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Cheveux, Poils, Ongles

Publié le 31 mai 2015Lecture 8 min

Pelade ophtalmique

J.-L. MICHEL, Saint-Étienne

L’appareil ciliaire peut être le siège de pathologies multiples. Des anomalies de croissance comme l’hypotrichose (arrêt de croissance des cils), la madarose (absence congénitale ou acquise des cils), ou encore certaines dystrophies ciliaires (pili torti, cilia torta, monilethrix, cilia incarnata) ne sont pas exceptionnelles(1). L’hypertrichose est la croissance excessive des cils en longueur et en épaisseur. On en rapproche la trichomégalie qui est l’augmentation de la longueur et de la vitesse de pousse des cils. Elle peut s’observer au cours de l’infection VIH, de traitement par cyclosporine ou par interférons, du kala-azar, etc. Les anomalies de pigmentation comme la leucotrichie (caractérisée par l’absence congénitale de pigmentation ciliaire), la poliose (blanchiment acquis des cils) et la canitie (blanchiment acquis et généralisé de tout l’appareil pilaire, cils compris) sont plus rares.

Caractéristiques des cils Nous avons entre 90 et 160 cils pour une paupière supérieure et 75 à 80 en inférieur, avec de grande variation de longueur. Les cils sont originaires de la lamelle antérieure de la paupière, où ils sont liés au tarse. Ils poussent de manière non coordonnées à raison de 5-6/jour sur la paupière supérieure et 3 à 4/jour sur la paupière inférieure. Un cil est un cheveu terminal, avec une médullaire, long et pigmenté. En comparaison, les poils velus du visage chez la femme sont doux sans médullaire, courts et clairs. Les cils ont le plus gros diamètre des poils du corps et sont les plus pigmentés des poils terminaux. Les cils ont une durée de vie de 3 à 6 mois. La phase de croissance anagène est de 30 jours. À la fin de la croissance, il y a une brève période de transition : catagène de 15 jours avec un raccourcissement des poils. Ensuite, le follicule rentre dans une phase de sommeil de 100 jours, aboutissant au détachement du cil. La proportion de télogène est plus importante dans les cils que dans le cuir chevelu. Cinquante-neuf à 85 % des cils sont en phase télogène, dépendant de leur situation sur la paupière supérieure ou inférieure. La longueur d’un cil peut varier de 8 à 12 mm sur la paupière supérieure, et de 6 à 8 mm sur la paupière inférieure. Elle dépend de l’ethnie et de l’origine de l’individu. La croissance des cils est, elle aussi, variable de 0,12 à 0,14 mm/jour. Tous les cils ont une tendance à bomber du bulbe vers l’extrémité. Là aussi, le degré d’incurvation est variable en fonction de l’origine ethnique. Les cils ne deviennent pas gris avec l’âge, ou seulement à un stade très avancé. Beaucoup de facteurs influent sur le cycle pilaire et la croissance des cheveux, mais leur effet sur les cils demeure obscur. Les androgènes sont un des facteurs principaux agissant sur la croissance pilaire, mais les cils semblent moins sensibles. De même, aucune implication de l’hormone de croissance, de l’insuline, des glucocorticoïdes, ou de la prolactine n’a pu être montrée sur la croissance ciliaire.   Pelade de localisation ciliaire unilatérale. Yellow dots ciliaires. Perte complète des cils. Perte des cils et des sourcils.     Signes ophtalmologiques de la pelade La madarose est la perte des cils. En plus de la perte des cils ou des sourcils, la pelade peut s’associer à des signes ophtalmologiques dans 40 à 50 % des cas. Il s’agit d’opacités ponctuées, de cataracte, de glaucome, d’anomalies rétiniennes. Ces anomalies ne justifient pas la pratique d’un bilan ophtalmologique de manière systématique.   Diagnostic différentiel Les dépilations des cils et/ou sourcils sont aussi observées en dehors de la pelade, au cours de la trichotillomanie (qui en est une des causes les plus fréquentes), de la syphilis, de l’hypothyroïdie et des blépharites chroniques. Des antécédents familiaux orienteront vers une hypotrichose héréditaire de Marie Unna. La perte des cils et sourcils est précoce, parfois dès la naissance. La pilosité corporelle est raréfiée. L’alopécie est diffuse avec des cheveux raides « en crin de cheval ».   Traitements locaux de la pelade ophtalmique (ciliaire et sourcilière)   Tacrolimus(2-4) C’est une molécule d’avenir dans le traitement de nombreuses pathologies inflammatoires oculo-cutanées : pemphigoïde cicatricielle, blépharoconjonctivite atopique, rosacée oculaire. Il agit par une action immunomodulatrice et antiinflammatoire. Cette action est similaire à celle obtenue avec des collyres cortisoniques. Il se révèle efficace chez des modèles animaux résistants à la bétaméthasone en collyre. Le tacrolimus par voie conjonctivale ou injection intravitréenne n’a pas de toxicité rétinienne chez l’animal aux doses thérapeutiques. Il a une très bonne pénétration dans la conjonctive. En comparaison avec les corticoïdes locaux, il n’a pas de risque d’atrophie cutanée au niveau palpébral, pas de risque de cataracte du fait d’une utilisation au long cours ou de glaucome. Une étude pilote utilisant du tacrolimus topique à 0,06 % 3 fois par jour chez 15 patients présentant des maladies inflammatoires de la conjonctive ou de la cornée (blépharoconjonctivite atopique, pemphigoïde cicatricielle, réaction du greffon contre l’hôte) a apporté une amélioration et une stabilisation dans deux tiers des cas. Dans 34 cas de blépharoconjonctivite atopique, un traitement par tacrolimus topique à 0,1 %, 2 fois par jour pendant 8 semaines, a permis une amélioration dans 80 % des cas, avec pour effets secondaires une sensation de brûlure (60 % des cas) ou un prurit (25 % des cas). La pression intraoculaire n’a pas été modifiée. Il n’y a pas eu de cataracte ou de glaucome. Dans les formes cutanées, l’utilisation du tacrolimus/pimecrolimus n’est pas recommandée. En effet, les résultats ne sont pas encourageants, peut-être en raison d’une pénétration insuffisante. Pour les sourcils, on peut tout de même proposer le Protopic©. En effet, il s’agit du seul traitement disponible actuellement. Les dermocorticoïdes forts au long cours habituellement utilisés dans les autres localisations de pelade ne peuvent pas être poursuivis suffisamment longtemps.   