffe Le principe est connu : prendre des cheveux à l’arrière occipital préservé du processus de chute, et les redistribuer dans une zone dégarnie de plus forte valeur esthétique comme la zone frontopariétale et/ou le vertex. Il existe deux techniques pour prélèvement occipital : la bandelette et la FUE (Follicular Unit Extraction).  La bandelette Une bandelette horizontale de 0,5 cm à 1,2 cm de large est prise sur une longueur variable de 10 à 25 cm. La dimension de cette bandelette est importante à considérer car elle va conditionner la quantité de cheveux disponibles à implanter. Cette longueur sera donc fonction de la surface à couvrir, mais aussi de la souplesse du scalp, de la densité capillaire de la zone donneuse, et surtout des désirs du patient. La béance créée est immédiatement refermée et laisse place à une fine cicatrice linéaire horizontale. Cette bandelette sera micro-coupée sous microscopes par 2 à 4 assistantes compétentes en implants folliculaires. Les cheveux se distribuent naturellement en petites familles de 1, 2, 3 ou 4 cheveux au maximum. Figure 2. Alopécie chez une femme. Avant. et après microgreffe capillaire. Ces petits îlots familiaux, ou unités folliculaires, sont bien individualisés sur le plan anatomique et histologique (3,4). La découpe va isoler ces petites familles d’implants de 1, 2, 3 ou 4 cheveux. Les proportions de chacun de ces groupes sont variables selon les individus et les ethnies. Pendant que les assistantes découpent, le médecin crée les sites à savoir de microscopiques petites fentes de 1 à 2 mm de long. Les assistantes vont ensuite introduire patiemment les implants dans chaque micro-site. Les implants de 1 à 2 cheveux sont placés à l’avant sur la lisière frontale, les implants de 3 à 4 cheveux à l’arrière. L’intervention se passe sous anesthésie locale, dure 2 à 3 heures au maximum dans une ambiance décontractée musicale mais sereine pour le patient et le personnel. Le patient ressort sans pansement, tout au plus une casquette pour dissimuler les croûtes.  La Follicular Unit Extraction La prise de la bandelette arrière laisse chez certaines personnes une cicatrice plus ou moins visible, plus ou moins « heureuse » selon l’expérience du médecin et la souplesse du scalp. Cet état cicatriciel, vu occasionnellement, a incité certains praticiens à rechercher des techniques de prise ne laissant pas de cicatrice ou le moins possible. Ainsi, est apparue il y a 7 ans aux États-Unis la technique de la « follicular unit extraction » (FUE) (5). Elle consiste à prendre à l’aide d’un petit foret circulaire (punch de 0,7 à 1 mm de diamètre) les petites familles folliculaires à même le scalp occipital. Les petits trous, laissés béants dans la zone donneuse, cicatrisent spontanément quasiment sans laisser de marque visible (6). En théorie, c’est une prise « sans cicatrice ». En fait, en pratique, la FUE pose d’énormes problèmes que nous discuterons plus loin.  La technique de fermeture « trichophytique » En réaction à la FUE et aux espoirs utopiques qu’elle suscite, les techniques de fermeture de la béance créée par la prise de bandelette occipitale se sont améliorées. Ainsi est apparue la technique de fermeture dite « trichophytique », qui permet de laisser une très fine cicatrice linéaire arrière à peine visible. Elle consiste à prendre sur une ou sur les deux berges de fermeture une microbandelette parallèle supplémentaire de 1 mm de profondeur et de largeur. Les deux berges se réunissent et s’emboîtent lors de la fermeture par les fils. Particularité de la greffe chez la femme La technique est la même que celle utilisée chez l’homme et décrite plus haut. La demande féminine (7) concerne surtout la zone frontopariétale. Autant chez l’homme on est confronté au problème d’une calvitie plus ou moins totale, autant chez une femme il s’agit le plus souvent d’une perte de densité frontopariétale, avec différents degrés de clairière (classification de Ludwig). Ainsi, le problème sera d’implanter entre les cheveux persistants environnants pour apporter une plus grande densité, avec des cheveux censés être d’un calibre supérieurs et donc plus couvrants optiquement parlant. Face à un effluvium chronique, la zone donneuse potentielle est quelquefois aussi pauvre que la zone à couvrir, cependant, le simple rajout de cheveux dans une région antérieure ciblée procure un certain degré de satisfaction chez la patiente. Les suites postopératoires Elles sont en général minimes : – la douleur, mineure dans la majorité des cas, est facilement gérable par des antalgiques ; – des croûtes peuvent subsister 8 à 15 jours, elles correspondent aux points d’implantation ; – un oedème frontal, inconstant et éphémère, est possible, il nécessitera une brève corticothérapie préventive ; – une nuance particulière est à noter (surtout chez la femme) : dans les 2 à 4 mois qui suivent la