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Rosacée

Publié le 01 juil 2021Lecture 7 min

Rosacée : prise en charge des situations difficiles

Jean-Benoît MONFORT, Service de dermatologie et de médecine vasculaire, hôpital Tenon, Paris
Rosacée :  prise en charge des situations difficiles

La rosacée est une pathologie bénigne très fréquente, source d’un retentissement psychologique parfois très important chez les patients. Bien que dans la majorité des cas le traitement permette une amélioration de la rosacée, celle-ci peut être sévère et rebelle aux différentes thérapeutiques.

La rosacée est une dermatose inflammatoire chronique fréquente, dont la physiopathologie n’est pas encore parfaitement élucidée et qui peut avoir un retentissement majeur sur la qualité de vie. À l’exception des phymas, elle atteint préférentiellement la femme entre 30 et 50 ans, au phototype clair. Elle touche les zones convexes du visage, avec une atteinte globalement symétrique, bien qu’il puisse exister un côté prédominant. Des critères diagnostiques ont été validés. Afin de retenir le diagnostic, il est nécessaire d’avoir : – au moins un critère majeur parmi : flush, érythème persistant, papules/pustules, télangiectasies ; – au moins un critère mineur parmi : sensation de brûlure/ piqûre, xérose, œdème, atteinte oculaire, phyma. La rosacée est classée en quatre types : – forme érythémato-télangiectasique (type I) : flushes transitoires, érythème centro-facial persistant. Les zones péribuccales et périorbitaires sont épargnées. Des télangiectasies sont fréquentes, mais non indispensables pour retenir le diagnostic ; – forme papulo-pustuleuse (type II) (figures 1 et 2) : en plus des signes précédents, des papules et des pustules de localisation centro-faciale sont présentes. Un œdème, dû à l’inflammation chronique, en résulte ; – phymas (type III) : la peau est épaissie, de façon irrégulière, dans les zones séborrhéiques. Le nez est le plus souvent atteint. Ces formes concernent plus souvent les hommes ; – rosacée oculaire (type IV) (figure 3) : l’atteinte cutanée associée est fréquente, mais non nécessaire. Elle peut se compliquer d’une kératite aiguë.   Figure 1. Rosacée papulo-pustuleuse. Diagnostic initial erroné de lupus érythémateux. Figure 2. Rosacée papulo-pustuleuse résistante à la doxycycline. Disparition totale sous isotrétinoïne à faibles doses. Figure 3. Rosacée oculaire chez un jeune homme avec érythème permanent du visage. L’aspect histologique n’est pas spécifique. Ainsi, la biopsie n’est pas indispensable pour retenir le diagnostic. Dans les cas difficiles, il convient d’exclure un diagnostic différentiel : lupus érythémateux (absence de pustules, pas de flushes), acné, dermatite séborrhéique, dermite péri-orale... Sachant que ces dermatoses sont parfois associées à la rosacée, ce qui rend le diagnostic difficile. La prise en charge, simple pour les formes légères, peut parfois être difficile. La première mesure repose sur l’éviction des facteurs déclenchants, notamment des flushes : alcool, épices, passage brutal du froid au chaud, etc. L’application d’émollients a démontré son efficacité pour soulager la sensation de brûlure. La photoprotection est recommandée, bien qu’il existe peu de données dans la littérature. TRAITEMENTS TOPIQUES Le métronidazole topique (Rozex®) est l’un des plus anciens traitements. Il s’applique deux fois par jour. Il a démontré sa supériorité par rapport au placebo dans plusieurs essais thérapeutiques. Le taux de rechute est de 23 %, six mois après l’arrêt. Il n’est pas toujours bien toléré (aggravation de la xérose). L’acide azélaïque (Finacea , Skinoren®) permet une rémission dans 70-80 % des cas versus 50 % avec le placebo d’après les données Cochrane. Les agonistes des récepteurs alpha-adrénergiques topiques ont une action vasoconstrictrice, ils ont donc un intérêt dans les formes érythémato-télangiectasiques : La brimonidine (Mirvaso®) a démontré son efficacité dans deux essais contrôlés randomisés. Elle a une action maximale six heures après l’application. Cependant, l’érythème revient à son état de base dans tous les cas quelques heures après, et il existe un effet rebond dans 5 % des cas, qui semble cependant plus fréquent en pratique. Elle n’est pas remboursée (environ 50 euros le tube de 30 g). L’oxymétazoline à 1 %, utilisée comme vasoconstricteur nasal, a démontré son efficacité dans deux essais de phase III portant sur 885 patients. Appliquée quotidiennement pendant vingt-huit jours, elle diminuait de façon significative l’érythème par rapport au placebo. Elle n’est actuellement pas disponible en France sous forme topique. L’ivermectine topique (Soolantra®) a une action sur le parasite Demodex impliqué dans la physiopathologie de la rosacée. Elle a démontré son efficacité et sa supériorité par rapport au métronidazole topique dans une étude de phase III contrôlée, sur 962 patients. Elle n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale (environ 20-25 euros le tube de 15 g). Elle a un intérêt dans les formes papulo-pustuleuses essentiellement. La perméthrine (utilisée pour le traitement de la gale et des pédiculoses) a un effet similaire au metronidazole dans des essais contrôlés. Elle a une action sur les papules et l’érythème, mais aucune sur les pustules ni les télangiectasies. Elle n’a pas d’AMM pour la rosacée. Le tacrolimus (Protopic , Takrozem®), inhibiteur de la calcineurine, n’a été étudié que dans des essais