Prostaglandines et analogues des prostamides(5,6) Les analogues des prostaglandines en collyre ont révolutionné le traitement des glaucomes depuis presque 10 ans. Les molécules, utilisées par définition au long cours dans ces pathologies chroniques, peuvent entraîner des modifications durables de couleurs de certains iris (en particulier les iris bicolores), une pigmentation de la peau des paupières et un épaississement des cils. Aucune conséquence véritablement pathologique n’est décrite jusqu’à présent. Ils sont utilisés dans le traitement des pelades ciliaires. Depuis l’introduction du latanoprost en 1996 comme agent hypotenseur local dans le traitement du glaucome, des cas d’hypertrichose des cils ont été rapportés régulièrement. Le bimatoprost à 0,03 % a un pourcentage plus élevé de croissance ciliaire. Récemment, cette molécule a reçu l’agrément de la Food and Drug Administration (FDA) américaine dans l’indication d’augmentation de la longueur, d’épaisseur et de pigmentation ciliaire chez les patients atteints d’hypotrichose ciliaire, sous le nom commercial de Latisse® (Laboratoire Allergan). Lumigan® est du bimatoprost en collyre en solution à 0,1 mg/ml et à 0,3 mg/ml (incolore à légèrement jaune). Le bimatoprost est un agent hypotenseur oculaire puissant. C’est un prostamide synthétique, structurellement apparenté à la prostaglandine F2alpha (PGF2alpha), qui n’agit pas par l’intermédiaire de récepteurs aux prostaglandines connus. Le bimatoprost reproduit de façon sélective les effets de nouvelles substances biosynthétiques, les prostamides. La structure des récepteurs aux prostamides n’a pas encore été identifiée. De nombreux cas isolés de repousse ciliaire dans la pelade ont été rapportés sous bimatoprost ou latanoprost. La posologie recommandée est d’une goutte dans l’œil, ou les yeux atteint(s), une fois par jour le soir. Avant le début du traitement, les patients doivent être informés de la possibilité d’assombrissement de la peau de la paupière ou d’une augmentation de la pigmentation de l’iris, comme cela a pu être observé au cours des études chez les patients traités par Lumigan®. Certains de ces changements peuvent être définitifs et peuvent entraîner des différences d’apparence entre les yeux si un seul œil est traité. Le changement de pigmentation de l’iris se produit lentement et peut ne pas être décelable avant plusieurs mois ou plusieurs années. Un cas d’hyperpigmentation de l’iris a été observé après 12 mois de traitement par le bimatoprost 0,1 mg/ml en collyre (incidence de 0,5 %). Avec le bimatoprost 0,3 mg/ml en collyre, l’incidence, qui était de 1,5 % à 12 mois, n’a pas augmenté pendant les 3 années de traitement. On a constaté que la pigmentation des tissus péri orbitaux était réversible chez certains patients. La pigmentation de l’iris est due à un accroissement de la taille des granules de mélanine, secondaire à une augmentation de la mélanogenèse. Les patients les plus âgés sont les plus touchés. Des cas d’œdème maculaire cystoïde ont été rapportés peu fréquemment (≥ 1/1000 à < 1/100) après traitement avec le collyre en solution contenant 0,3 mg/ml de bimatoprost, d’ou la nécessité de réaliser un examen ophtalmologique avec fond d’œil avant traitement et en cours de traitement comme surveillance au bout de 3 mois. En conséquence, Lumigan® doit être utilisé avec précaution chez les patients présentant un facteur de risque connu d’œdème maculaire (exemple : patients aphaques, pseudophaques avec rupture capsulaire postérieure). De rares cas de réactivation d’anciens infiltrats cornéens ou d’infections oculaires ont été rapportés avec le collyre contenant 0,3 mg/ml de bimatoprost. Il doit être utilisé avec précaution par les patients ayant des antécédents d’infections virales oculaires (herpès) ou d’uvéite/iritis. Ce collyre contient un conservateur, le chlorure de benzalkonium, qui peut être absorbé par les lentilles de contact souples. Le chlorure de benzalkonium peut entraîner des irritations oculaires et une coloration des lentilles de contact. Les lentilles de contact doivent être retirées avant l’instillation et peuvent être remises 15 minutes après. Le chlorure de benzalkonium peut être à l’origine de kératites ponctuées superficielles et/ou d’une kératopathie ulcérative toxique. Une surveillance est nécessaire pour un traitement répété ou prolongé chez les patients présentant une sécheresse oculaire ou une atteinte cornéenne. Dans les pelades touchant le visage, l’absence de poils et en particulier de sourcils confère au visage un caractère intrigant. Le tatouage des sourcils (et plus exceptionnellement de la bordure palpébrale) peut limiter cette impression, pour le patient comme pour les autres.

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