greffe, une chute de cheveux réactionnelle, plus ou moins importante concernant les cheveux environnants sains, peut se voir ; elle nécessitera une prise en charge par un traitement à base de vitamines et de minoxidil afin de passer ce cap difficile. Les résultats de repousse Chez l’homme, les premières pousses se voient au bout de 4 à 5 mois. Mais les résultats définitifs cosmétiques valables ne se voient qu’au bout de 9 mois à 1 an. Chez la femme, les résultats sont plus longs à obtenir, car pour avoir un effet de couverture, il faudra que les cheveux naissants aient une longueur similaire aux cheveux environnants persistants et puissent se fondre avec eux(7). Les cheveux implantés ne tombent plus, puisqu’ils sont « programmés » pour une longévité similaire à celle qu’ils auraient eue s’ils étaient restés dans leur site originel de départ. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la greffe crée une simple illusion d’optique de couverture, car la quantité apportée en une séance est faible par rapport à la masse globale des cheveux (4 000 cheveux/100 000 cheveux). La greffe permet d’amener cette quantité de cheveux à l’endroit précis où on le souhaite, à savoir le plus souvent à l’avant, c’est-à-dire au visage. Les indications La greffe de cheveux peut être considérée comme une « technique à la carte ». Quels que soient le degré d’alopécie et son caractère (diffuse ou circonscrite), après avoir éliminé toutes les causes d’alopécie améliorables par des traitements médicaux, une solution par greffe de cheveux est toujours possible en tenant compte des paramètres suivants : – les désirs du patient ; – la quantification de la surface à couvrir ; – la qualité et la quantification de la surface donneuse arrière occipitale ; – la nature des cheveux et la couleur de peau : des cheveux épais et/ou frisés couvrent mieux que des cheveux fins et/ou raides (figure 3/illustration). Un faible contraste de couleur entre peau et cheveux donnera de meilleurs résultats optiques que des cheveux très noirs sur une peau très blanche ; – la prudence, notamment chez les jeunes, face à une demande déraisonnable concernant la zone frontale et au désir obsessionnel de combler les golfes. L’alopécie est un phénomène dynamique qui évolue dans le temps. Il faudra essayer, au mieux, d’anticiper la future calvitie dans son importance et ses contours. Il existe un gradient hiérarchique esthétique, qui va du plus important, la zone frontopariétale, vers le moins important, la zone du vertex (ou tonsure). En clair, il est plus agréable d’avoir une grande quantité de cheveux à l’avant plutôt qu’à l’arrière, à défaut d’avoir des cheveux partout. Bien sûr, il y a des cas particuliers et des nuances qui ne rentrent pas dans ce schéma théorique. En fonction de tous ces éléments, et s’il n’existe pas de contre-indications à une intervention sous anesthésie locale, une solution sera toujours envisageable. Discussion  Sur la technique La greffe de cheveux est une technique très sophistiquée car elle fait appel à 2 voire 4 infirmières, qui travaillent simultanément et de façon synchronisée avec le médecin, qui devient en quelque sorte un « chef d’orchestre » pour que la « partition gestuelle » se joue harmonieusement et rapidement. Elle nécessite un environnement de type chirurgie dermatologique équipé de 2 à 3 microscopes pour la découpe des implants.  Quelques chiffres Une bandelette de 20 cm2, avec une densité moyenne de 200 cheveux/ cm2, fournit 4 000 cheveux répartis en 1 000 à 1 300 implants. Si le contexte le permet, on peut aisément prendre une bande de 25 cm de long sur 1 cm de large augmentant ainsi les capacités donneuses. En moyenne, « x cm2 donneurs » peuvent couvrir 2 à 3 fois esthétiquement sa surface, soit « 3 x cm2 en surface receveuse ». Ainsi pour un homme qui a une surface chauve de 120 cm2, une bandelette arrière de 25 cm2 peut couvrir les 75 cm2 en zone frontopariétale ; une 2e séance 1 an plus tard est envisageable pour travailler à 50 % l’arrière non implanté lors de la 1re séance, et à 50 % de nouveau l’avant. Bien sûr, tout cela est adaptable en fonction de chaque patient et ses désirs.  