ouverts. Il permet une amélioration de l’érythème, notamment dans les rosacées stéroïdiennes déclenchées par la prise de corticoïdes. Il n’a pas d’AMM pour la rosacée. Le pimecrolimus, un autre inhibiteur de la calcineurine, n’a cependant pas démontré d’efficacité par rapport à un placebo dans des essais contrôlés. Il n’est pas disponible en France. Le peroxyde de benzoyle, dans un essai contrôlé assez ancien, avait démontré une supériorité par rapport au placebo pour les flushes, pustules et papules. Cependant, il était associé à de la clindamycine topique. Le manque de données sur son efficacité ainsi que sa tolérance moyenne n’en font pas un bon candidat pour le traitement de la rosacée. Plusieurs études non contrôlées ont mis en évidence une efficacité de la trétinoïne dans la rosacée, notamment sur l’érythème, les papules, les pustules et les télangiectasies. Cependant, les données ont un faible niveau de preuve dans la littérature. La minocycline topique 1,5 % a démontré une efficacité dans deux essais de phase III, contrôlée versus placebo. Elle permettait de diminuer significativement le nombre de lésions cutanées inflammatoires à la semaine 12. Le cromoglycate de sodium, antihistaminique utilisé en pulvérisations nasales pour les rhinites allergiques, a été étudié dans un petit essai contrôlé sur dix patients versus placebo. À huit semaines, il diminuait significativement l’érythème. L’acide epsilon-aminocaproïque, un inhibiteur de sérine protéase utilisé en collyre pour les irritations conjonctivales, a permis de diminuer l’érythème à la semaine 12 dans un essai ouvert. La ciclosporine en collyre à 0,5 % pour le traitement de la rosacée oculaire a démontré son efficacité ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie des patients, mais avec un faible niveau de preuve. TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES Les cyclines ont le meilleur niveau de preuve comme traitement systémique dans la rosacée (tétracyclines, doxycycline). Elles sont efficaces sur l’érythème et les pustules. Les rechutes sont fréquentes à l’arrêt (42 %). Elles agissent sur l’inflammation et sur la vasodilatation. Le rôle antimicrobien est nettement au second plan. La doxycycline à petites doses (50 mg/j) a démontré une infériorité par rapport aux doses plus élevées (100 mg/j), mais avec moins d’effets indésirables digestifs. Les cyclines sont le traitement de référence de la rosacée oculaire. L’isotrétinoïne à petites doses (10-20 mg/j) est efficace dans les formes difficiles, récidivantes (supériorité au placebo et à la doxycycline dans plusieurs essais contrôlés randomisés), notamment granulomateuses, avec une très bonne tolérance. Elle a une action anti-inflammatoire sur les TLR2. Cependant, les rechutes à l’arrêt sont fréquentes (58 % des patients, avec un délai médian de quinze semaines). Dans une étude randomisée, l’azithromycine était aussi efficace que la doxycycline sur les lésions inflammatoires. Cependant, les biais étaient nombreux dans cette étude. Le métronidazole a une efficacité sur les lésions inflammatoires, mais sa toxicité en limite l’utilisation (effet antabuse, neuropathie périphérique). Il se prescrit à 200 mg × 2/j pendant douze semaines maximum. Quelques cas cliniques et séries de cas ont rapporté une efficacité des bêtabloquants sur les flushes et l’érythème. Il n’existe aucun essai contrôlé. Le carvédilol pourrait avoir un effet anti-inflammatoire dans la rosacée. Le problème majeur est celui de la tolérance. AUTRES TRAITEMENTS Le laser est indiqué dans les rosacées de formes télangiectasiques. Dans une étude, le laser à colorant pulsé était plus efficace que le laser YAG et aussi efficace que la lumière intense pulsée. Le niveau de preuve est cependant faible. L’efficacité de la photothérapie dynamique a été rapportée dans quelques cas cliniques, après deux à quatre séances. La chirurgie est réservée en dernier recours dans les phymas. CAS PARTICULIERS L’œdème du Morbihan est une forme rare de rosacée. Elle s’observe essentiellement chez l’homme présentant une infiltration cutanée du front de la glabelle. Elle est d’évolution chronique. Il n’existe aucun essai contrôlé randomisé dans cette pathologie. Seuls quelques cas cliniques ont rapporté une efficacité de différents traitements : diurétiques, cortico-thérapie générale, isotrétinoïne seule ou en association avec un antihistaminique, thalidomide, clofazimine, métronidazole (per os). La rosacée granulomateuse est traitée en priorité par de l’isotrétinoïne à faibles doses. La rosacée fulminante est la forme la plus sévère de rosacée. Elle s’observe chez la femme, avec un début brutal, des nodules à évolution purulente, un pronostic esthétique majeur. Elle est traitée par une corticothérapie générale (0,5 à 1 mg/kg/j) associée à des dermocorticoïdes, pendant une courte durée (1-3 semaines). Un relais par un rétinoïde per os est ensuite mis en place. Aucun essai contrôlé n’est actuellement disponible. Le traitement des phymas repose sur le laser CO2, parfois associé à un geste chirurgical selon la localisation (blépharoplastie). En conclusion, de nombreuses molécules sont disponibles pour la rosacée, permettant un contrôle de la maladie dans la majorité des cas. Le métronidazole topique, l’acide azélaïque et les cyclines ont actuellement le meilleur niveau de preuve. Dans les formes rebelles, l’isotrétinoïne à faibles doses est souvent utile.

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