Problème de la FUE Ceux qui l’ont introduite et conçue aux États-Unis l’ont pratiquement abandonnée, ou du moins en ont restreint considérablement les indications. Pourquoi ? Le but est de prendre les racines à la source sur le scalp sans trace. Lors de la « pioche » des unités folliculaires, on est guidé par l’angle que font les cheveux en sortant de la peau. Or, souvent, l’angle en intradermique est différent de celui affiché en extracutané ; ainsi, l’angle d’attaque du foret lors du prélèvement n’est souvent pas optimal, et il n’est pas rare de passer à côté des racines (implants inexploitables) et de piocher dans le vide (8). Pour W.R. Rassmann, qui est l’un des pionniers de cette technique, 25 % des implants sont vides. De plus, l’intervention est longue et laborieuse pour le patient et le médecin (5 à 8 heures). Le rendement en implants folliculaires est faible avec un taux important d’implants de mauvaise qualité — les séances qui dépassent les 500 ou 600 implants sont exceptionnelles —, alors que la technique de la bandelette fournit sans difficulté 1 300 implants d’excellente qualité coupés au microscope en 1 heure. Ce fait est capital pour la surface à couvrir et donc pour le degré de satisfaction future du patient. En outre, si avec la technique de la bandelette, une 2e séance est pratiquée aisément 1 an plus tard, elle pose à l’inverse pour la FUE le problème des petits trous qui vont forcément se rapprocher et donc aboutir à l’effet inverse du but initialement fixé, à savoir aboutir à un scalp induré scléreux et très cicatriciel. Le cheveu idéal pour la FUE est le cheveu de type asiatique, car droit et épais (des records sont affichés par des cliniques chinoises qui feraient des séances en FUE de 1 000 implants). Par ailleurs, si l’on vante volontiers ces techniques (effet de mode ?), les résultats sont rarement montrés lors des congrès. Une polémique passionnelle est née autour de cette technique, qui laisse les praticiens, le plus souvent, dubitatifs. Quoi qu’il en soit, la FUE est une piste à explorer dans certains cas ; elle pourrait trouver des indications, par exemple, pour les hommes qui se rasent complètement le crâne et surtout pour traiter des petites zones. Mais dès que la surface à couvrir dépasse 10 cm2 on fait appel à la bandelette.  Les autres techniques chirurgicales Il y a encore 5 ans, les lambeaux et réductions de tonsure (avec ou sans expandeur) avaient des indications et de farouches défenseurs. La greffe de cheveux par son côté ambulatoire, par la finesse des cheveux transplantés et surtout par l’aptitude à implanter des cheveux dans n’importe quelle région du scalp selon le souhait du patient, a détrôné ces techniques. Elles ne sont toutefois pas abandonnées et trouvent leur indication principale en chirurgie réparatrice. La greffe de cheveux (ou les microgreffes capillaires) et les dermatologues Historiquement, les dermatologues ont été les initiateurs de cette technique. Elle est pratiquée en grande majorité dans le monde par ces mêmes dermatologues. En France, ces derniers devraient s’impliquer de façon plus présente, car la greffe de cheveux est convoitée par un nombre croissant de praticiens non dermatologues « surfant » sur la vague de « l’esthétique ». En juillet 2005, paraissent les décrets encadrant l’activité de la chirurgie esthétique. Un flou était né dans les textes concernant la greffe de cheveux, flou très vite dissipé par deux lettres du ministre de la Santé précisant que la greffe de cheveux est réalisable par les dermatologues sous anesthésie locale en cabinet (lettres de juillet 2005 et décembre 2005). Suite à une série de réunions de travail organisées à partir de mars 2006 par la DGS entre plasticiens, dermatologues et médecins esthétiques, il a été décidé que la greffe de cheveux est « hors des décrets sur la chirurgie esthétique ». La greffe de cheveux existe dans la nomenclature de la CCAM : elle est réalisable par tous les médecins, quelle que soit la spécialité, et en cabinet « QAEA007 » (séance à plus de 200 implants) dans un but non esthétique. La chirurgie dermatologique se définit comme une chirurgie susaponévrotique. Dans un acte effractif comme la microgreffe capillaire, la perte de substance maximale prenable est 50 cm2 sous anesthésie locale en cabinet. Ainsi, sur un plan médico-légal, tout dermatologue peut pratiquer une greffe de cheveux au cabinet, à condition bien sûr de remplir le cahier des charges afférent à toute activité chirurgicale en ambulatoire (hygiène, matériel, stérilisation, etc.). Conclusion Il est curieux de constater que beaucoup de nos confrères laissent leurs patients et patientes seuls face à un problème de calvitie, considéré comme une simple coquetterie. Ils transmettent un discours négatif teinté de fatalisme et renvoient ces mêmes patients dans l’arène de pratiques thérapeutiques douteuses et/ou vers des charlatans. La greffe de cheveux ne résout pas tous les problèmes de calvitie, mais une simple couverture capillaire bien ciblée désamorce un état de mal-être que l’on perçoit nettement chez certains de nos patients. La greffe de cheveux est la seule technique esthétique naturelle qui peut fournir de façon simple des cheveux définitifs et vivants à l’endroit exact où le sujet le souhaite. Elle peut permettre à certains de nos patients et patientes de sortir de cette impasse, parfois vécue de façon angoissante, du manque de cheveux. Le dermatologue est au premier plan pour prendre en charge ses patients demandeurs et les satisfaire.

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